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  • Le cardinal De Kesel, chantre de la culture séculière

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    De Stefano Fontana sur la NBQ :

    De Kesel à Bologne se fait le chantre d'un monde qui « convertit » l'Église

    La modernité nous a enfin fait comprendre l'Évangile : la « culture séculière » est une tournure positive pour le cardinal belge, qui oublie qu'une société sécularisée n'est pas neutre par rapport à Dieu, mais qu'elle est sans Dieu. C'est aussi cela la mondanité.

    4_11_2024

    Le 30 octobre, l'inauguration de l'année académique de la Faculté de théologie d'Émilie-Romagne a eu lieu à Bologne, en présence du Chancelier, le cardinal Matteo Zuppi. La Prolusion a été lue par le cardinal Jozef de Kesel, archevêque émérite de Malines-Bruxelles. Sa Lectio avait pour titre : « Believers in a world that is no longer Christian » (Croyants dans un monde qui n'est plus chrétien), qui rappelle le titre d'un de ses livres récemment publié par la Libreria Editrice Vaticana, Christians in a world that is no longer Christian (Chrétiens dans un monde qui n'est plus chrétien). Il s'agit d'une intervention très claire qui présente les raisons du « changement d'époque » évoqué par François, un changement d'époque de l'Église ou, si l'on veut, une nouvelle Église. Le ton humblement feutré sur lequel elle a été prononcée n'a pas atténué, voire accentué la radicalité de la proposition du cardinal, que nous pourrions résumer ainsi : la sécularisation exige une Église présente sous forme d'absence, une Église utile précisément dans son inutilité, une Église qui rencontre l'autre uniquement pour le rencontrer, sans lui demander de changer quoi que ce soit.

    De Kesel affirme que la « religion culturelle » propre au christianisme a été remplacée par une culture séculière à l'ère moderne. Si, dans la version prémoderne, la religion imprégnait toute la culture, le pluralisme religieux et la tolérance propres à la modernité rendent cette situation providentiellement impossible dans les faits et injuste en droit, car elle ne respecte pas la liberté et la diversité. La culture laïque rejette la religion culturelle mais n'est pas sans religion, elle n'empêche pas d'être chrétien, elle est seulement pluraliste et respectueuse de la liberté.

    Ce changement d'époque ou « révolution copernicienne », selon de Kesel, est bon pour l'Eglise, qui n'est pas elle-même appelée à donner naissance à une religion culturelle. Pour lui, les religions culturelles, ou les cultures religieuses, sont dangereuses parce qu'elles n'admettent pas les minorités. Certes, la culture laïque se transforme parfois en laïcité et œuvre alors à la disparition des religions, mais la laïcité est une chose différente de la sécularisation. La transition de l'époque a fait prendre conscience à l'Église qu'elle n'est pas appelée à vivre dans « son » monde, dans un monde chrétien, mais dans le monde, comme peuple de Dieu parmi les nations. Vatican II ne parle plus d'Église et de monde, mais d'Église dans le monde. Le monde séculier n'est pas sans Dieu, il a été créé par Lui et aimé par Lui au point de donner son Fils unique. L'Église ne doit pas « conquérir » mais seulement être présente, elle tend la main à tous mais ne veut pas être tout, elle rencontre l'autre mais pas pour le faire changer d'avis mais seulement pour le rencontrer sans arrière-pensée, l'Église partage. Le salut est l'œuvre de Dieu et non de l'Église. Grâce à la modernité, l'Eglise a ouvert les yeux et compris l'Evangile. Une Église « cléricale », au-dessus du monde, qui n'écoute pas parce qu'elle sait déjà tout, n'a pas besoin de se convertir, c'est-à-dire de comprendre qu'elle est un « signe » qui, en tant que tel, n'a pas besoin de faire du chiffre.

    La principale caractéristique de cette Lectio magistralis d'un cardinal d'une Église qui ne veut plus dominer, cette élaboration culturelle pour dire que l'Église ne devrait pas avoir de culture, est d'exposer sans tentative de médiation l'une des deux visions théologiques rivales d'aujourd'hui. En ce moment, c'est peut-être celle qui domine : encore une bizarrerie pour une Église qui ne veut plus dominer. En prenant cette position, le cardinal a condamné les principes de l'autre vision : ce n'est pas rien pour une Église qui ne veut plus condamner. Dans l'Église de la rencontre, l'autre vision ne se rencontre pas.

    Le cardinal expose une conception déformée du christianisme et de la modernité. Dans la première, l'Église envahirait tous les aspects de la culture en imposant une culture religieuse totalitaire qu'il assimile imprudemment à l'islam. En réalité, dans la chrétienté, il y avait une distinction des pouvoirs et l'influence de la religion sur la politique et tous les aspects de la culture n'était pas étouffante mais purificatrice. La surnature n'enlève rien à la nature mais la perfectionne. La philosophie de saint Thomas n'a pas supprimé celle d'Aristote, mais l'a purifiée. Regarder toute réalité à la lumière de l'Évangile, ce n'est pas l'étouffer, c'est le contraire. On ne peut penser le contraire qu'en croyant que, dans le christianisme, la révélation et la vie de la grâce ont écrasé ce que la nature aurait pu faire par ses propres forces dans le domaine culturel. Mais pour adopter cette position, il faut aussi penser que la nature est capable de grâce par elle-même. Cette thèse est largement partagée par la théologie d'aujourd'hui et, nous le comprenons, également par De Kesel, mais elle est certainement contestable.

    Le concept de modernité exposé dans la Lectio n'est pas non plus convaincant. En effet, les principes philosophiques de la modernité qui empêchent structurellement de penser à Dieu ne sont pas saisis, à savoir la naissance dans la modernité d'une culture essentiellement irréligieuse et athée. C'est pourquoi la distinction entre sécularisation et laïcité proposée par le cardinal est fictive. Il n'y a pas de sécularisation qui ne dégage, sous une forme ou une autre, un laïcisme, c'est-à-dire un rejet de la surnature. La laïcité n'est pas une situation neutre par rapport à Dieu, un monde sans Dieu n'est pas un monde neutre, c'est un monde sans Dieu. Toute forme de naturalisme, à laquelle s'assimile aussi la vision cardinalice de la laïcité, est un refus de la surnature parce qu'elle identifie la nature et la grâce. Ce que, somme toute, le cardinal de Kesel fait également lorsqu'il affirme que l'Église est seulement présente dans le monde, donc absente et inutile en tant qu'Église. Il n'a parlé qu'une seule fois du salut du monde comme tâche de l'Église, pour le nier sous la forme indiquée par la tradition.

    La conception du « monde » utilisée par le cardinal belge souffre d'un défaut continuellement présent dans ce courant théologique, malgré l'autorité de ceux qui ont souligné son incohérence. Des trois significations bibliques du mot monde - comme la création que Dieu a vue comme bonne, comme la dimension de la responsabilité confiée à l'homme et comme le royaume du mal pour lequel Jésus refuse de prier - seule la première est utilisée. Un réductionnisme évidemment dangereux qu’il serait temps d’abandonner.

    Devant le rapport que nous commentons, on est saisi par la question de la part de protestantisme qu'il contient. Luther a séparé la nature et la grâce, et donc l'histoire et la métaphysique, dissociant l'existence terrestre de toute relation avec Dieu, il a lui aussi affirmé que ce n'est pas l'Église qui donne le salut mais Dieu seul, et il a abandonné la culture et la connaissance à elles-mêmes, qui n'ont plus besoin d'être « sauvées ».

  • Quelle est la messe de toujours ?

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    De KTO sur youtube :

    Cette semaine, La Foi Prise au mot propose de parler de liturgie en posant la question qui fâche : quelle est la messe de toujours ? Est-ce celle qu'on nomme la messe en latin, la messe tridentine, formalisée au 16e siècle ? Ou bien est-ce celle de Paul VI, formalisée dans les années 1960, mais qui inclus d'antiques prières ou des rites très anciens ? Plutôt que de lancer un nouveau dialogue de sourds, cette émission tente de prendre un peu de recul sur les débats qui depuis le concile Vatican II ont agité les esprits, particulièrement en France, en s'intéressant à l'histoire de la liturgie. Comment les différents rites sont-ils nés, et dans quels contextes ont-ils été pratiqués ? "Nous sommes aujourd'hui une civilisation du livre, mais un élément important à prendre en compte, c'est que durant tout le premier millénaire, l'écrit est rare y compris dans l'Église. C'est donc essentiellement la tradition orale qui permet de transmettre les enseignements. Pour autant, il ne faut pas croire que pendant le premier millénaire, on se contente de tout improviser ! La tradition orale ce n'est pas non plus la liberté de tout réinventer selon sa propre fantaisie. Il y a certes une certaine souplesse par rapport à l'écrit, mais il y a aussi une forte continuité dont témoigne les différentes sources." affirme Marcel Metzger, Professeur émérite à l'Université de Strasbourg et spécialiste de l'histoire de la liturgie. "Jusqu'à la fin de la période patristique, autour du VIIe siècle, il n'y a pas vraiment de rupture du point de vue liturgique. Les différences que l'on peut observer sont surtout liées à des adaptations visant à rendre le rite accessible à des populations nouvellement évangélisées issues de cultures différentes. En revanche, à partir de la période mérovingienne, d'authentiques ruptures vont commencer à apparaître à cause des guerres qui perturbent la continuité de la transmission, qui vont entraîner des contradictions avec les enseignements des apôtres. Encore aujourd'hui, nous sommes tributaires de la synthèse qu'ont tenté d'opérer les scolastiques, à partir de compilations de sacramentaires héritées de l'aire mérovingiennes, mais dont on avait perdu le sens véritable." raconte à son tour Laurence Pringuet, Docteure en théologie catholique.