Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Migrants : le pape serait-il complètement au sud ?

IMPRIMER

De Louis Daufresne sur "La sélection du jour" :

Migrants : le pape est-il complètement au sud ?

 « L'Église n'est pas une douane » , s'exclama le pape François à Marseille. La phrase, sans figurer dans son discours, résonna dans sa bouche sur les murs du Pharo comme un cri du cœur lancé aux évêques de la Méditerranée mais aussi à Emmanuel Macron et à Gérald Darmanin. L'aphorisme remua-t-il une opinion ballottée entre la mâchoire d'Antoine Dupont et l'OM écrasée au Parc des Princes ? Pas sûr, d'autant que le président de la République s'empressa de clore le sujet migratoire dès le lendemain soir au JT en disant que  « nous faisons notre part » et qu' « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». .

Cette séquence, et c'est un comble, permit au locataire de l'Élysée de passer pour un chef plus modéré que le monarque catholique. Le revirement de figures de gauche sur l'immigration, sujet bientôt débattu à l'Assemblée, accrut cette impression de sagesse retrouvée : sur le plateau de C ce soir, Jacques Attali fit un plaidoyer pour les frontières extérieures et Bernard Kouchner déclara sur Radio J qu' "on ne peut pas simplement ouvrir les portes". À neuf mois des élections européennes, alors que l'UE discute du pacte sur la migration et l'asile, un sondage réalisé par Confrontations Europe montre que 50 % des Français sont hostiles à l'immigration légale non européenne. On ne parle même pas des clandestins. C'est dire si le pape stupéfie quand il invite à  « élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles ». Mais déranger, n'est-ce pas le lot des prophètes ?

On ne peut lui reprocher de faire de la politique ou, plus exactement, d'humaniser la politique, comme ses prédécesseurs, et de monter au front de la dignité humaine. Si le pape ne mettait pas son doigt dans les plaies, nul ne l'écouterait et l'audience de l'Église, y compris dans les media, serait celle du dalaï-lama. François ne veut pas agir comme le prêtre et le lévite du bon Samaritain. Surtout ne pas détourner pas le regard.

Reste que le discours de François contraste avec celui, plus équilibré, de Benoît XVI jugeant que "les immigrés ont le devoir de respecter les lois et l'identité du pays d'accueil ". S'il postule que  « nos frères et sœurs en difficulté (…) ont le droit tant d'émigrer que de ne pas émigrer », le pontife argentin déroule ensuite un programme à sens unique déjà connu :  « Les migrants doivent être accueillis, protégés, promus et intégrés. » Ces quatre mots disent ce qu'il attend d'une  « responsabilité européenne » devant  « assurer un grand nombre d'entrées légales, régulières et durables ». Point notable : il rejette la tradition républicaine de l'assimilation  « qui (…) reste rigide dans ses paradigmes » pour lui préférer l'intégration, c'est-à-dire venir comme on est.

François corrige les vieux Européens égoïstes, livrés au  « gaspillage », tentés par les  « nationalismes archaïques et belliqueux » et habités par la peur :  « Ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent l'hospitalité, ils cherchent la vie. »  Celle-ci, à ses yeux, s'épanouit dans le brassage : « Dès l'enfance, ''en se mélangeant'' avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d'un enrichissement mutuel. »  Douter de ce modèle multikulti, qui montre ses limites comme au Liban, aboutit selon lui au « naufrage de la civilisation ». Ce mot n'est pas la marque déposée d'une Europe fière de son génie et nostalgique de sa puissance ou de ses vieilles pierres. Pour François, « nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés. (…) L'avenir ne sera pas dans la fermeture qui est (…) une inversion de marche sur le chemin de l'histoire. » 

Chez lui, la migration n'est pas un problème mais la solution à nos problèmes « L'Église n'est pas une douane » sous-tend que toute frontière doit être franchie, alors que l'Église fait sien le principe de séparation, qu'il s'agisse des baptisés et des non baptisés, des clercs et des laïcs, du bien et du mal, du paradis et de l'enfer, etc. Le Vatican est cerné de remparts et de guérites, le chartreux et la carmélite vivent cloîtrés. L'accueil inconditionnel n'existe pas.

Ce discours recèle trois impensés :

- l'impensé de l'histoire : comme celle-ci divise, on se focalise sur la famille humaine à l'instant t, sans la vision dynamique faite de projections dans le passé et l'avenir ;

- l''impensé des origines : celles-ci s'équivalant toutes, elles se fécondent mécaniquement quand elles entrent en contact l'une avec l'autre ;

- l'impensé du nombre : il ne change pas la nature des problèmes, toute question se résumant à des trajectoires individuelles.

Ici, le cœur et la raison s'opposent. L'humanitaire pointe les traitements inhumains infligés par la bureaucratie des États européens à des gens pris isolément, quand le politique jauge lucidement le phénomène dans son ensemble et ses répercussions sur la société. Aujourd'hui, ces deux visions ne se parlent ni ne se comprennent.

Pour aller plus loin :

Un pape sans concession sur l’immigration

>>> Lire sur le JDD

Commentaires

  • Le pape François est inaudible. Accueillir charitablement une dizaine d'étrangers (acte volontaire louable) n'a rien à voir avec le fait de SUBIR - sans jamais pouvoir donner son avis - l'invasion de millions d'étrangers auxquels on ne peut offrir ni logement, ni travail et qui causeront de nombreux torts à la société d'accueil, comme l'illustrent ceux qui sont déjà là.
    Le langage du pape est indifférent à la vérité et à la réalité.
    VERITE. Non, les Européens ne noient pas les migrants ! Les Européens les sauvent.
    Non, nos sociétés ne sont pas égoïstes. Elles dépensent des milliards pour le soutien de l'immigration et l'aide au développement.
    REALITE. L'Europe ne peut pas, sans se suicider physiquement et spirituellement, recevoir des millions d'hommes, quasiment tous musulmans, en leur offrant des avantages dont bien de nos nationaux ne jouissent pas. Il y a beaucoup de pauvreté en Europe aussi !
    IL est impossible de se laisser convaincre par le pape. Il ne manifeste aucune empathie envers les Européens. Il expose les chrétiens restants à des persécutions futures (et déjà présentes !). Il ne condamne jamais les délits et exactions commis par ceux qu'on accueille généreusement. Tout leur est dû !
    Aucune vertu de JUSTICE ne perce à travers les propos d'un pape qui n'est pas celui des chrétiens mais d'une humanité informe qui se moque bien du christianisme et du Christ.
    Je m'en tiens à l'opinion du Cardinal Sarah qui prend en compte l'intérêt à long terme des Africains et des Européens.

  • Pourquoi le Vatican n'accueille-t-il pas de migrants ? Seulement deux ou trois familles à Castel Gandolfo. Pourquoi pas les jeunes célibataires de Lampedusa au Vatican même ? Ne faudrait-il pas montrer l'exemple ? C'est très bien de dire aux autres "accueillez les migrants". J'ai l'impression d'entendre un lévite ou un grand prêtre dans une parabole.... Le Christ n'était-il pas le premier a montrer l'exemple ?

  • ... Etienne a raison : il faut donner le bon exemple, que ce soit pour les parents, les enseignants, nos gouvernants...
    Cela prends du temps, beaucoup d'énergie, de l'argent, des assistants sociaux, crèches, écoles, hôpitaux, quotats pour le carbone (?) etc ...

    Qui organisent ces départs hautement risqués ? chers payés ?

    Seront-elles heureuses ces personnes, chez nous, qui peinons déjà avec l'emploi de notre jeunesse, le retour à l'austérité pour beaucoup ! La peur du lendemain !

    Qui dit "mondialisation" dit Intelligence artificielle, l'inclusivisme, le wokisme,... C'est dans l'air du temps ! Mais, qui gère tout ça ?

  • Le seul discours (autorisé) au sujet de l'immigration est celui de l'accueil. Très rares sont les clercs qui osent ouvertement manifester leur désaccord ou simplement le nuancer.

    Quoi qu'il en soit, ce discours peut provoquer chez nombre de nos concitoyens un rejet de l'Eglise, accusée de ne pas tenir compte de la réalité vécue surtout par les couches les plus fragilisées de nos pays d'Europe de l'ouest

Les commentaires sont fermés.