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Gestation pour autrui : il faut arrêter le marché international de l'exploitation reproductive

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Une carte blanche d’Anne Schaub, psychologue – psychothérapeute pour enfants et adolescents, auteure de “Un cri secret d’enfant”, publiée sur le site de La Libre :

GPA : arrêtons ce marché international de l’exploitation reproductive !

Le 3 mars 2023 la Déclaration d’abolition universelle de la gestation pour autrui a été adoptée par des experts de 75 pays. Il faut en finir avec cet abandon organisé, programmé et monnayé sur ordonnance.

29 mars 2023

Ce 3 mars à Casablanca lors d’une convention internationale, La Déclaration internationale pour l’abolition universelle de la GPA (gestation pour autrui) a été adoptée par des experts de 75 pays. Y participaient des médecins, psychologues, juristes, philosophes, anthropologues, sociologues et parmi ceux-ci, en tant qu’observatrice indépendante, Suzanne Aho Assouma, ancienne -ministre togolaise de la santé et vice-présidente de l’ONU et Luis Ernesto Pedernera Reyna (Uruguay), ancien président du Comité des droits de l’enfant également à l’ONU. La déclaration est une claire condamnation de la GPA adressée aux États, afin de mettre un terme à ce fléau mondial. En effet il leur est demandé “de condamner la GPA dans toutes ses modalités et sous toutes ses formes, qu’elle soit rémunérée ou non, et d’adopter des mesures pour combattre cette pratique”.

Premier jalon d’une conscientisation à réaliser auprès du grand public et des instances de pouvoir sur ce qu’est la gestation pour autrui, à savoir un marché de la procréation mondialisée qui cause des dommages humains imparables. L’objectif étant à terme de promouvoir un traité international visant à mettre fin à la pratique de la GPA partout dans le monde.
 

Le sujet de la GPA, complexe et délicat, représente un enjeu majeur de société ainsi qu’en témoigne l’écho de la convention dans sa revue de presse. Pratique aujourd’hui internationale, elle vient bouleverser l’origine de la vie naissante du petit humain. Ce qui est bien occulté dans les débats de société où le principal intéressé est oublié : l’enfant, et l’évident lien d’attachement premier qui se crée avec la mère dès sa conception. “Les conséquences sont assez lourdes pour la mère et l’enfant selon les différents cas de figure : (perte de) dignité, violence, etc. Voilà les maîtres mots de cette pratique.” a déclaré en ouverture de la convention, Suzanne Aho Assuma.

Mon intervention à la convention fut précisément consacrée à ce lien entre l’enfant et la mère dès la conception sous l’angle des besoins précoces et des mémoires d’attachement tissées dès le début de la conception. Le maillage corporel et relationnel intime qui se noue entre une mère et le petit qu’elle attend, n’est plus à démontrer. La conception, la période prénatale et la naissance vont constituer le socle de base sur lequel se construira une bonne part du devenir de tout être humain et coloriera ses relations futures. L’aube de la vie du tout-petit est à protéger et requiert de la part des adultes une attention préventive toute particulière.

Le “petit sans-voix”

Dès leur conception les “petits sans-voix” ont besoin de la protection des adultes. La GPA vient malmener l’enfant dans les fondements de son histoire. Étant conçu en dehors de la chaleur d’un corps humain qui le désire, l’enfant sera attendu dans l’utérus d’une femme porteuse qui le livrera aux parents intentionnels. La qualité d’attachement ou au contraire, l’état psychique de détachement programmé vis-à-vis de l’enfant porté, résonnera en lui toute sa vie et crée soit une mémoire à tonalité sereine soit une mémoire plus tourmentée, empreinte de probables angoisses d’insécurité existentielle. Le petit s’attache de tous ses sens à la mère qui le porte. La naissance est la première séparation naturelle qui lui donne la vie. Mais il doit, pour se garder en équilibre, retrouver à l’extérieur tous les facteurs sensoriels qui le relient étroitement depuis neuf mois à cette mère-là, celle qui l’a porté. La GPA vient intentionnellement séparer l’enfant de la mère de naissance. L’abandon d’enfant est dès lors planifié avant même la conception. Pour les tenants de la théorie de l’attachement (Bowlby), le bébé risque grandement de perdre son propre sentiment d’existence et plonge dans une insécurité majeure, une angoisse de séparation et d’abandon.

Adoption et GPA

René Frydman, pionnier de la procréation médicalement assistée, souligne que dans l’adoption, il n’existe aucun accord préalable entre la mère biologique et les parents adoptifs. “Il n’y a pas de la part de la mère d’origine, une volonté de concevoir un enfant dans la seule finalité de l’abandonner.” Et de conclure : “La GPA est un abandon organisé, programmé, monnayé. Un abandon sur ordonnance !” En écho avec Sylviane Agasinski, il affirme que la GPA est un esclavage, moderne.

GPA… éthiques ?

L’esclavage est devenu une pratique de traite humaine inacceptable depuis son abolition en 1848. Le propre de l’esclavage est la perte de liberté au profit d’autrui. Une femme porteuse, quel que soit le climat de bienveillance établi avec elle par les parents d’intention, perd de facto sa liberté et se voit, par contrat établit par les agences intermédiaires, contrainte durant neuf mois à un mode de vie dicté par les désirs des parents commanditaires. Livrer au final un enfant à la naissance comme objet de transaction, ne pourra jamais non plus être considéré comme éthique. Souvenons-nous de ces images tragiques d’une quantité de nouveau-nés parqués dans des hôtels ukrainiens lors du confinement, avec l’impossibilité de les “livrer” à leurs parents commanditaires en raison des frontières fermées à tout trafic.

GPA et déconnexion du réel

Toutes les possibilités techniques en médecine procréative ne sont ni forcément acceptables, ni prudentes. Une suprématie médico-technique qui vient complètement bousculer ce qui est naturellement bien ordonné autour du jaillissement de la vie, risque d’aboutir au chaos. Où̀ sont les garde-fous, les balises dans notre société en perte de repères et de transcendance ? Une société qui encourage l’exclusive réponse technique, bien souvent aux dépens d’un questionnement humain et éthique.

La GPA révèle une inquiétante déconnexion de l’intelligence, du cœur et du corps avec d’un côté des réalités humaines d’attachement et de filiation qui touchent l’aube de la vie du tout-petit et de l’autre, le délaissement de l’héritage des spécialistes de la petite enfance, des découvertes en neurosciences et en épigénétique, apports précieux qui devraient nous enjoindre à accorder le plus grand soin à l’écologie humaine. Plus précisément ici, à considérer l’intérêt supérieur de l’enfant comme primordial face au désir d’enfant, si compréhensible soit-il, des adultes.

Science sans conscience

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme disait déjà Rabelais au XVe siècle. Ne s’agit-il pas d’une histoire d’âme ? En priorité, de celle du tout-petit, dont l’existence dès les premiers mouvements de vie est occultée, niée, comptée pour rien dans la GPA ?

Le marché international de l’exploitation reproductive porte atteinte à la dignité et aux droits humains de la femme et de l’enfant. D’où le caractère radical de la Déclaration d’abolition universelle de la GPA. On n’encadre ni ne rend éthique ce qui, dans ses fondements mêmes, ne pourra jamais prétendre l’être, si ce n’est comme un leurre, aveuglant.

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