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Même âgé ou handicapé, le malade ne doit jamais être abandonné

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De Jean-Marie Dumont sur le site de Famille Chrétienne :

« Il ne faut jamais abandonner le malade », déclare l’Académie pontificale pour la vie

03/04/2020

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Dans une longue note intitulée « Pandémie et fraternité humaine » datée du 30 mars, cette institution vaticane formule plusieurs enseignements qu’elle tire de l’épidémie de Covid-19 et fournit quelques critères sur les soins à apporter aux malades en situation d’urgence.

« En tout état de cause, nous ne devons jamais abandonner la personne malade, même lorsqu’il n’y a plus de traitement disponible », déclare l’Académie pontificale pour la vie dans une note d’analyse datée du 30 mars intitulée « Pandémie et fraternité universelle ». « Soins palliatifs, traitement de la douleur et accompagnement sont une exigence à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire », indique l’Académie, et ce y compris dans les cas extrêmes où il ne serait pas possible d’apporter à certains patients les traitements indispensables. Elle appelle aussi à porter une attention particulière « aux personnes les plus fragiles, notamment les personnes âgées et les handicapés. »

« L’âge ne peut pas être considéré comme le seul critère de choix automatique »

Dans sa note, l’Académie évoque le fait que « les conditions d’urgence dans lesquelles beaucoup de pays se trouvent peuvent conduire à contraindre les médecins à des décisions dramatiques et déchirantes de rationnement des ressources, limitées et qui ne sont pas disponibles pour tous de manière simultanée ». Rappelant qu’il faut d’abord avoir « fait tout ce qui est possible en termes d’organisation pour éviter ce rationnement », la note indique que la décision ne peut se fonder sur l’idée qu’il y aurait une « différence de valeur » entre certaines vies humaines. Elle évoque notamment la question de l’âge des personnes : celui-ci ne peut en aucun cas être considéré comme un « critère unique et automatique de choix ». Une telle approche traduirait une attitude « discriminatoire à l’égard des anciens et des plus fragiles ».

La logique de la justice

L’Académie ne fournit toutefois pas de critères précis dans le cas où des médecins se trouveraient face à l’incapacité matérielle d’apporter les traitements nécessaires à l’ensemble des patients malades qui leur sont confiés. La question que doivent se poser les médecins, selon elle, est avant tout celle de « l’engagement des traitements de la meilleure manière possible sur la base de ce qui est nécessaire au patient, c’est-à-dire de la gravité de sa maladie et de son besoin de soins, et l’évaluation des bénéfices que le traitement peut obtenir en termes de pronostic. » De manière plus synthétique, ces propos font écho à ceux de l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, dans sa lettre aux soignants du 21 mars. « Il ne faut surtout pas parler, comme je l’entends parfois, déclarait-il, de faire un “tri” entre les malades. La fin recherchée, qui est de sauver la vie ou de soulager le patient, est commune à tous. Les moyens pour y parvenir doivent être proportionnés à la réalité sanitaire. » L’Académie pontificale pour la vie invite aussi à faire preuve de « créativité » pour trouver des solutions alternatives. « La recherche de traitement aussi équivalents que possible, le partage des ressources, le transfert des patients sont des alternatives qui doivent être attentivement considérées, dans la logique de la justice ». Quoi qu’il en soit, souligne l’Académie, une personne malade ne doit « jamais » être abandonnée, même si dans le cas extrême où le traitement nécessaire ne pourrait être donné. Dans cette note, elle salue également largement le « dévouement » des personnels soignants, « qui mettent généreusement toutes leurs énergies en action, parfois au risque de leur propre santé ou de leur vie, pour soulager les souffrances des malades », mais aussi celui des scientifiques et des chercheurs.

La « précarité » de la condition humaine et ses « limites »

Dans sa note, l’Académie pontificale pour la vie identifie plus généralement quelques leçons qui peuvent d’ores et déjà tirées de cette crise. Elle cite notamment la mise en lumière du caractère toujours « précaire » et « vulnérable » de la condition humaine, que le développement scientifique et technique tend à faire oublier. « Au beau milieu de notre euphorie technologique et managériale, nous nous sommes retrouvés socialement et techniquement en situation d’impréparation face à la diffusion de la contagion. Nous avons eu du mal à en reconnaître et à en admettre l’impact. (…) Nos projections optimistes sur la puissance scientifique et technologique dont nous disposons nous ont peut-être fait imaginer que nous serions en mesure de prévenir la diffusion d’une épidémie globale ayant ces proportions, en y voyant une hypothèse toujours plus éloignée. Nous devons reconnaître qu’il n’en est pas ainsi. » Par cette crise, l’homme est conduit à reprendre conscience du caractère « précaire » de la condition humaine, de ses limites. Dans certaines zones géographiques où la pauvreté demeure à un niveau élevé, la conscience de cette « précarité » reste élevée ; dans d’autres (les pays occidentalisés), le sentiment de vulnérabilité n’a cessé de se réduire, jusqu’à « nous remplir de l’illusion selon laquelle nous serions invulnérables ou pourrions trouver une solution technique à tout. » Cette épidémie enfonce donc un coin sérieux dans le sentiment de toute-puissance qui caractérise les sociétés avancées. « De manière traumatisante, note le texte de l’Académie, il apparaît évident que nous ne sommes pas les patrons de notre propre destin. Et la science elle-même montre ses propres limites. »

L’individualisme sur la sellette

Autre interrogation portée par cette épidémie, celle de la liberté et de l’individualisme, avec la prise de conscience de l’interdépendance qui caractérise la nature humaine et son incapacité à s’auto-suffire. « Deux modes de pensée plutôt primitifs, qui ont malheureusement pris la place du sens commun et sont devenus des points de référence quand on parle de liberté et de droits, sont aujourd’hui conduits à être mis en discussion », estime la note, qui cite ces principes : « ma liberté finit là où commence celle des autres » et « ma vie dépend seulement et exclusivement de moi ». Face à ces conceptions, la réalité réside dans le fait que « nos libertés s’entremêlent et se superposent toujours, dans le bien et dans le mal ». L’Académie invite donc à une réflexion sur la liberté humaine et sur la relation comme partie constituante de l’humanité. « Il nous faut plutôt chercher à faire coopérer [nos libertés], en vue du bien commun, et vaincre la tendance qui consiste à voir en l’autre une menace ».

Jean-Marie Dumont

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