De Massimo Franco sur le site du Corriere della Sera :
1er mars 2021
Entretien avec Ratzinger : "Il n'y a pas deux papes. La renonciation d'il y a 8 ans ? Je crois que j'ai bien fait".
Le message de Benoît XVI à ceux qui ne se résignent pas et aux fans de Bergoglio qui craignent son ombre. "C'était une décision douloureuse, mais je crois que j'ai bien fait. Ma conscience est claire".
"Il n'y a pas deux Papes. Il n'y a qu'un seul Pape...". Joseph Ratzinger le dit à voix basse, en s'efforçant de bien articuler chaque mot. Il est assis dans l'un des deux fauteuils en cuir léger qui, avec un canapé, meublent le salon du premier étage du monastère cloîtré Mater Ecclesiae : l'endroit où il s'est retiré, loin de tout, en mars 2013. Sur la table de chevet se trouvent des lunettes de lecture, à côté d'une ancienne statuette en bois représentant une Vierge à l'enfant. "C'est la salle Guardini. Elle est appelée ainsi parce qu'elle contient, entre autres, les œuvres complètes du théologien germano-italien Romano Guardini. Elles sont là, derrière vous", explique Monseigneur Georg Gaenswein, son secrétaire personnel et préfet de la maison papale, en montrant la bibliothèque qui tapisse les murs. L'éditeur du Corriere della Sera, Luciano Fontana, a remis au Pape émérite un dossier rouge contenant deux caricatures qu'Emilio Giannelli, un dessinateur apprécié de Benoît, avait spécialement dessinées pour lui. Il a regardé la première longuement et a souri. Puis il passe à la seconde, et le sourire s'élargit en rires. "Giannelli est une personne pleine d'esprit", conclut-il avec un aplomb papal et bavarois.
Jusqu'en 2012, des religieuses cloîtrées vivaient dans les douze cellules de ce bâtiment, construit entre 1992 et 1994 et occupé auparavant par la gendarmerie et les jardiniers papaux. Il abrite maintenant Benoît, les quatre "Mémores", femmes consacrées de Communion et de Libération qui l'assistent, et Monseigneur Gaenswein. Il apparaît soudainement après un virage dans la partie la plus haute et la plus inaccessible de la Cité du Vatican. Il est protégé par un portail électrique, au-delà duquel règne un silence irréel. Il est rare de rencontrer Benoît, surtout ces derniers temps. Et plus inhabituel encore est le fait qu'il accepte d'aborder l'un des sujets les plus traumatisants de la vie de l'Église catholique au cours des derniers siècles. Sa clarification sur le caractère unique de la papauté est évidente pour lui, mais pas pour certains secteurs du catholicisme conservateur qui sont irréductibles dans leur hostilité envers François. C'est pourquoi il répète "qu'il n'y a qu'un seul pape" tout en tapant faiblement la paume de sa main sur l'accoudoir : comme s'il voulait donner aux mots la force d'une affirmation définitive.