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Un synode à haut risque pour l'unité de l'Eglise

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Même si l'éclairage de Jean-Louis Schlegel procède de présupposés qui ne sont pas les nôtres, cette tribune publiée sur le site du journal La Croix met en évidence les dangers d'implosion que représente le prochain synode pour l'Eglise :

Jean-Louis Schlegel : « Le Synode confirme l’état d’éclatement voire d’implosion de l’Église »

Alors que les premières remontées locales pour la préparation du Synode suscitent la méfiance à Rome, Jean-Louis Schlegel se demande si les fractures que cette vaste réflexion sur la place de l’Église et de la foi met en lumière ne vont pas finir par faire imploser l’Église.

24/05/2023

Beaucoup se demandent ce qui va sortir du « Synode sur la synodalité », dont la première session se tiendra en octobre à Rome. S’ils posent la question, c’est qu’ils ont des doutes, malgré les messages stimulants qu’envoient les responsables nommés par le pape François, les cardinaux Hollerich et Grech et sœur Nathalie Becquart. L’inquiétude a diverses raisons, et peut-être d’abord la déception née de synodes antérieurs.

Mais on entend aussi dès à présent des voix épiscopales dire que l’essentiel est l’événement lui-même, plus que ses résultats : pour sa préparation et, espère-t-on, pour la suite, ce Synode inédit aura mobilisé et invité « à marcher ensemble » un nombre important de catholiques dans le monde. D’autres disent préférer une Église devenue pour de bon synodale, c’est-à-dire en marche permanente, plutôt que des réformes ponctuelles qui conforteront l’inertie générale et dont très vite on ne parlera plus. Tout cela est vrai, mais n’est-ce pas pour prévenir d’avance la déception qu’on tient ces propos qui noient le poisson ?

Sujets qui fâchent

Les attentes sont connues, grâce aux remontées synodales depuis la base des paroisses, des communautés, des groupes qui ont répondu. Partout s’est exprimé un désir de réformes, avec des insistances à la fois communes et différentes selon les continents. Il n’est pas besoin d’être grand clerc, en lisant les demandes et les souhaits, pour voir ce qui pourra être abordé sereinement et ce qui fera difficulté sur l’agenda du Synode.

Même si les réponses ne sont pas simples, on pourra toujours évoquer l’exclusion des marges (homosexuelles, polygames, jeunes, féminines…), l’accueil des étrangers, la relance de l’option préférentielle pour les pauvres, le colonialisme économique, les nouvelles inégalités dues aux changements climatiques, l’écart entre Église hiérarchique et Église synodale ou entre le centre romain et ses périphéries de toute sorte, et bien sûr aussi l’ampleur et les conséquences de la sécularisation, qui fait sentir ses effets partout.

Ce sera une autre paire de manches quand il s’agira de parler du rôle et du statut des prêtres (de leur célibat obligatoire) et des femmes dans l’Église (de leur exclusion du diaconat et de la prêtrise), de l’exercice du pouvoir dans l’Église et des causes systémiques des abus sexuels – avec les conséquences doctrinales et pastorales à en tirer et la réparation qu’ils exigent impérativement et rapidement si l’Église veut regagner quelque crédit.

L’Assemblée plénière de Lourdes, fin mars 2023, était consacrée aux propositions des groupes de travail mis en place après le rapport de la Ciase sur les abus sexuels sur mineurs : si les réactions plus que frileuses des évêques français préfigurent ce qui va se passer à Rome, on ne peut pas être raisonnablement optimiste.

Une bonne Église protestante

Le chemin synodal allemand aurait pu être regardé avec intérêt et bienveillance. Mais l’opposition très raide de la Curie romaine à toutes les décisions, intellectuellement très étayées, de l’assemblée synodale allemande (qui comprend un nombre égal de clercs et de laïcs) n’est pas non plus de bon augure. Le pape François s’est même permis d’ironiser à son sujet en disant que l’Allemagne avait une très bonne Église protestante, et qu’on n’y en a pas besoin d’une deuxième…

Pourtant, que je sache, ce chemin, motivé directement par la honte et le discrédit nés de la révélation des abus, n’a jamais mis en cause le pape et l’obéissance qui lui est due.

L’obstacle qu’on préfère ignorer

Mais admettons : les craintes que les changements essentiels pour celles et ceux qui ont participé aux assemblées préparatoires soient déçus sont prématurées. Laissons la discussion synodale sur les propositions remontées de la base se dérouler, sans préjuger de ses résultats : peut-être les participants entreront-ils dans une dynamique d’aggiornamento imprévue, comme lors du concile Vatican II ?

On aurait pourtant intérêt à ne pas mettre sous le tapis une difficulté redoutable, dont la préparation du Synode a montré caricaturalement l’actualité et sur laquelle on passe bien vite, à mon avis : à savoir la confirmation de l’état d’éclatement voire d’implosion de l’Église. Nombre de prêtres – courroies de transmission ordinaires et essentielles de ses décisions – se sont abstenus de participer à la consultation synodale ou n’ont rien fait pour la lancer et la relancer.

On n’y a guère rencontré, ou fort peu, les laïcs de moins de 40-45 ans, tandis que les rares participants jeunes qui se sont exprimés ont repris avant tout les options les plus conservatrices. Est-il besoin de dire que sur les réseaux sociaux et dans ses propres médias, la famille traditionaliste a largement répercuté ses aigreurs et son rejet des conclusions, trop progressistes à ses yeux, de la consultation à la base ?

Tradis et conciliaires

Pour les « tradis », comme on les appelle, le mot même de « réforme » (des structures, du système) est malsonnant : ils ne croient qu’à la conversion personnelle, à la faute individuelle, à l’urgence de prier et d’adorer plus intensément, à un regain de la piété et de l’adoration. L’oubli du concile Vatican II serait une bonne nouvelle pour nombre d’entre eux. Et ils se porteraient mieux si on parlait moins des abus dans l’Église. De surcroît, ils ont le vent en poupe côté recrutement de prêtres et adhésion de jeunes, contrairement à leurs adversaires conciliaires…, qui ont pourtant, eux, fourni le programme du Synode !

On a aussi fait remarquer que la consultation française n’échappait pas au côté « élitaire » reproché par le pape François au chemin synodal allemand : ont pris la parole au cours des assemblées les engagés des paroisses, les informés de l’Église, les militants, celles et ceux qui ont fait de la théologie ou suivi des formations, les fidèles des médias catholiques…, autrement dit (comme partout) les classes moyennes et moyennes supérieures motivées et cultivées, c’est-à-dire, de fait, dans l’Église catholique, les générations dites « conciliaires », peu aimées chez les « tradis ».

On se trouve donc à fronts renversés. L’« Église multipolaire » (Nathalie Becquart), générationnelle, fortement clivée par son passé récent, est-elle réconciliable, dépassable ? C’est difficile à imaginer, car on a affaire désormais à des conceptions très opposées, parallèles, de l’Église, de la liturgie et du prêtre, de la foi et des mœurs, de la vie chrétienne dans le monde et finalement du sens de la religion et du « sacré ». Ne serait-ce pas, justement, ce dont il faudrait aussi parler au Synode ?

Commentaires

  • Monseigneur Marian Eleganti, évêque Suisse : "Je n'attends rien de bon du synode" (62 mn)
    https://youtu.be/ylUiMEyDLcs
    Une interview de Monseigneur Marian Eleganti
    Dans une récente tribune publiée par le magazine catholique en ligne autrichien Kath.net, Mgr Eleganti s'est livré à une longue critique du prochain Synode qui vient de conclure sa phase diocésaine pour entrer dans la phase continentale, laquelle doit se dérouler jusqu'en mars 2023.
    L'évêque Marian Eleganti affirme que les discussions autour du synode sur la synodalité se concentrent sur "les mêmes vieux refrains réchauffés pour la énième fois depuis les années 1970". "Hypocrisie sans borne", "confusion", "instrumentalisation de Dieu" - Mgr Marian Eleganti peine à trouver des mots assez durs pour exprimer sa désapprobation sans équivoque du contenu des discussions entourant le synode de 2023 sur la synodalité.

  • L'intitulé "Synode sur la synodalité" m'a agacée dès les premières fois où j'en ai eu connaissance, sans que je parvienne à savoir pourquoi exactement.
    A présent, j'ai compris que celui-ci m'évoque l'expression du "serpent qui se mange la queue", prisonnier du mot "synode"

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