D'Andrea Gagliarducci sur le Monday Vatican :
Pape François, et si le Synode répondait au risque de schisme ?
27 novembre 2023
La réponse du pape François à quatre anciens délégués de la " Voie synodale " allemande a mis une nouvelle fois en lumière l'inquiétude du pape François face au chemin entrepris par l'Église d'Allemagne. Une inquiétude partagée au Vatican, au point que le risque de schisme est souvent évoqué. D'un certain point de vue, cependant, la réponse du pape François, combinée aux différentes actions concernant le Synodaler Weg allemand, laisse une question ouverte : Et si le pape François avait voulu mettre l'Église en état de synode permanent précisément pour éviter le schisme ?
La question va au-delà des prétendues concessions doctrinales possibles du pape François.
Le pape agit de manière pragmatique et cherche toujours à éviter les chocs frontaux, fidèle à l'idée que "le temps est supérieur à l'espace." La voie synodale allemande, dans son entêtement, aurait pu sembler un défi dangereux si elle avait été prise de front. Le pape François aurait alors tenté de trouver un moyen de contourner l'obstacle.
Il s'agit de remonter dans le temps et de comprendre comment le pape François a agi, afin de trouver quelques confirmations à cette théorie. Il y a d'abord la lettre que le pape a envoyée au peuple de Dieu lors de son voyage en Allemagne en 2019. C'est une lettre qui encourage la discussion ouverte mais souligne que les décisions doctrinales n'appartiennent qu'à Rome et demande de ne pas tomber dans les dérives fonctionnalistes et les dérives idéologiques.
Durant cette période, le cardinal Jean-Claude Hollerich a lancé l'idée d'un synode européen, ainsi que d'une série de synodes continentaux qui pourraient nous permettre de discuter ensemble et de surmonter globalement les différentes crises déclenchées dans les Églises locales.
Le pape François doit décider d'un thème pour le synode des évêques, célébré en 2023. Le Pape lui-même dit que la première place parmi les demandes était de discuter du rôle du prêtre au Synode. La synodalité était le deuxième thème favori. Le pape François a choisi la synodalité. Et il semble qu'il y ait aussi l'idée sous-jacente d'absorber la tempête qui éclate en Allemagne dans un débat plus large.
Un débat est déjà en cours sur certaines questions. Le cardinal Hollerich est nommé rapporteur général du synode. Il accueillera dans son archidiocèse de Luxembourg une rencontre entre le cardinal Grech et Mgr Baetzing, président de la Conférence épiscopale allemande, afin d'encourager la mise en place d'un groupe de travail qui réconcilie le Synodaler Weg allemand avec l'Église universelle.
Et c'est toujours Hollerich qui se fait le porte-parole des questions les plus populaires dans les discussions du Synode, du rôle des femmes au changement de la doctrine de l'Église concernant les unions homosexuelles.
Certaines positions autour du Synode semblent avoir pour objectif final de faire taire toute contestation possible, de jeter un rameau d'olivier à l'aile progressiste, et de tout absorber dans un nouvel équilibre.
Une question demeure : Si le pape s'inquiète de la dérive du Synode d'Allemagne, pourquoi certaines de ses positions semblent-elles encore faire un clin d'œil à celles des Allemands ?
La question est légitime, et la réponse pourrait se trouver dans la même manière pragmatique de faire que le pape François.
En ce qui concerne les questions doctrinales, le pape François reste formellement ancré au dépôt de la foi. Il accepte cependant qu'il y ait des déviations et ne veut pas que la doctrine fasse obstacle à la miséricorde de Dieu. Par exemple, il n'y a pas d'ouverture aux unions homosexuelles, alors qu'il y a une ouverture à l'accueil des homosexuels. Il n'y a pas d'ouverture au sacerdoce des femmes ou au diaconat des femmes. Il y a cependant une volonté d'en discuter et peut-être même de donner aux femmes des rôles de gouvernement, mais il n'y a pas le moindre soupçon de changement imminent de la doctrine ou de la discipline à cet égard.
La situation de l'Église en Allemagne ne semble toutefois pas préoccupante en raison de la pression exercée sur les changements doctrinaux, mais plutôt en raison de la manière dont ces pressions sont exercées. Le pape François a tendance à décider par le biais de documents légers ou de solutions pratiques ; l'Église en Allemagne a mis en place une structure de panzer en commissions, sous-commissions et documents pour des réformes détaillées, ce qui va à l'encontre du principe du pape.
Le pape François a pour principe de gérer les changements, mais pas de le faire de manière institutionnelle.
Les mesures qu'il a prises allaient généralement à l'encontre de certains groupes qui n'allaient pas dans la direction qu'il espérait, comme les groupes traditionalistes. D'autre part, l'Église en Allemagne porte certains thèmes que le pape pourrait approuver en principe, mais qu'il ne peut pas approuver en raison de la manière dont ils sont portés. En fin de compte, l'Église est une "sainte mère hiérarchique" pour le pape, et l'autorité du pape est sacro-sainte.
Le pape est un homme de gouvernement, et le fait que l'Église en Allemagne, par ses actions, remette en cause son autorité est problématique à gérer pour lui. La réponse du pape François a été d'élargir le débat, en espérant que les Allemands reformuleraient la voie synodale.
Cela n'a pas été le cas.
En effet, les Allemands ont préparé un dossier de 59 pages avant le Synode, distribué aux présidents des conférences épiscopales de toute l'Europe, dans lequel ils détaillent certaines des décisions prises dans le Synodaler Weg et soulignent que ces mesures sont déjà obligatoires en Allemagne. En revanche, sur les questions pour lesquelles ils auraient dû obtenir l'approbation du Siège apostolique, les chefs des évêques se seraient chargés de traiter directement avec le Vatican.
Mais pas seulement.
La majorité du Synode a fait un choix différent, a évité des déviations importantes dans le document de synthèse du Synode (amendé 1215 fois), et a montré une aptitude particulière à introduire des changements sans vouloir tout bouleverser. Le fait que lors de la conférence de presse finale du Synode, on ait parlé de résistance et que le cardinal Hollerich de l'époque, dans une interview, ait explicitement déclaré que certains changements ne seraient pas apportés, "nous aurons menti aux gens", donne l'idée qu'il était nécessaire de répondre à certaines attentes.
Dans sa réponse à la lettre des quatre théologiens, le pape François se dit préoccupé "par les mesures concrètes, désormais nombreuses, par lesquelles de larges portions de cette Église locale continuent de menacer de s'éloigner de plus en plus de la voie commune de l'Église universelle".
Les quatre signataires de la lettre s'inquiètent en particulier de l'idée d'établir un comité synodal qui aurait pour but de "préparer l'introduction d'un conseil de gestion et de décision". Le pape François a déclaré qu'un tel organisme "ne peut être harmonisé avec la structure sacramentelle de l'Église catholique" et que, en fait, l'établissement d'un tel organisme "a été interdit par le Saint-Siège par une lettre du 16 janvier 2023, approuvée par moi d'une manière spécifique."
Le Pape souligne également que "au lieu de chercher le salut dans des comités toujours nouveaux et, avec une certaine autoréférentialité, d'aborder toujours les mêmes thèmes, dans ma Lettre au Peuple de Dieu qui est en chemin en Allemagne, j'ai voulu rappeler la nécessité de la prière, de la pénitence et de l'adoration et nous inviter à nous ouvrir et à aller à la rencontre de nos frères, en particulier de ceux qui sont abandonnés sur le seuil de nos églises, dans les rues, dans les prisons et les hôpitaux, sur les places et dans les villes".
Cette phrase trahit la vision du Pape.
Cette vision est basée sur la foi, mais en fin de compte, il s'agit d'une foi immergée dans le concret. Le problème allemand, en fin de compte, n'est pas un problème de changement doctrinal. Il s'agit d'un problème lié à la manière dont le changement doctrinal est effectué. Le pape tente donc d'y mettre un terme - et il convient de rappeler qu'en novembre dernier, les évêques allemands ont vu les textes de leurs rapports ad limina publiés, y compris le texte du cardinal Ouellet appelant à un moratoire sur la voie synodale.
Le pape François ne cherche cependant pas les affrontements frontaux.
Il ne va pas en tête-à-tête. Il ne veut surtout pas créer de division et il ne veut pas être celui qui, par rigidité, provoque un schisme. Selon le pape François, le Synode de l'Église universelle peut donc être l'antidote aux pressions schismatiques.
L'histoire dira si ce fut le cas.
Commentaires
Si le prix à payer pour éviter un schisme est de vider les églises, je ne suis pas sûr du tout que ce soit une bonne idée !
Matthieur 5, 29 : "Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi, car mieux vaut pour toi perdre un de tes membres que d’avoir ton corps tout entier jeté dans la géhenne."
Ce n'est pas qu'il cherche à empêcher un schisme, il a dit qu'il n'en avait pas peur. Mais il ne veut pas que le schisme vienne des hérétiques. Ceux-là, il essaye de les garder dans sa tente. D'où la complaisance perpétuelle à leur égard, les concessions "pastorales" sur la doctrine. Il tente de leur faire comprendre qu'il est de leur côté, mais qu'il doit avancer progressivement afin de maintenir un soupçon d'ambiguïté sur son jeu, de ne pas faire apparaître de façon trop flagrante son projet. C'est en usant de cette duplicité qu'il les appelle implicitement à la patience, à éviter la rupture, à rester sous son autorité, leur suggérant d'atteindre leur but en soutenant la réforme plutôt qu'en déclenchant la révolution.
En revanche, les fidèles au Christ, ceux-là, il se réjouit de les voir partir, bon débarras ! Et quand ils ne le font pas d'eux-mêmes, il les pousse un peu dehors.
Qui se conforme au plan du Créateur est contre lui, qui entre en rébellion destructrice est avec lui, telle est la direction manifestée, ce qui donne à chacun matière à réflexion sur l'origine de cette dérive.