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Syrie : le Saint-Siège a eu raison avant les autres

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Lu sur LibertéPolitique.com :

Syrie : le Vatican a eu raison avant les autres

Article rédigé par Frédéric Le Moal , le 23 novembre 2015

Au prix d’un effort douloureux et dont l’ampleur reste à l’heure actuelle encore à déterminer, la France se décide à agir en Syrie aux côtés de la Russie contre l’État islamique. Malgré les circonvolutions dont les diplomates et leur ministre ont le secret, il s’agit bien d’un retournement politique d’envergure. La ligne idéologique de Laurent Fabius – ni Bachar ni Daech – semble abandonnée.

Cette politique reposait sur la supposée existence de démocrates syriens (sans doute les mêmes que l’on cherche encore vainement en Libye) et sur le renvoi dos-à-dos du dictateur de Damas et de l’État islamique. On le sait, la Russie de Vladimir Poutine s’y est sans cesse opposée, considérant le maintien de Bachar el Assad comme la meilleure solution pour la défense de ses intérêts.

En septembre dernier, le maître du Kremlin franchit une nouvelle étape en envoyant son aviation bombarder les forces rebelles, islamistes ou non d’ailleurs. François Hollande rejeta alors la proposition russe d’une grande coalition. « Assad est le problème, il ne peut être la solution » déclara le président à la tribune de l’ONU.

Guerre juste

Or, le Saint-Siège adopta très tôt une ligne différente. La chute de Mossoul en juin 2014 provoqua une panique à la Curie qui comprit immédiatement la portée d’un tel évènement. La suite des évènements lui donna raison : une atroce persécution s’abattit sur les chrétiens d’Orient, pourchassés, brutalisés et crucifiés. Ce brusque retour d’un État totalitaire expansionniste a en fait réactivé la théorie de la guerre juste.

Le pape François, en août 2014, ne mâcha pas ses mots. Il est, selon lui, « licite d’arrêter l’agresseur injuste ». Cet appel à une intervention armée s’adressait aux grandes puissances, immobiles devant ce que le souverain pontife qualifie sans ambiguïté de génocide des chrétiens d’Orient. Certes, une solution politique sans recours aux armes rencontrerait davantage la faveur du Saint-Siège. Mais au point où en sont les choses, il devient clair que seule la force militaire arrêtera le califat.

L’option russe

Persuadé de faire face à ce qu’il appelle une « troisième guerre mondiale par morceaux », c’est-à-dire asymétrique, non déclarée et hors des champs de bataille traditionnels, le pape argentin a abandonné la position qui avait été celle de Jean-Paul II lors des deux guerres du Golfe, à savoir une défense intransigeante de la paix. Mais il ne pouvait compter sur la position frileuse des États-Unis d’Obama face à une nouvelle aventure guerrière au Moyen-Orient. Et il comprit très tôt que, sur le théâtre syrien, la résolution du problème passait par la Russie qui reprenait le rôle de protectrice des chrétiens d’Orient abandonné par la France.

Sur la route de Damas, le successeur de Pierre rencontra donc Poutine. La convergence géopolitique, déjà nette sous le pontificat de Benoit XVI, s’est accentuée sur la Syrie.

En effet, la défense des chrétiens constitue un des facteurs poussant Moscou à défendre, avec une continuité remarquable, le maintien du régime d’Assad, le seul à garantir la protection des minorités. Rome a multiplié les signes favorables : soutien aux efforts de Poutine pour empêcher en août 2013 une intervention armée contre Bachar el Assad, ardemment voulue par le président Hollande (ainsi que par Nicolas Sarkozy un an plus tôt, rappelons-le) ; rédaction en commun d’un rapport présenté au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en mars 2015 ; réception officielle de Poutine au Vatican le 10 juin de la même année.

La position du Saint-Siège peut ainsi être résumée :

  • Le recours à la force est licite.
  • La communauté internationale doit former une coalition pour vaincre le califat.
  • Elle doit agir avec le feu vert de l’ONU, seule instance légitime à valider le recours à la force.
  • La Russie est un acteur incontournable ; il faut donc l’intégrer à cette coalition.
  • Il faut y associer aussi des États musulmans.

 

Le retournement de la France

Après avoir rejeté l’offre de Vladimir Poutine pour une action commune, François Hollande s’y rallie suite aux attentats du 13 novembre. L’armée française opère dorénavant en liaison avec la Russie. Le 20 novembre, le vote à la demande de la France de la résolution 2249 par le conseil de sécurité de l’ONU, outre qu’elle désigne l’État islamique comme l’ennemi, ouvre la voie à la formation de la coalition demandée par le souverain pontife.

Les efforts russes pour se rapprocher de la Jordanie et de l’Arabie saoudite – en plus de ses liens avec l’Iran – devraient permettre de les insérer dans la stratégie d’endiguement du califat.

Ainsi assistons-nous à un renversement de situation conforme aux vœux de la diplomatie pontificale qui fait une fois de plus preuve d’une cohérence et d’une clairvoyance remarquables.

Frédéric Le Moal enseigne la géopolitique et l’histoire des relations internationales à l’Institut Albert-le-Grand (Angers).

Commentaires

  • Il n'y a pas de rupture entre la politique étrangère de Jean-Paul II et celle de François. A l'époque de la 2e guerre du Golfe, la guerre de la coalition US était parfaitement illégitime , comme la suite l'a prouvé : pas de mandat ONU et pas d'ADMassives. La France d'alors ( Chirac/Villepin) était d'accord avec le Vatican. Par contre Tony Blair, soi-disant catholique, s'était fait crosser par le pape. Il a depuis lors reconnu récemment son erreur, mieux vaut tard que jamais.

    Aujourd'hui, la légitimité d'une guerre contre Daesh n'est contestée par personne - qui donc oserait au vu des actualités ? - et François avait effectivement vu très clair en l'encourageant. François n'est pas un va-t-en guerre mais il n'est pas non plus un bisounours angélique. C'est un homme sain(t) qui évolue avec beaucoup d'astuce - parfois bien "jésuites", il est vrai - dans ce monde en folie. Mais qui donc ferait mieux que lui ? Son prédécesseur ne s'en sentait déjà plus la force.

    Or donc vint alors le Gospodin Vladimir Vladimirovitch Poutine qui, aux présidentielles de 2012, s' engagea à défendre les valeurs chrétiennes et les chrétiens d'Orient ( http://fr.sputniknews.com/politique/20120208/193306876.html ). Fidèle à sa promesse, il s'employa ensuite à empêcher l'Otan d'attaquer la Syrie d'El Assad , lui-même grand protecteur des syriens chrétiens malgré tous ses défauts réels ou supposés. Jusqu'à la récente intervention aérienne depuis le 30 septembre dernier, avec les succès que l'on sait. Malgré le black-out quasi total des médias occidentaux sur ce sujet, cela commençait à se savoir un peu trop et la cote de popularité de la Russie grimpait dangereusement en occident. Il était grand temps de rendre un peu de couleurs à la coalition US en Syrie-Iraq qui stagnait lamentablement depuis plus d'un an, ce qui permit même à Daesh de progresser beaucoup vers le nord et l'ouest, à Palmyre par exemple. Le pétrole volé à la Syrie continuait à couler vers la Turquie à travers un pipe-line roulant de quelques milliers de camions-citernes dont pas un seul n'avait été attaqué par la coalition. Depuis lors, un millier de camions ont déjà été détruits par la Russie qui envisage aussi de porter plainte contre la Turquie pour traffic illégal et soutien d'organisations terroristes. ( http://fr.sputniknews.com/international/20151123/1019727735/syrie-camions-petrole-destruction.html ).

    Donc, le double-jeu de la coalition commençait à devenir un peu trop évident par contraste avec les frappes russes entamées six semaines plus tôt. Je ne voudrais pas faire d'amalgame indécent mais il est un fait objectif que les attentats du 13 novembre à Paris vinrent à point pour un revirement d'attitude de la coalition, par l'intermédiaire de la France désormais occupée à ranimer la flamme auprès des coalisés endormis.

    Jusqu'où cette belle attitude est-elle sincère et ne vise-t-elle pas d'abord à couper l'herbe sous les pieds de la Russie, voilà ce qu'on est en droit de se demander au vu du double-jeu joué jusqu'ici. Le récent incident du bombardier russe abattu par les Turcs -membres de ladite coalition- le long de la frontière ne laisse rien présager de bon en la matière, même si le président Obama a invité son collègue Erdogan à faire preuve de plus de calme. La Turquie est un pion majeur de l'Otan dans cette région et celle-ci se gardera bien de la froisser. On restera donc bien dans le double jeu. D'autant qu'Erdogan est membre de la Confrérie des Frères musulmans soutenue de longue date par les USA et leurs vassaux européens .
    Et que la confrérie est à la source plus ou moins directe de tous les mouvements terroristes islamistes, depuis la mort de Nasser en 1970 ( www.amazon.fr/Histoire-secr%C3%A8te-Fr%C3%A8res-Musulmans-Ch%C3%A9rif/dp/2340002974 ).

    L'islamisme prend de plus en plus d'ampleur en Turquie , au point que la moitié de la population a voté dernièrement pour le Frère Erdogan. Les laïcs de l'autre moitié sont en perte de vitesse constante : adieu Frère Ataturk ( pas Musulman , seulement Maçon ) . Et dire que la chère Angela s'efforce de vendre l'Europe à la Turquie contre quelques emplois pour les réfugiés de là-bas ! Et dire aussi que le bureau international desdits Frères a pignon sur rue à Londres ! Kyrie eleison .

  • Bien dit. Et la fin des sanctions contre la Russie, c'est pour quand ?

  • Le monachisme a de beaux jours devant lui. Merci pour votre analyse, frère Eleison.

  • @ Chapeau :
    A mon avis, pas pour demain, sauf détails mineurs. Les sanctions sont en effet liées à l'affaire ukrainienne qui peut-être temporairement dissociée de l'affaire syrienne à des fins de coalition passagère, par pur opportunisme.

    Lever les sanctions serait mettre un point final à la provocation ukrainienne montée par les USA, ce que l'Empire (expression de Vladimir Poutine) ne consentira jamais. Ce point chaud dirigé contre la Russie est seulement mis en veilleuse en attendant une prochaine occasion de le ranimer. Entre-temps, l'Otan/US renforce constamment sa présence dans les anciennes républiques ou les anciens satellites qui entourent la Russie. Tout est fait pour l'encercler davantage et , si possible, pour la pousser à un acte de guerre qui permettrait de lui attribuer la responsabilité de la 3e guerre mondiale. Celle-ci est désirée par l'Empire qui n'a probablement plus d'autre moyen d'asservir cette puissance régionale qui l'empêche de dominer l'Eurasie, axe fondamental de son hégémonie planétaire ( voir le Grand Echiquier de Brzezinski).

    Les sanctions économiques et financières ne suffiront sûrement pas à mettre la Russie à genoux (au contraire, elles renforcent les efforts d'autonomie russe tandis qu'elles affaiblissent l'Europe) mais elles constituent un symbole auquel l'Empire ne saurait renoncer sous peine de perdre la face, chose parfaitement incompatible avec son arrogance et son orgueil.

  • Un beau gros pavé dans la marre, serait d'imiter le général de Gaulle en quittant l'OTAN et en l'invitant à aller planter ses pénates ailleurs, par exemple en Grande-Bretagne.

  • Ne comptez pas là-dessus, vous risqueriez d'être cruellement déçu. Depuis de Gaulle, qui se méfiait autant de l'Amérique que de l'Angleterre, je ne vois guère que Chirac qui ait osé s'opposer quelque peu à l'Empire, lors de la guerre d'Iraq 2003. Et éventuellement Mitterand qui, sur le tard, a fait cette confession :

    La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre
    avec l’Amérique - François Mitterrand
    jeudi 1er septembre 2011

    "La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique . Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort."

    François Mitterrand juste avant de mourir.

    (Source : Le dernier Mitterrand de Georges-Marc Benamou – Date de publication : 27/1/1997 – Editeur : Plon – Omnibus).

    Imaginez-vous un seul instant ce caniche de Hollande s'émanciper un tant soit peu de son maître ? Allez-vous espérer que Sarkozy le fasse, lui qui a trahi de Gaulle en ramenant la France dans l'Otan de son ami Bush ? Qui d'autre ? Comptez-vous sur Marine qui n'aura jamais le pouvoir, pas plus qu'Asselineau ?

    Il n'y a plus de Français éligible qui soit indépendant de l'Empire. Si vous voulez trouver en Europe un homme digne de ce nom qui le soit encore, c'est en Russie qu'il faut aller voir.

  • très convaincant, comme analyse ..Et nous pouvons continuer à suivre nos Papes ,hommes de paix , intelligents mais surtout inspirés par l' Esprit Saint . Pour ceux qui n'ont pas le temps de s' intéresser à la politique internationale ........... suivez le Pape.

  • @ Miserere : " Le monachisme a de beaux jours devant lui. "

    Podai, Gospodi ! Qu'il plaise à Dieu, pour le salut du monde .

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