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De Paray-le-Monial à Cornillon : grand entretien avec le recteur du sanctuaire de Paray

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Du site de l'évêché de Liège :

DE PARAY-LE-MONIAL À CORNILLON : GRAND ENTRETIEN AVEC LE PÈRE ETIENNE KERN

22 mai 2024

Lundi 27 mai, à 20h, au sanctuaire de Cornillon, le père Etienne Kern, recteur du sanctuaire de Paray-le-Monial, donnera une conférence dans le cadre des festivités de la Fête-Dieu à Liège. Mais quel lien peut-on établir entre Cornillon et Paray ? 

Les apparitions de Paray-le-Monial à sainte Marguerite-Marie Alacoque (entre décembre 1673 et juin 1674) vont faire sortir la dévotion au Sacré Coeur de Jésus des monastères et la rendre accessible au peuple chrétien. Le sanctuaire de Paray-le-Monial sont un lieu source pour la dévotion au Sacré Coeur qui existait bien avant le 17e siècle, notamment sous la plume de Saint Jean, des pères de l’Eglise et de certains mystiques. Paray-le-Monial fait en quelque sorte la synthèse et permet sa popularisation auprès du plus grand nombre. Le Sacré Coeur de Jésus serait même l’une des clés de compréhension du pontificat de François…

Pour le père Etienne Kern, actuel recteur du sanctuaire, Paray est avant tout un lieu d’expérience vivante et transformante, un lieu qui brûle … depuis 350 ans ! Il nous a accordé un grand entretien au cours duquel nous avons abordé l’histoire de Paray, le lien entre le Sacré Coeur de Jésus et la Fête-Dieu mais aussi la question des abus dans l’Eglise et du partenariat indispensable entre paroisses et sanctuaires. 

Quelle est la nature du message délivré à Paray à sainte Marguerite-Marie ? 

Le message lui a été délivré en trois temps : tout d’abord, Jésus proclame son amour (“Dieu a tant aimé le monde; voici le coeur qui a tant aimé le monde”) à une époque où la France est marquée par le jansénisme qui prône une vision morale et austère, très intellectuelle de la foi, avec un Dieu distant. A Paray, Dieu lance une invitation à ne pas avoir peur de Lui mais aussi à ne pas se montrer indifférent face à ce cœur qui n’a rien économisé en se consumant d’amour pour l’homme.

Ensuite, Jésus exprime une plainte (“Il a aimé et il n’est pas aimé”) surtout envers ceux qui devraient l’aimer le plus. Il pointe nos ingratitudes et notre indifférence, notamment envers l’eucharistie. Il souffre de cette absence de réponse à son amour. A cette époque, ce n’est pas un problème de pratique, les fidèles vont à la messe, mais un problème d’amour intérieur qui s’est éteint.

Enfin, Il demande que nous rendions amour pour amour et donc de nous engager. Il s’adresse à Marguerite-Marie: “Veux-tu m’aimer et réparer?” Et cela ne signifie pas seulement, déjà à l’époque, de faire pénitence mais de revenir à la prière et à des considérations d’ordre plus spirituel. Car oui, on peut réparer par l’adoration, la louange et en manifestant du souci envers les plus petits.  

En quoi le message de Paray est-il encore d’actualité ? 

Les saints Ignace de Loyola et Louis de Gonzague en adoration devant le Sacré-Cœur, José de Páez (v. 1770), Mexique.

La société occidentale est marquée par l’indifférence et l’ingratitude envers Dieu, Paray a donc encore tout son rôle à jouer. A Marguerite-Marie, Jésus se plaint de voir son corps eucharistique profané, aujourd’hui avec la crise des abus dans l’Eglise, c’est le corps des petits enfants (et d’adultes aussi) qui a été profané. Avec son message, Paray peut certainement apporter une lumière pour éclairer l’Église sur l’attitude à adopter pour réparer.

Car, dans cette douloureuse question des abus, nous devons prévenir, accueillir et écouter les victimes, faire la vérité et la justice et enfin réparer. Et cela suppose aussi de le faire dans le domaine spirituel. Dieu a été offensé par des crimes abominables. Ainsi, la question des abus ne peut être résumée à une liste de procédures, si nous voulons en sortir et agir sur le long terme, nous devons l’aborder dans sa dimension spirituelle. Et Paray peut aider l’Eglise à trouver ce souffle dans le cœur de Jésus. 

Comment comprendre et vivre aujourd’hui la dévotion au Sacré Coeur? 

A une certaine époque, la Belgique et beaucoup d’autres pays ont connu une forte dévotion au Sacré Coeur, pensons à la basilique de Koekelberg et à celle de Montmartre, une dévotion qui s’est aujourd’hui peut-être essoufflée. C’est un trésor enfoui à redécouvrir, c’est aussi l’enjeu du jubilé que nous vivons cette année à Paray (ndlr : 350e anniversaire des apparitions). Pour beaucoup de croyants, la dévotion au Sacré Coeur semble sans doute un peu désuète, dépassée, poussiéreuse voire doloriste, un certain soupçon pèse sur cette forme de piété et le meilleur moyen de contrer cette idée est de revenir à la source et au message délivré lors des apparitions.

Marguerite-Marie ne voit pas un cœur sanglant mai rayonnant, Jésus n’exige pas d’elle une promesse en échange d’autre chose. Elle vit une expérience de feu insaisissable, contre la tentation humaine de vouloir toujours saisir, mettre la main sur. Elle fait l’expérience de l’amour brûlant, les plaies du Christ sont remplacées par des soleils, le cœur de Jésus est une fournaise d’où le sien ressort à son tour brûlant pour propager cet amour incandescent autour d’elle. C’est là une image parfaite du critère par excellence de la vie chrétienne qu’est la charité. Charité envers Dieu, “rendre amour pour amour”, et envers les autres par un cœur doux et humble. Comme chrétiens, nous sommes appelés à manifester la compassion du cœur de Jésus à tous, migrants, homosexuels, femmes battues, enfants à naître. Nous devons nous mettre à l’école du cœur de Jésus et adopter le style de Dieu, comme le définit le pape François : proximité, tendresse et compassion.  

A l’heure où, en Belgique et en France, les paroisses se vident, les sanctuaires attirent toujours plus de foule. Comment expliquer ce succès? 

Je pense tout d’abord qu’il faut s’appuyer sur la complémentarité des sanctuaires et des paroisses. L’Eglise commettrait une erreur en ne privilégiant que les paroisses. La vie paroissiale est parfois trop exigeante, les sanctuaires sont plus accessibles et kérygmatiques; à nos visiteurs, nous donnons tout de suite accès au cœur de l’Evangile. Les sanctuaires sont une chance pour les paroisses qui, de leur côté, ont cette possibilité d’assurer un accueil sur le long terme. On passe dans un sanctuaire, on reste dans une paroisse. Il faut donc travailler l’articulation entre les deux ; si le prêtre en paroisse manque de confessions, à Paray, nous manquons de confesseurs !

Les sanctuaires sont aussi des lieux de consolation : écouter les souffrances est essentiel, c’est notre première mission, avant même de délivrer des sacrements. On peut regretter que l’Eglise ne soit plus entendue ni écoutée sur les questions sociétales, mais le temps est peut-être venu de pleurer avec ceux qui pleurent, d’être des témoins de l’espérance. Comme repris dans Mt 11, 28 : “Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos.” Ça vaut la peine de donner sa vie pour ça. 

Marguerite Marie Alacoque et Julienne de Cornillon

Pour le père Etienne Kern, il existe un lien très intime entre Marguerite-Marie Alacoque et Julienne de Cornillon.

Quel lien peut-on établir entre le sanctuaire du Sacré Coeur de Paray et la Fête-Dieu? 

Ce lien est double. Les apparitions du Sacré Coeur sont étroitement liées à l’eucharistie et à la Fête-Dieu. D’abord, d’un point de vue du calendrier, puisque la plus grande apparition en juin 1674 intervient dans l’octave de la Fête-Dieu. Elle se produit aussi devant le Saint Sacrement, il y a donc un lien très intime entre sainte Julienne de Cornillon* et sainte Marguerite-Marie malgré les siècles qui les séparent, c’est pourquoi mon déplacement à Liège était de l’ordre de l’évidence. Et c’est pourquoi aussi nous invitons l’évêque de Liège à présider notre fête patronale en octobre prochain, pour renforcer nos liens. A Paray, la Fête-Dieu et la fête du Sacré-Coeur sont indissociables. Depuis 2006, nous y vivons l’adoration permanente. Ce sont les fruits de sainte Julienne qui a permis le renouveau de l’adoration du Saint-Sacrement.

*Pour rappel, sainte Julienne de Cornillon (1193-1258) était une religieuse augustinienne devenue prieure du couvent-léproserie du Mont-Cornillon. Elle reçut la vision d’une lune échancrée, c’est-à-dire rayonnante de lumière, mais incomplète. En 1246, elle obtient de l’évêque de Liège (puis du pape Urbain IV en 1264) l’institution de la Fête-Dieu ou fête du Saint-Sacrement.

Propos recueillis par Sophie DELHALLE 

BIO EXPRESS 

père Etienne Kern

Prêtre du diocèse de Paris pour la Communauté de l’Emmanuel, le père Etienne Kern est le 7e enfant d’une grande fratrie de 8 frères et sœurs. Deux de ses frères sont moines trappistes à l’abbaye de Sept-Fons (diocèse de Moulins) et l’une de ses sœurs est bénédictine à Hurtebise en Belgique. C’est à Namur, dans les années 1990, que le père Etienne entame son année de propédeutique, il y poursuit également son cycle de philosophie. Après deux ans de volontariat au Brésil, il achève sa formation de séminariste à Paris. Ordonné prêtre en 2005, il retourne au Brésil en 2011. Curé de paroisse à Aix-en-Provence depuis 2018, il est appelé à devenir recteur du sanctuaire de Paray (2021). A ce sujet, il confie “c’est un véritable bouleversement dans ma vie de prêtre … je vis ce nouveau ministère dans une grande paix intérieure.”

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