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Contenir l'euthanasie ? Une illusion.

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Etienne Montero: « C’est une illusion de penser qu’on peut contenir l’euthanasie »

PAR MARIE -MADELEINE COURTIAL / LE 4 NOVEMBRE 2013

Etienne Montero est docteur en droit de l’UCL (Université Catholique de Louvain), professeur ordinaire à l’Université de Namur. Il est doyen de la Faculté de droit. Il a écrit en 2013 un livre intitulé: « Rendez-vous avec la mort: dix ans d’euthanasie légale en Belgique ». Nous lui avons posé des questions sur son livre et l’euthanasie.

1) Etienne Montero, vous avez écrit un livre-bilan sur les dix ans de l’euthanasie en Belgique: « Rendez-vous avec la mort », pourquoi écrire ce bouquin ? Quelles ont été vos motivations ?

Lorsqu’ont été « célébrés » les 10 ans de la loi sur l’euthanasie, quantité d’articles ont paru dans la presse pour dresser un bilan très flatteur de la loi : conditions légales parfaitement respectées, aucune dérive, aucun cas suspect transmis au ministère public… Ce triomphalisme a titillé mon esprit critique. L’occasion a aussi été un affidavit que j’ai été amené à rédiger, à la demande du Procureur général du Canada et du Procureur général du Québec, pour la cour supérieure du Québec. Une dame souhaitant être aidée à mourir contestait les dispositions pénales l’en empêchant. Il m’était demandé de rendre compte de l’expérience des 10 ans d’euthanasie légale en Belgique. Ce travail m’a fourni la trame de mon livre.

2) Ses partisans déclarent que le cadre légal empêche toute dérive, est-ce la réalité sur le terrain ? Quel est le bilan réel après dix ans de légalisation d’euthanasie en Belgique ?

Mon analyse est qu’il n’est pas possible de baliser l’euthanasie et d’en contrôler la pratique. L’euthanasie était envisagée comme une exception pour des cas limites et à des conditions très strictes. Aujourd’hui, on constate que les conditions sont appréciées très souplement par la Commission de contrôle. Là où est exigée une maladie grave et incurable, on se contente de « pathologies multiples », généralement liées au grand âge et dont aucune n’est en soi grave et incurable. La condition de souffrance physique ou psychique insupportable ne fait pas l’objet d’un vrai contrôle car, estime la Commission, la souffrance est une notion subjective. Dans les travaux préparatoires de la loi, on excluait l’euthanasie des malades psychiatriques, dépressifs et déments, alors que des euthanasies sont régulièrement avalisées par la Commission de contrôle dans de tels cas. On accepte que répond à la notion de souffrance, l’anticipation d’une souffrance future. On pourrait multiplier les exemples.

3) Les derniers chiffres révélaient que le nombre de déclarations anticipées d’euthanasie avaient augmenté, n’y a-t-il pas un danger à faire une telle déclaration ?

Aujourd’hui, une telle déclaration anticipée, qui a une durée de validité de cinq ans, ne peut être exécutée que si le patient, devenu incapable, est affecté d’une maladie grave et incurable et est en situation de coma irréversible. Le législateur avait été prudent, pour ainsi dire. Mais il y a des projets de loi visant à conférer une validité illimitée à  la déclaration anticipée et à permettre qu’elle soit appliquée à des personnes démentes, qui perdent progressivement leurs facultés cognitives ou la conscience de soi. Cela signifie qu’on laisse à d’autres une importante faculté d’appréciation, ce qui est une manière de s’orienter vers la possibilité de demander l’euthanasie d’autrui. Sérieux glissement en perspective.

4) En général, les médecins sont-ils compréhensifs et réceptifs à une demande d’euthanasie ?

Cela dépend des médecins et des « milieux médicaux ». Les demandes exprimées par les malades sont généralement écoutées et accueillies avec bienveillance, ce qui ne veut pas dire que tous les médecins sont prêts à y répondre positivement. Les partisans de l’euthanasie se plaisent à dire que la loi a libéré la parole. Mais le phénomène peut aussi s’expliquer par les progrès de la « culture palliative » qui porte à une plus grande attention et écoute, en Belgique et ailleurs.

5) Les politiques belges s’apprêtent à l’étendre pour que les mineurs puissent y avoir accès, n’est-ce pas une pente glissante et dangereuse ?

C’est très inquiétant. L’on sait que les douleurs physiques peuvent être adéquatement soulagées et rendues supportables aujourd’hui.  L’euthanasie est presque toujours demandée pour une souffrance d’ordre psychologique : lassitude de vivre, absence de perspectives… Croyez-vous vraiment que ce sont là des motivations d’un mineur ? S’il est correctement soigné, soutenu, accompagné, je ne crois pas qu’un mineur songe à demander qu’on le fasse mourir. Sauf à lui suggérer pareille issue. Je crains que l’offre crée la demande.

6) Alors qu’en France, on tente de lancer le débat sur l’euthanasie et qu’on parle de suicide assisté, l’exemple belge ne devrait-il pas faire réfléchir ?

Certainement, entrouvrir une porte, c’est accepter l’idée qu’elle s’ouvrira toujours davantage, que l’on ira d’élargissement en élargissement. C’est une illusion de penser qu’on peut contenir l’euthanasie ou le suicide assisté dans des limites très strictes et en contrôler efficacement la pratique.

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Commentaires

  • Et les limites entre le meurtre et l"assistance au suicide" deviendront, elles aussi, de plus en plus floues. Certainement un argument qui sera de plus en plus employé par les avocats de meurtriers qui prétendront avoir "aidé" quelqu'un "qui demandait de mourir", même qu'ils croyaient qu'il demandait de mourir... Et en quelque sorte transformer les assassins en "bons Samaritains"...

  • @ JLC ... Je crains qu'on n'y soit déjà avec les meurtres de bébés par « déni de grossesse », plaidé de plus en plus par les avocats. Qu'est-ce que l'euthanasie, sinon un déni de souffrance, réelle ou anticipée, ou simplement un déni de vieillesse ?

  • Pourquoi avoir ouvert la porte sur l'euthanasie? C'était l'ouverture de la porte de l'antre du Diable!
    "Livre de Jérémie; chapitre 7, Verset 23;
    Ecoutez ma voix et je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple; marchez dans toutes les voies que je vous prescris, afin que vous soyez heureux."
    Sommes-nous heureux dans un monde où les dirigeants élus démocratiquement, promulguent des lois meurtrières donnent le droit "TUER" les uns ... et donnent un TRIBUNAL ET UNE JUSTICE pénalisant les autres? Où est la logique?
    Jean-Paul II répondait un jour à la question; "Pourquoi Dieu laisse-t-Il la souffrance exister ? Pourquoi a-t-Il permis que des personnes naissent valides et d’autres handicapées ? Serait-ce un châtiment de Dieu ?"; "Impossible de donner une réponse purement humaine, et réagir en « hommes et femmes » de notre temps, sans enfermer ces questions dans un carcan oppresseur où ne serait envisagée que la souffrance du corps de l’être humain. Nous ne pouvons pas oublier l'esprit, ni occulter l’âme." Pour entrevoir une hypothétique explication à la souffrance, le Pape Jean-Paul II disait encore dans son dernier encyclique qui traitait de la souffrance; "Il faut entrer au cœur même du cœur de Dieu. Oser regarder la souffrance avec les yeux du cœur de Dieu. Seul Dieu peut nous éclairer, et nous devons nous en remettre à Lui dans la prière. N'a-t-il pas prouvé sa confiance en Dieu et Marie en les laissant, eux, décidés de son "départ". (La souffrance de Jean-Paul II pour dernière encyclique, de Lionel MARCILLAUD)
    Par la grâce de Dieu, refermons vite cette porte. Il n'est jamais trop tard. Ne l'ouvrons pas plus large encore SVP! Mettons-y toute notre force "spirituelle". Si nous devons craindre le courroux de Dieu, nous devons croire en sa toute grande miséricorde pour qui demande pardon du fond du cœur. "Va et ne pêche plus" disait Jésus à Marie-Madeleine.

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