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Liturgie : se défier d'une pauvreté iscariote

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Du Père Louis Bouyer (1913-2004) (source) :

« (…) Les antiquaires dénués de scrupules n’ont jamais connu d’aussi beaux jours que depuis qu’on leur liquide les quelques belles choses qui pouvaient demeurer dans les sanctuaires – dont le prêtre pourtant n’est que le gardien – pour payer les caisses à savons dont on construira le « podium », où se dresseront les tréteaux baptisés « autel face au peuple », plus les quelques blouses de garçons épiciers qui feront les « aubes » nécessaires à la figuration. Après quoi, il ne reste plus qu’à planter le micro pour la messe-crochet radiophonique. En ces temps où, comble d’ironie, on ne parle que de « promotion des laïcs », le cléricalisme le plus ingénu se donnera libre cours dans ce décor fait par lui et pour lui. L’intarissable « commentateur », occultant sans peine l’officiant falot qui expédie derrière lui les exigences rubricales, pourra imposer enfin sans contrainte au bon peuple chrétien la religion de M. le Curé ou de M. le Vicaire à la place de celle de l’Église… L’ennui que dégagent ces « célébrations » a fait rejoindre d’un coup au catholicisme le plus évolutif ce que le protestantisme le plus rétrograde pouvait connaître de désolante pauvreté. (…) Il paraît que l’Église convertirait tout le monde si seulement les Évêques coupaient leur cappa magna. Reste à savoir si, pour restituer à l’Église l’esprit de pauvreté des Béatitudes, il suffit de la mettre en savate. Et, quand tel serait le cas, il faudrait encore être sûr que la pauvreté doive être présente d’abord dans le culte, et non dans la vie des chrétiens. C’est un peu facile de se faire une bonne conscience sur ce point en louant Dieu dans une bicoque pour ensuite retrouver chez soi sa télévision, son frigidaire, son chauffage central, toutes choses dont il ne peut être question pour personne de se priver au nom de quelques conseils évangéliques, trop évidemment dépassés par la « planétisation » contemporaine ! Osons donc mettre en doute deux préjugés qui font de la liturgie catholique, de nos jours, trop souvent, la plus triste chose qu’elle ait jamais été. Le premier, c’est qu’elle ne peut être évangélique qu’en étant pauvre. Et le second, c’est que la pauvreté, c’est le négligé. (…) La pauvreté dans le culte ne signifie point le laisser-aller (qui produit régulièrement les formes de laideur les plus sinistres), et un culte authentiquement pauvre, même s’il répond à certaines exigences de la foi, ne répond pas à toutes. (…) Défions-nous d’une pauvreté iscariote, qui lésine au nom des pauvres sur les frais du culte, quoi qu’elle ne se fasse aucun scrupule de jeter l’argent par les fenêtres pour toutes sortes d’inutilités qui n’ont pas l’excuse (ou le tort) d’être belles. »

Commentaires

  • tellement vrai !

  • Remplacer le texte par les mots contraires et vous aurez la description de certaines assemblées où la forme pompeuse et figée dans les "ornements et fioritures" ...et tellement sûrs d'être les meilleurs ....
    N'y a t'il pas un juste milieu ...et une humilité sincère à avoir pour célébrer l'Eucharistie ...

  • Certes Émilie, ce que vous dites est vrai. Néanmoins, la disproportion des premières par rapport aux secondes, selon mon expérience, rendent encore plus consistants les propos de l'auteur de ce billet.

  • Nous vivons une époque formidable! Non seulement l'Eglise découvre avec deux mille ans de retard les vertus iscariotes (et très ostentatoires, un peu sur le mode d'un cartable qu'on trimbale devant les caméras de télévision) de la pauvreté, mais elle nous fait aussi découvrir une facette de Dieu que nous ne connaissions pas encore.

    C'est ainsi que lors de son discours de Noël, François nous a expliqué que "le Verbe s'est fait chair pour dialoguer avec nous. Dieu ne désire pas mener un monologue, mais un dialogue. "

    Du coup ça devient un peu compliqué de comprendre la signification de la croix, et la proximité de la mémoire faite au premier martyre, Saint Etienne, troublant episode pourtant si proche dans le calendrier liturgique de la naissance du divin enfant et de cette ouverture au dialogue, qu'on retrouvera à travers les siècles, comme par exemple lors de la visite toute oecuménique de Saint François d'Assise chez le sultan. D'ailleurs il paraît que le prosélytisme est une ineptie. Un reflet de la rigidité. L'exacte contraire de l'humilité professée par François Ier dans fratelli tutti. Il aura fallu le temps pour y arriver...

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