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Le transhumanisme face à Dieu et au christianisme

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D'Antoine Pasquier sur le site de l'hebdomadaire Famille Chrétienne :

Le christianisme, premier adversaire du transhumanisme

Le Père Tanguy-Marie Pouliquen, professeur d’éthique à la faculté de théologie de Toulouse nous apporte un éclairage sur le lien entre transhumanisme et christianisme. Il est d'ailleurs l'auteur d'un livre Fascination des nouvelles technologies et transhumanisme: 115 questions.

En quoi le transhumanisme s’oppose-t-il à Dieu ?

Il peut se résumer à la tentation de l’homme-dieu décrite dans Ézéchiel : « Parce que tu as dit : “Je suis un dieu, je siège sur un trône de dieu au milieu des mers”, alors que tu es un homme et non pas un dieu » (Ez 28, 2). Le cœur qui se prend pour Dieu se pense à l’initiative de son existence. En langage moral, on parlera d’orgueil. Se prendre pour Dieu, c’est se prendre pour l’origine de la réalité créée et ne plus voir dans la Création une réalité donnée, des lignes de conduite, une direction intérieure qui accompagnerait mon existence. L’homme-dieu entend substituer à l’inscription de l’origine dans la Création sa propre réflexion, sa propre direction, sa propre totalité au risque d’être totalisant ou totalitaire. Le totalitarisme naît lorsque la projection de soi n’est plus portée par des mythes décrivant la condition humaine comme créée.

Le transhumanisme, est-ce l'Antéchrist ?

Je vais m’appuyer sur l’un des romans préférés des papes François et Benoît XVI : Le Maître de la Terre (éd. Téqui). L’intrigue de ce livre, écrit en 1906 par Robert Hugh Benson, le fils de l’archevêque de Canterbury devenu prêtre catholique, prend appui sur la fascination qu’exerce un homme venu de nulle part qui, par sa séduction, laisse à penser qu’il est la solution à tous les problèmes de la démocratie et de la vie sociale. Cette fascination s’étend progressivement et a pour effets secondaires d’éliminer, par son prolongement politique, toutes les libertés publiques, par tranches fines et successives. Peut-être que la technologie est cette figure fascinante qui nous fait perdre la capacité, comme le dit la philosophe Hannah Arendt (1906-1975), de penser par nous-mêmes. Si l’homme perd cette capacité de penser par lui-même, de manière critique, alors nous plongeons dans une forme d’idéologie pratique à visée totalisante et, pour certains, totalitaire.

Le pape François n’hésite pas à affirmer que le paradigme technocratique est porté par une nouvelle idéologie qui, de manière insidieuse, s’insinue dans les esprits en englobant leur rapport à l’existence. La fascination des technologies, le temps passé avec elles, laissent à penser que cette affirmation est plus que crédible, dès aujourd’hui, et qu’un certain nombre de gens, sans le savoir, sont imprégnés d’un rapport totalitaire avec ces technologies. Ce n’est plus eux qui vont aux écrans, mais les écrans qui viennent à eux pour remplir un vide intérieur.

Quelle réponse les catholiques ont-ils face à la toute-puissance de la technique ?

Ils peuvent proposer un personnalisme intégral dynamique. Pourquoi la technique fascine-t-elle ? Car elle donne de l’énergie. La réponse chrétienne est de montrer où est la véritable énergie. Elle est dans cet humanisme intégral, intégralement humanisant, et pas dans la technique. Celle-ci n’ouvre pas à tout de l’humain. Elle formate les esprits si elle est la seule référence. Est-ce la main qui manie l’outil ou l’outil qui manie la main ? Notre souhait est que l’outil humanise.

Lorsque le pape François évoque la technique, il parle d’intégrer l’homme. Mais intégrer l’homme signifie aussi l’intégralité de cet homme, l’intégrité de cet homme, l’intégration de cet homme. Intégrer, c’est le versant social. Intégralité, c’est le versant anthropologique – tout l’Homme. Intégrité, c’est le versant éthique, refuser sa dissociation. Intégration, c’est le versant psycho-dynamique : l’unifier.

Le transhumanisme et l'infini… Qu'en dire ?

Le transhumanisme traduit des pierres d’attente, notamment celle d’une ouverture à l’infini. Et le christianisme a toutes les réponses face à ces pierres d’attente. Il y a trois attitudes face à l’infini : soit l’homme s’enferme dans la finitude, c’est le matérialisme ; soit il part en vrille dans l’infini, c’est la réalité virtuelle, voire aussi l’intellectualisme idéologique ; soit il se donne comme réponse un infini fini, personnel, relationnel, qui fait de lui un être fini et en même temps qui le divinise à l’infini. Pour Blaise Pascal, la réponse aux deux infinis, c’est le cœur. On parle de la Nuit de Pascal que rapporte son Mémorial, ce cœur foudroyé par la présence du Christ. Le feu de la grâce. Voilà l’antidote. Le premier adversaire du transhumanisme sera le christianisme.

Entre perfection transhumaniste et perfection humaniste, les chrétiens font-ils le poids ?

Quel est le modèle de perfection qui régule la vie sociale pour les transhumanistes ? C’est la perfection de la technique, l’efficacité. Le robot est le symbole emblématique de cette perfection en raison de son efficacité quasi maximale. A contrario, chez les humanistes réalistes, la perfection est de voir que l’homme est dans un perfectionnement continu entre son corps, son âme, son esprit et sa capacité de relation. C’est-à-dire que, de là où il est, il est capable de progresser et que, s’il n’est pas capable sur certains points de le faire, en raison d’une vulnérabilité, d’une fragilité, d’une limite définie et stable, cette limite-là va être l’espace d’une rencontre d’accueil et de souci de la différence.

La vulnérabilité, au sens de l’humanisme chrétien, devient une chance pour rejoindre l’autre là où il est, dans sa fragilité, dans sa différence irréductible. Là où moi, je peux me donner à lui pour l’aider à être lui-même, dans un don gratuit, sans exiger un retour immédiat.

Tous les robots se ressemblent, voilà la perfection transhumaniste. Tous les hommes sont différents, uniques, voilà la perfection humaniste. L’ouverture à la vulnérabilité ouvre la voie à la tendresse, ce que ne donnera jamais un robot !

Lire aussi Vidéo - Le transhumanisme est-il inévitable ?

Face à cette fascination que crée la technique, les hommes retrouveront-ils la lucidité ?

À un moment donné, il y aura un cri qui exprimera le mal-être de l’homme. C’est certainement déjà commencé. Les chrétiens pourront aider les gens à le nommer. Le paradigme technocratique, c’est comme si tout le monde montait dans une Ferrari : c’est fascinant et exaltant, mais elle accélère dans une ruelle qui est une impasse. À un moment donné, nous allons rencontrer le bout de celle-ci. Si on va trop vite, on risque de percuter un mur ; si on est prudent, on s’arrêtera à son pied.

Oui, la technique nous donne une Ferrari, mais faisons-la rouler sur le circuit qui humanise notre société et qui humanise l’homme intégralement. Que la récréation de la technique soit au service de la création de l’homme et de la re-création de l’Homme, du dévoilement de ses potentialités humanisantes. La technique doit s’inscrire dans une dimension de salut, c’est-à-dire accepter de se recevoir fondamentalement d’un projet de Vie qui la transcende : un don de nature et de grâce. Voilà l’antidote majeur au matérialisme de la technofolie.

Antoine Pasquier

Commentaires

  • ... s'il n'y a pas au programme de l'homme les Tables de la Loi, (l'antivirus donné par Moïse), nous n'arriverons pas à réussir le projet humain et divin de chacun d'entre nous. L'expérience nous apprend qu'il faut des règles. L'Eglise n'a cessé de le proclamer pour le bien de toute l'humanité, son harmonie, son heureux fonctionnement malgré les difficultés rencontrées... à dépasser avec la grâce, donnée, méritée par le Christ, en son Eglise.
    Tout vient de Dieu et tout retourne à Dieu.
    Que d'émerveillements !
    Que d'anxiété aussi !

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