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L'établissement de relations diplomatiques entre le Vatican et Pékin n'est pas à l'ordre du jour

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D'Andrea Gagliarducci sur le National Catholic Register :

Des relations diplomatiques entre le Vatican et Pékin sont-elles à l'horizon ?

Des nominations privent de hauts responsables deux missions diplomatiques du Vatican qui traitent étroitement avec la Chine, ce qui amène à se demander si le Saint-Siège est en train de modifier sa stratégie diplomatique.

11 février 2022

CITÉ DU VATICAN - Selon des sources vaticanes, l'établissement de relations diplomatiques avec Pékin n'est pas à l'horizon, malgré ce que certaines nominations récentes pourraient laisser penser. 

Le 31 janvier, le Vatican a annoncé que Mgr Arnaldo Catalan, son représentant à Taïwan, était affecté au Rwanda, où il fera office de nonce apostolique.

Quelques jours plus tard, le 5 février, Mgr Javier Herrera Corona, chef de la mission d'étude du Saint-Siège à Hong Kong, a été nommé nonce apostolique en République du Congo et au Gabon.

Ces nominations privent de hauts responsables deux missions diplomatiques du Vatican qui traitent étroitement avec la Chine, ce qui amène à se demander si le Saint-Siège ne modifie pas sa stratégie diplomatique.

Le Saint-Siège avait une nonciature à Pékin. Mais en 1949, lorsque Mao Zedong a pris le pouvoir, la Chine et le Saint-Siège ont rompu leurs relations. L'internonce apostolique, l'archevêque Antonio Riberi, se réfugie en 1951 à Hong Kong, alors protectorat britannique, et à partir de 1952 à Taïwan.

En 1966, l'internonciature est élevée au rang de nonciature, qui prend le nom officiel de nonciature apostolique de la République de Chine, nom officiel de Taïwan. 

En 1971, les Nations unies ont décidé de remplacer les représentants de Taïwan par ceux de la République populaire de Chine. Depuis lors, le Saint-Siège n'a plus nommé de nonces à Taipei. La nonciature a toujours été dirigée par un chargé d'affaires, qui est un échelon inférieur au nonce. (Mgr Catalan était donc le diplomate du Vatican le plus haut placé à Taipei).

La diplomatie vaticane observe également la Chine depuis une "mission d'étude" basée à Hong Kong, liée à la nonciature aux Philippines. En 2016, l'Annuaire pontifical a signalé dans une note de bas de page l'adresse et le numéro de téléphone de cette mission pour la première fois.

Par conséquent, le départ de Catalan et de Herrera Corona semblait suggérer qu'un changement se préparait tant dans les relations Vatican-Taipei que Vatican-Pékin. En effet, si le Saint-Siège devait établir des liens diplomatiques avec Pékin, il devrait d'abord désavouer Taïwan, qui, pour la République populaire de Chine, n'est qu'une province rebelle. (Le Saint-Siège est l'un des 14 États seulement qui reconnaissent encore Taïwan).

Mais selon une source familière de la diplomatie papale, il est "plutôt improbable" que des relations diplomatiques officielles avec Pékin soient bientôt établies.

Tout d'abord, tant Catalan que Herrera Corona "sont en course pour une promotion depuis un certain temps". Leur nomination quasi simultanée comme nonces apostoliques est "malheureuse, mais ne fait pas partie d'un quelconque complot ou plan", a soutenu la source.

Il est en effet nécessaire pour le pape de nommer de nouveaux nonces, et plusieurs autres mouvements sont à prévoir dans les mois à venir. Par exemple, avant les nominations du Catalan comme nonce au Rwanda et de Herrera Corona au Congo et au Gabon, il y avait 14 nonciatures sans nonce pour les diriger. Aujourd'hui, il reste 12 nonciatures vacantes. Certaines sont très importantes, comme celles du Mexique, du Venezuela et de l'Union européenne.

Le Vatican a 180 missions diplomatiques à l'étranger. Parmi celles-ci, 106 sont des missions résidentes. En outre, le Saint-Siège a des nonces accrédités pour plusieurs pays. Le Vatican ouvre aussi souvent un bureau de la nonciature dans les pays où un représentant permanent est nécessaire. (La dernière a été ouverte en Arménie, bien que le nonce soit résident en Géorgie et représente le Saint-Siège à la fois dans la capitale géorgienne, Tbilissi, et dans la capitale arménienne, Erevan).

Environ 10 % des missions résidentes sont actuellement vacantes. Il n'est donc pas surprenant qu'il y ait d'autres déménagements dans les mois à venir, car il s'agit de changements planifiés et nécessaires.

La nonciature de Taipei et la mission d'étude de Hong Kong auront de nouveaux dirigeants. Mais cela ne signifie pas qu'elles sont vacantes pour le moment. Le chargé d'affaires a quitté Taiwan, mais Mgr Pavol Talapka, le premier secrétaire de la nonciature, est resté. À Hong Kong, l'Argentin Mgr Alvaro Izurieta y Sea est arrivé en 2020 comme chef de mission adjoint et y reste.

La source vaticane soutient qu'actuellement, la Chine n'aurait aucun intérêt à avoir des relations diplomatiques avec le Saint-Siège ou à ce que le Vatican rompe ses liens avec Taïwan.

La raison en est, explique la source, que "bien que la Chine soit très dure en public avec Taïwan, les échanges commerciaux entre Tapei et Pékin sont importants. Environ un million de Taïwanais se déplacent vers la Chine continentale pour travailler et reviennent ensuite à Taïwan."

Si le Saint-Siège rompt ses relations avec Taïwan, la Chine serait " obligée de donner une certaine suite aux menaces contre Taïwan, mettant ainsi également en danger ses partenariats commerciaux. "

Par ailleurs, la priorité des pourparlers entre le Vatican et Pékin est de renégocier l'accord sur la nomination des évêques conclu pour la première fois en 2018, puis renouvelé pour deux ans en 2020 à titre expérimental. Après cela, la Chine et le Saint-Siège devront décider de confirmer l'accord, de le modifier ou de l'abandonner.

Depuis la signature de l'accord, cinq évêques ont été nommés par le Saint-Siège avec l'approbation de Rome et de Pékin. Mais les noms des nouveaux évêques n'ont pas encore été inclus dans l'Annuaire pontifical, bien que le bulletin du bureau de presse du Saint-Siège publie les nécrologies des évêques chinois.

Selon l'Annuaire pontifical, la Chine est divisée en 150 archidiocèses, diocèses et préfectures apostoliques répartis sur 20 provinces ecclésiastiques. Mais cette image date de 1950 car, depuis la prise du pouvoir par Mao Zedong, les annuaires pontificaux n'ont pas été mis à jour. Les diocèses chinois étaient considérés comme vacants, à l'exception de ceux de Macao et de Hong Kong, qui se trouvaient dans des situations politiques différentes.

La division des diocèses est différente en ce qui concerne les autorités chinoises. Dans une interview accordée le 20 mars 2021 à Radio Hong Kong, Mgr Fang Jianping, évêque de Hebei et vice-président de la conférence épiscopale chinoise, a noté que la Chine compte 97 diocèses et que 40 d'entre eux sont actuellement sans évêque. Il a donc appelé les diocèses du pays à saisir l'occasion, en utilisant la confiance du pape François pour encourager les évêques potentiels et les ordonner avant l'expiration de l'accord.

L'évêque du Hebei s'est également dit "optimiste" quant à l'établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Pékin.

Mais la question des relations diplomatiques semble, pour l'instant, ne pas être sur la table. Une aile des diplomates du Vatican est toutefois favorable à des relations diplomatiques avec la Chine, même si cela implique de quitter Taïwan.

De son côté, Taïwan saisit toutes les occasions de démontrer sa proximité avec le Saint-Siège. Son nouveau slogan est "Taïwan l'ami - Fratelli Tutti", en référence à la dernière encyclique du pape François.

Ces dernières années, l'ambassade de Taïwan auprès du Saint-Siège s'est particulièrement engagée à soutenir les institutions du Saint-Siège et l'Église catholique par le biais de l'aide humanitaire. En octobre dernier, par exemple, l'ambassadeur Matthew Lee a remis 300 sacs de couchage polyvalents de haute qualité fabriqués à Taïwan au directeur de Caritas Italie, lors d'une cérémonie à laquelle assistait un responsable de la section "migrants et réfugiés" du Dicastère du Vatican pour la promotion du développement humain intégral.

Le Saint-Siège a également envoyé de nombreux signaux indirects de proximité avec Taïwan. En 2017, le congrès international de l'Apostolat de la mer s'est tenu dans le pays. En 2018, une délégation taoïste de Taïwan a rendu visite au pape François. Toujours en 2017, la sixième conférence bouddhiste-chrétienne organisée par le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a eu lieu à Taïwan.

Le 5 octobre 2017, lors d'une conférence organisée à l'Université pontificale Urbaniana pour célébrer les 75 ans de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et Taïwan, le "ministre des affaires étrangères" du Vatican, Mgr Paul Gallagher, a déclaré à l'ambassadeur Lee que "le Saint-Siège continuera à être votre compagnon engagé dans la famille des peuples, en soutenant chaque initiative qui contribue au dialogue, promeut une véritable culture de la rencontre et construit des ponts de fraternité et de paix pour le bien de tous."

Il s'agit maintenant d'attendre les nouvelles nominations pour la nonciature à Taipei et la mission d'étude à Hong Kong, ainsi que de surveiller les signaux qui conduiront éventuellement à un renouvellement de l'accord entre la Chine et le Saint-Siège sur la nomination des évêques. Si quelque chose devait changer, cela se verrait à travers ces événements.

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