De Robert Royal sur The Catholic Thing :
De la lumière et des ténèbres
22 décembre 2025
Bien des choses dépendent de cette division – mais, comme nous le verrons plus loin, pas, en définitive, au sens où on pourrait l'imaginer. D'une certaine manière, il n'est pas surprenant que ce soit un scientifique juif, Albert Einstein, qui ait découvert le premier le rôle fondamental de la lumière dans la création. Rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière dans notre univers. Les convictions religieuses personnelles d'Einstein font débat, mais est-ce vraiment un hasard si quelqu'un imprégné de tradition juive a pu parvenir à cette vérité ?
Toute cette tradition est profondément ancrée en nous en cette période. La naissance d'un enfant est – ou devrait toujours être – un motif de joie. Mais le fait que cet enfant soit venu au monde durant ses heures les plus sombres est assurément plus qu'une simple coïncidence. De nos jours, on a tendance à rejeter de telles spéculations comme « moyenâgeuses ». Mais comme dans nombre de paradoxes de la Foi, l'obscurité n'est ni fortuite, ni simplement symbolique, ni même – nous y reviendrons – un vestige du passé. Au fond, l'obscurité est aussi la raison d'être de cette période. La lumière aurait-elle autant d'importance sans elle ?
À bien y réfléchir, pourquoi Jésus est-il né la nuit ? Nous le savons grâce à ce détail apporté par l’Évangile selon Luc : « Or, il y avait dans cette région des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. » (Luc 2,8) Cela est cohérent, car la tradition prophétique juive suggère que la nuit est la réalité quotidienne dans laquelle nous vivons.
Dans le Messie de Haendel , que vous devriez écouter chaque année à cette période pour votre plaisir et votre édification, vous entendrez beaucoup parler de la gloire de Dieu et de la manière dont nous devons lui être reconnaissants de nous avoir rachetés. « Le peuple qui était assis dans les ténèbres a vu une grande lumière. » (Ésaïe 9:2) Mais pourquoi était-il assis dans les ténèbres ?
Lors d'un concert la semaine dernière, le passage qui a le plus marqué les esprits était « Et qui pourra supporter le jour de sa venue ? », un extrait du livre du prophète Malachie (3,2) choisi par Haendel. On pourrait croire qu'après toutes les ténèbres et les souffrances du monde, nous serions tous heureux de le revoir. Mais ce monde obscur que le péché originel et nos péchés individuels nous ont imposé – et auquel nous sommes si attachés – est un monde que nous ne renonçons pas facilement. La tradition chrétienne nous rappelle que beaucoup d'entre nous redouteront le retour du Christ. Même lors de sa première venue, certains, comme Hérode, puis les pharisiens et les sadducéens, n'ont pas manifesté une joie immense à sa vue.
Nous aimons Noël, tel qu'il est devenu aujourd'hui, pour des raisons évidentes. Les cadeaux, les fêtes, les repas, les boissons (catholiques), la famille, les amis, la joie, les chants de Noël et, au moins, quelques gestes de bienveillance envers les hommes. Même un laïc, abstraction faite du consumérisme effréné, pourrait trouver dans tout cela un répit bienvenu face à la morosité du quotidien. C'est digne d'un roman de Dickens. Mais pour un chrétien, la morosité est bien plus profonde. C'est pourquoi la joie n'en est que plus grande.
Et pourtant, en fin de compte, peut-être devons-nous reconnaître la présence des ténèbres. Les ténèbres qui nous entourent et qui habitent notre existence terrestre font, d'une certaine manière, partie de la miséricorde divine. À l'instar de toutes les épreuves et tribulations découlant du péché, comme nous le voyons dans les Écritures, les ténèbres nous incitent à rechercher la lumière. À Pâques, nous comprenons pourquoi cet enfant est une grande lumière. En attendant, si nous ne prenons pas pleinement conscience des ténèbres qui nous habitent et nous entourent, et si nous ne comprenons pas pourquoi nous avons besoin d'une lumière extérieure pour nous éclairer, la célébration n'est qu'une fête de plus.
Mais il y a plus encore. L'un des plus grands mystiques chrétiens, saint Jean de la Croix, a écrit La Nuit obscure de l'âme, un poème accompagné d'un commentaire. Considérée comme une discipline spirituelle, l'obscurité peut être une porte menant à ce qui a précédé la création même de la lumière, c'est-à-dire au Créateur lui-même. Comme l'écrit saint Jean :
Dans une nuit obscure,
embrasée d'un amour anxieux,
ô heureux destin !
Je partis sans être vu,
ma maison étant désormais en paix...Ô nuit qui nous guide ;
ô nuit plus belle que l'aurore ;
ô nuit qui as uni
l'amant à sa bien-aimée,
et l'as transformée en son amour.
Au final, même les ténèbres ne sont pas seulement ténèbres pour Dieu, mais l'Être originel et le silence contemplatif que nous pouvons désormais atteindre, peut-être seulement par la poésie.
Comme le fait dire Dieu à Charles Péguy :
O belle nuit, nuit au grand manteau, ma fille au manteau étoiléTu me rappelles, à moi-même tu me rappelles ce grand silence qu'il y avaitAvant que j'eusse ouvert les écluses d'ingratitude.Et tu m'annonces, à moi-même tu m'annonces ce grand silence qu'il y auraQuand je les aurai fermées.O douce, ô grande, ô sainte, ô belle nuit, peut-être la plus sainte de mes filles, nuit à la grande robe, à la robe étoiléeTu me rappelles ce grand silence qu'il y avait dans le mondeAvant le commencement du règne de l'homme.Tu m'annonces ce grand silence qu'il y auraAprès la fin du règne de l'homme, quand j'aurai repris mon sceptre.Et j'y pense quelquefois d'avance, car cet homme fait vraiment beaucoup de bruit.