De Luke Coppen sur The Pillar :

Que s'est-il passé lors des négociations entre Rome et l'Allemagne ?

25 mars 2024

La rencontre tant attendue de vendredi entre les évêques allemands et les représentants du Vatican a-t-elle débouché sur une percée ?

La question préoccupe les observateurs de l'Église depuis le sommet qui s'est tenu le 22 mars à Rome pour discuter de la source des tensions actuelles entre les deux groupes, à savoir la "voie synodale" allemande.

Les avis divergent, mais quels sont les faits ? Ils sont décrits dans une brève déclaration commune publiée à la fin de la journée de discussions.

Cette déclaration rappelle qu'il s'agit de la troisième étape d'une série de discussions sur la voie synodale qui a débuté lors de la visite ad limina des évêques allemands à Rome en novembre 2022 et s'est poursuivie par une rencontre en juillet 2023.  

Qualifiant la dernière rencontre de "positive et constructive", le communiqué indique que les deux parties ont discuté de "certaines des questions théologiques ouvertes soulevées dans les documents de la voie synodale de l'Église catholique en Allemagne". 

Les participants ont identifié "les différences et les points d'accord", suivant l'exemple du synode d'octobre dernier sur la synodalité,  

La déclaration précise que les évêques allemands et les représentants du Vatican ont convenu d'un "échange régulier" sur "la suite du travail de la voie synodale et du comité synodal".  

Avant que la voie synodale ne s'achève officiellement en mars 2023, elle a mis en place le comité synodal, un organe transitoire composé d'évêques et de laïcs préparant la voie à la création d'un "conseil synodal" permanent.

Les évêques allemands ont promis que ce travail servira à développer des formes concrètes de synodalité dans l'Église en Allemagne, en accord avec l'ecclésiologie du Concile Vatican II, les exigences du droit canonique et les résultats du synode mondial, et sera ensuite soumis au Saint-Siège pour approbation." 

Points de vue de l'Allemagne

C'est ce que disent le Vatican et le communiqué des évêques allemands. Mais qu'en est-il ? L'une ou l'autre des parties est-elle sortie gagnante des négociations ?

Katholisch.de, le site officiel de l'Église allemande, a suggéré que le Vatican et les évêques allemands étaient "parvenus à un compromis". 

Selon l'agence de presse catholique allemande KNA, la Curie romaine et les évêques allemands "se sont mis d'accord sur une procédure pour la création de nouveaux organes consultatifs pour l'Église catholique en Allemagne".

"Les évêques allemands se sont ainsi engagés de facto à ne pas créer de nouvelles structures de gouvernance pour l'Église catholique en Allemagne contre la volonté de Rome", précise KNA.

Dans un commentaire publié sur katholisch.de, Joachim Heinz, de la KNA, estime que la référence de la déclaration au comité synodal - un organe dont le statut n'est pas encore clair - implique que les évêques allemands sont sortis de la réunion avec "une victoire sur les points".

"En fin de compte, les deux parties sauvent la face, du moins à l'extérieur. Pour l'instant, le Vatican a donné son feu vert à la poursuite du travail au sein du comité synodal", a écrit M. Heinz.

New Beginning, un groupe allemand qui critique la voie synodale, a déclaré que Rome avait proposé un "chemin de réconciliation", mais "sous des conditions claires".

"Le communiqué commun publié hier par le Vatican et la délégation allemande ne laisse aucun doute sur le fait que Rome attend des Allemands, mais leur fait aussi confiance, qu'ils reviennent à la voie tracée par le Concile Vatican II et les enseignements de l'Église, malgré les nombreuses manœuvres de ces cinq dernières années", a déclaré l'association dans un communiqué du 23 mars. 

Le groupe a ajouté qu'il saluait "la stipulation supplémentaire - décisive - selon laquelle, avec effet immédiat, tous les résultats du côté allemand 'doivent être soumis à l'approbation du Saint-Siège'".

Renardo Schlegelmilch, rédacteur à domradio.de de Cologne, a conclu qu'aucune des deux parties n'avait remporté la victoire, mais qu'elles avaient toutes deux réussi à sauver la face.

"Il reste à voir si de nouveaux efforts de réforme conduiront à de nouveaux conflits", écrit-il. "Cependant, la conclusion la plus importante est que les gens se parlent à nouveau et que les deux parties sont prêtes à s'écouter et à chercher des compromis. Les deux parties peuvent certainement être satisfaites de ce type de synodalité pour le moment".

Questions en suspens

Les évêques allemands et les responsables curiaux ont convenu de se rencontrer à nouveau avant les vacances d'été du Vatican.

En attendant, les évêques allemands pourraient annoncer la création d'une association pour financer le comité synodal, après avoir opposé leur veto à l'utilisation d'un fonds commun. Après des mois d'incertitude, la commission synodale serait ainsi dotée d'une assise financière solide. 

Le conseil permanent des évêques allemands doit se réunir en avril. C'est peut-être à ce moment-là que la majorité des évêques signalera son approbation - retardée à la demande du Vatican - des statuts du comité synodal. Mais il n'est pas certain qu'ils puissent le faire à l'unanimité, étant donné l'opposition bien établie d'une minorité d'évêques à toute nouvelle étape vers un conseil synodal.

Une autre question en suspens est celle de savoir si le Comité synodal sera en mesure d'accomplir sa tâche principale, à savoir la mise en place d'un Conseil synodal permanent d'ici à 2026, comme l'exigent les participants à la Voie synodale.

A.C. Wimmer, rédacteur en chef de CNA Deutsch, a noté que la déclaration commune ne mentionnait pas explicitement le Conseil synodal, un organe composé d'évêques et de laïcs doté de vastes pouvoirs de décision, auquel le Vatican s'oppose actuellement.

Il a déclaré qu'il n'était "pas clair si ce projet controversé a maintenant été sabordé, suspendu, ou pourrait finalement être soumis à l'approbation du Saint-Siège". 

Les membres du Comité synodal espèrent que les doutes concernant son financement et son statut seront levés lors de sa deuxième réunion, qui se tiendra à Mayence les 14 et 15 juin.

Mais il est probable que les questions relatives à son objectif central - la création du Conseil synodal - resteront d'actualité dans un avenir proche.