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Un musée chinois dénigre la mémoire de saint Auguste Chapdelaine, missionnaire et martyr

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Du site des Missions Etrangères de Paris : 

Au Guangxi, un musée dénigre un saint missionnaire français du XIXe siècle

Saint Auguste Chapdelaine, envoyé en 1854 par les Missions Etrangères de Paris (MEP) dans la province du Guangxi (sud de la Chine) et qui y est mort martyr, est actuellement critiqué par le gouvernement chinois qui l’accuse d’avoir été « un violeur doublé d’un espion ».

A Dingan, village du Guangxi où le missionnaire français Auguste Chapdelaine (1814-1856) a été torturé et décapité, un musée a été ouvert récemment à l’occasion du 160e anniversaire de sa mort, rapporte l’AFP. Mais ce musée n’a rien d’un hommage à la mémoire de ce prêtre originaire de la Manche qui a été béatifié en 1900 par le pape Léon XIII, puis canonisé en 2000 par Jean-Paul II avec 119 autres martyrs en Chine. Au contraire : ce musée le présente comme un « violeur » et un « espion », et célèbre l’« esprit patriotique » du magistrat qui l’a fait torturer et exécuter (1).

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Portrait d'Auguste Chapdelaine

Cette interprétation, « historiquement fausse », ne surprend guère le P. Jean Charbonnier, prêtre des Missions Etrangères de Paris (MEP), spécialiste de la Chine et auteur d’un ouvrage sur Les 120 chrétiens morts en Chine, entre les XVIIe et XXe siècles, canonisés le 1er octobre 2000 – dont le P. Chapdelaine. « Pékin reprend son refrain anti-impérialiste, faisant du P. Chapdelaine un représentant de la collusion entre l’Eglise catholique et l’impérialisme », considère-t-il en rappelant les « réactions très violentes » du Parti communiste chinois (PCC) après les canonisations de 2000.

Envoyé en Chine en 1852 comme missionnaire des MEP, le P. Chapdelaine est resté d’abord deux ans à Hongkong, avant de partir pour le Guangxi. Dans cette province, secouée à l’époque par des révoltes musulmanes, le prêtre s’aventure dans les villages. « Ce qu’il n’avait pas le droit de faire, selon le traité de Nankin (2) signé en 1848 qui étendait le protectorat français sur toute la Chine », précise le P. Charbonnier à Urbi & Orbi, la lettre d’information quotidienne du journal La Croix.

« Ma Lai » est aussi un nom musulman

De plus, le P. Chapdelaine était connu, dans cette région rurale et pauvre, sous le nom de « Ma Lai », qui est aussi un nom musulman (3). D’où les accusations de propagande et d’incitation aux révoltes musulmanes portées par les Chinois à son encontre. Arrêté le 25 février 1856, il est battu, torturé et condamné à mort par décapitation, la peine prévue contre les missionnaires clandestins. « Sa tête fut accrochée au portail du tribunal et son corps donné aux chiens », précise le P. Charbonnier (4).
Aussitôt, une ferme protestation fut adressée au gouverneur du Guangxi par le responsable des missions françaises de Hongkong. « La captivité de M. Chapdelaine, les tortures qu’il a subies, sa mort cruelle, les violences qu’on a faites à son cadavre, constituent, noble Commissaire Impérial, une flagrante et odieuse violation des engagements solennels. Votre gouvernement doit donc une éclatante réparation à la France ».

Prétexte pour Napoléon III

Le gouverneur ayant refusé de s’excuser, Napoléon III se servit de ce prétexte pour se lancer, aux côtés du Royaume-Uni, dans la seconde guerre de l’opium, de 1856 à 1860. Au cours de cette guerre, les armées françaises et britanniques mirent à sac le Palais d’été de Pékin, une humiliation nationale toujours vivement ressentie en Chine et entretenue par l’historiographie communiste.

« Effectivement, il y a eu collusion entre le gouvernement français et l’Eglise, dans la mesure où les MEP, en se plaçant sous l’autorité du protectorat français, étaient prises entre deux feux », poursuit le P. Charbonnier. Pour autant le P. Chapdelaine n’a jamais commis les méfaits dont l’accusent les Chinois, assure-t-il. « Au moment des procès de béatification puis de canonisation, toute sa vie avait été attentivement examinée », ajoute encore le P. Charbonnier.

Un « Chemin Schraven » dans le village de Lottum

Celui-ci fait le lien entre l’ouverture de ce musée de Dingan et un récent refus de l’ambassadeur chinois aux Pays-Bas, invité à une commémoration à la mémoire de Mgr Frans Schraven. Cet évêque néerlandais, alors à la tête d’une grande école pour jeunes filles chinoises, fut tué en Chine le 9 octobre 1937 par l’armée impériale japonaise. « Les Japonais voulant s’emparer des collégiennes ont tué Mgr Schraven et son adjoint », raconte le P. Charbonnier.

Les Néerlandais ont créé un « Chemin Schraven » dans le village de Lottum (dans la province du Limbourg) d’où était originaire Mgr Schraven. Mais l’ambassadeur de Pékin à La Haye a officiellement décliné l’invitation à l’inauguration de ce « Chemin Schraven ». Tous ces faits se situent dans un contexte de tensions et de relations difficiles entre Pékin et le Vatican.

Quant au musée de Dingan, destiné à doper le tourisme local mais manifestement suivi de près par Pékin, on peut y voir des calices et soutanes ayant appartenu au P. Chapdelaine. Ainsi qu’une reconstitution grandeur nature d’un « Chapdelaine » agenouillé devant le magistrat Zhang Mingfeng, et un bas-relief en bronze long de six mètres représentant le supplicié dans une cage de fer.

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Musée de Dingan : reconstitution grandeur nature d'un Chapdelaine vêtu de blanc, agenouillé face au magistrat qui le fera torturer et exécuter.

Les autorités de Dingan ont également organisé l’an dernier un concours du meilleur poème célébrant la décapitation du missionnaire. Doté de 135 euros, le prix voulait « stimuler l’esprit patriotique » et louer« la volonté de fer du héros Zhang Mingfeng ». Enfin, le district a commandé un documentaire de deux heures à charge contre le prêtre, facturé l’équivalent de 405 000 euros.

Dans le village à flanc de montagne de Changjing, où Chapdelaine a vécu et prêché à quelques kilomètres de Dingan, la population, qui reste majoritairement catholique, se dit abasourdie par les récentes initiatives gouvernementales. « Ils sont persuadés que c’est un homme maléfique, mais nous ne le voyons pas comme ça », déclare M. Yang, un jeune agriculteur. A Dingan même, à quelques minutes du musée, le P. Wei, pasteur d’une communauté vieillissante d’une centaine de catholiques, célèbre une messe devant dix fidèles : il récite une prière en l’honneur de Chapdelaine, dans une église aménagée au deuxième étage d’un bâtiment. Le P. Wei déplore l’hostilité incessante des autorités locales. « C’est parce que [la Chine] est un pays athée », estime-t-il. « Ils sont en train de tromper les gens » avec leur vision de l’histoire, s’alarme le prêtre devant le journaliste de passage. « Comment le père Ma pourrait-il être si mauvais ? Les gens pensent cela uniquement en raison de la propagande. Mais cela nous rend la vie difficile. »

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(eda/ra)

Notes

(1) Un reportage-vidéo publié par le South China Morning Post, quotidien hongkongais, permet de se faire une idée de la situation de ce musée situé dans une région reculée du Guangxi.
(2) Le traité de Nankin mit fin à la première guerre de l’opium, qui s’était terminée en 1842 par une victoire du Royaume-Uni, au côté d’autres puissances occidentales colonisatrices, sur l’Empire chinois de la dynastie des Qing.
(3) Ma est un nom commun parmi les musulmans de Chine car c’est la première syllabe de Mahomet.
(4) Un fidèle coupa toutefois clandestinement la natte du P. Chapdelaine et la remit plus tard à la Procure de Hongkong : elle est aujourd’hui exposée, avec d’autres reliques (ses chaussons, sa longue-vue, ...) dans la Salle des martyrs des Missions Etrangères, au 128 de la rue du Bac à Paris, cette même salle – rénovée depuis – qui impressionnait tant Auguste lorsqu’il était encore au séminaire.

Copyright

Légende photo : Illustration de 1858 publiée dans le journal Le Monde illustré, de la torture et de l’exécution du P. Auguste Chapdelaine, MEP.

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