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Un saint de Belgique au Xe siècle : Gérard de Brogne (3 octobre)

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300px-Gérard_de_Brogne_(Statue_moderne).JPGNous trouvons ici cette notice biographique de saint Gérard de Brogne qui doit beaucoup au sanctoral des RP Bénédictins, éditions Letouzey & Ané, 1952.

Bien que l'Eglise [ en Occident] tombée au pouvoir des laïques ait vécu, au 10ième siècle, une des périodes les plus sombres de son histoire, elle cessa si peu de montrer la force du ferment qu'elle porte en elle que des saints purent s'épanouir dans ce milieu particulièrement ingrat et arrivèrent à la perfection malgré les abus innombrables.

Gérard naquit sur la fin du 9ième siècle, à Stave, au canton de Fosses (Belgique), de parents appartenant à la haute noblesse = son père Santio aurait été "de la race d'Haganon, duc d'Austrasie (?) " ; sa mère, "Plectrude, soeur de l'évêque de Liège, Étienne". Gérard entra au service du comte de Lomme, Béranger, qui l'honora de sa confiance. A la lisière de la forêt de Marlagne, au milieu d'un vaste domaine que Gérard possédait de plein droit en qualité d'alleu, s'élevait un oratoire dont on attribuait la fondation à Pépin 2 et la dédicace à saint Lambert. Il était assez délabré et le pieux propriétaire voulut le reconstruire et l'agrandir aux dépens d'une maison voisine habitée par un prêtre nommé Anselme qui refusa de la quitter. Un dragon sorti du clocher vola sur son toit et se mit à cracher des flammes : le lendemain, un incendie détruisait sa demeure et les maçons arrivés aussitôt entreprenaient la construction de la nouvelle église; ils se rappelaient encore longtemps après que pas une goutte de pluie n'était venue contrarier leur travail (914).

Cependant Gérard, qui ne pouvait se contenter des quelques reliques honorées dans l'ancien oratoire, obtint de Leutger, abbé de Deuil (Seine-et-Oise), une partie des ossements de saint Eugène, puis poussant jusqu'à Saint-Denis réussit à se faire donner le reste du corps. A son retour il déposa son trésor à Couvin, au doyenné de Chimay, sous la garde de 2 moines, et alla solliciter de l'évêque de Liège, Étienne, la pérmission de le transférer à Brogne. La translation eut lieu le 18 août 914 (ou un peu plus tard) avec un immense concours de peuple, sous la présidence de l'archidiacre Adelhelm. Des clercs jaloux se plaignirent à l'évêque, qui les débouta au synode suivant. Par un acte du 2 juin 919, Gérard donna à son église, placée sous le patronage de saint Pierre et de saint Eugène, diverses propriétés, en manifestant son désir d'y remplacer les clercs par des moines. Transformation accomplie le 18 décembre 923, Gérard paraît alors dans une charte en qualité d'abbé. On ignore où il fit son noviciat (son biographe prétend qu'il passa 9 ans à Saint-Denis, ce qui est impossible). Le monastère de Brogne connut une calme prospérité : les moines n'y furent jamais nombreux suivant le désir du fondateur, soucieux seulement de vie intérieure, désireux d'échapper aux convoitises des seigneurs que la richesse attirait infailliblement.

Pourtant les princes usurpateurs de biens ecclésiastiques, féodaux brutaux et souvent cruels, étaient au fond sincèrement Chrétiens et parfois se considéraient comme responsables de l'observance des monastères dont ils avaient accaparé la direction. Séduit par la réputation de sainteté de Gérard, le duc de Lotharingie, Gislebert, le chargea vers 934 de rétablir l'observance à l'abbaye de Saint-Ghislain en Hainaut.

L'évêque de Noyon et Tournai, Transmar, qui s'inquiétait fort du sort des monastères de son diocèse, invita le comte de Flandre Arnoul 1er à prendre l'initiative de la réforme. Celui-ci fit appel à Gérard et lui confia d'abord Saint-Bavon de Gand dont les bâtiments furent reconstruits à partir de 937, puis le Mont-Blandin. Par une charte du 8 juillet 941, le comte rendit à cette abbaye une partie des biens saisis par ses prédécesseurs, mais en se réservant explicitement ainsi qu'à ses successeurs le droit de confirmer l'abbé élu par les moines. Ce droit, Arnoul eut soin de le revendiquer dans tous les monastères de ses États et en usa toujours, l'outrepassant même fréquemment en nommant directement ses candidats. Gérard ne semble pas avoir protesté contre cette usurpation passée dans les moeurs. Un siècle plus tard les réformateurs repousseront avec force une telle sujétion et - détail piquant - les moines du Mont-Blandin saliront de taches d'encre, pour les rendre illisibles, les passages de la charte mentionnant les droits des comtes. Les libertés que l'évêque Transmar rendit à son tour à l'abbaye (942) étaient loin d'équivaloir à une exemption.

Gérard n'était donc pas en avance sur son temps, il était compris et estimé du comte et de l'évêque qui l'invitèrent à continuer son oeuvre. Le 15 avril 944, Arnoul l'envoyait à Saint-Bertin dont il venait de chasser les moines réfractaires, mais la population prenant parti pour les exilés, le comte dut les rappeler. Ils se montrèrent aussi indisciplinés, et finirent par s'enfuir en Angleterre. Rapidement l'observance refleurit et Gérard put abandonner son titre d'abbé de Saint-Bertin à son neveu, dont les maladresses ne ruinèrent pas l'esprit qu'il avait apporté. Le comte maintenant lui confiait Mouzon et SaintAmand, tandis que ses disciples gagnaient la Normandie: Saint-Wandrille, le Mont-Saint-Michel, Saint-Ouen de Rouen, et que saint Dunstan, le futur archevêque de Cantorbéry réfugié au Mont-Blandin, apprenait à estimer le monachisme continental.

D'après son biographe, Gérard aurait effectué un voyage à Rome. Nous ne savons exactement ni la date, ni les motifs, ni les résultats, ni même s'il a eu lieu. Quoi qu'il en soit, il ne saurait être assimilé à une démarche préparant une nouvelle législation; un pèlerinage était plus dans la manière du saint, qui dut sans doute juger que l'incident le plus important avait été celui que rapporte son biographe : le sauvetage miraculeux d'une charrette qui aurait roulé dans un ravin des Alpes, entraînant son conducteur et de précieuses pierres de porphyre destinées à embéllir l'église de Brogne.

En 953, Gérard renonça à son titre d'abbé du Mont-Blandin et rentra dans son petit monastère de Brogne, uniquement désireux de se sanctifier dans le silence. Il avait cumulé plusieurs abbayes, sans avoir d'autre idéal que d'y créer et d'y maintenir la régularité. Il n'avait jamais songé à les fédérer et, en les quittant, il ne voulait pas garder sur elles d'autre autorité que celle que lui valait son renom d'ascète et de saint. Il exigeait seulement des moines la ferveur et, comme aucun coutumier écrit sous son inspiration ne nous est parvenu, on ignore sa conception de la vie bénédictine; dérivée de celle de saint Benoît d'Aniane, elle était certainement assez éloignée de l'idéal clunisien qu'il ne semble pas avoir connu. Son influence ne doit pourtant pas être minimisée : en relevant l'idéal monastique, Gérard préparait sans s'en douter le terrain favorable à l'éclosion de la grande réforme grégorienne.

La mort de Gérard fut celle de l'homme doux et conciliant qu'il avait toujours été: sentant sa fin approcher, il ordonna de sonner la cloche de l'abbaye et s'éteignit doucement le 3 octobre 959.

A la fin de 1131 l'évêque de Liège, Alexandre de Juliers, vint procéder à l'élévation du corps de saint Gérard en présence du comte Godefroid de Namur, de la noblesse locale et d'une grande foule. Cette élévation solennelle (demandée par le pape de Rome) est l'équivalent d'une canonisation régulière. Baronius, à la suite de divers réviseurs d'Usuard, plaça Gérard au martyrologe romain.

Depuis le 17ième siècle, Brogne a changé son nom en Saint-Gérard.

Bibl. - Vita (Biblioth. hag. lat., n, 3423), écrite entre 1050 et 1070 Mabillon, Acta sanct. ord. S. Bened., saec. 5, p. 252-276; Acta sanct., 3 octobre, t. 2, p. 300-318; Mon. Germ. hist., Script., t.15, p. 655-673. La Vita est un remaniement d'une autre, perdue, composée entre 959 et 976; sa valeur est médiocre. - Translatio S. Eugenii (Biblioth. hag. lat., n. 2689), écrite entre 935 et 937 : Anal. boll., t.3, 1884, p- 29-54; variantes et commentaires de dom G. Morin, ibid.; t. 5, 1886, p. 385-394;. extraits dans Mon. Germ. hist., Script., t. 15-2, p. 646-652. La Translatio est une des sources de la Vita, mais a une tout autre valeur et son témoignage doit toujours être préféré, puisqu'il émane d'un contemporain. - Sermo de adventu et transiatione (Biblioth. hag. lat, n. 2692), composé aussi au 10ième siècle, la fin seule éditée dans Anal. boll., t. 5, 1886, p. 395. - Acta sanct., 3 octobre, t. 2, p. 220-320. - U. Berlière, Monasticon belge, t. 1, p. 28-32; Etude sur la "Vita Gerardi Broniensis", dans Rev. bénéd., t. 9, p. 157-172. - A.-M. Zimmermann, Kalend. bened., t. 3, Metten, 1937, p. 132-135. - F. Baix, dans Dict. d'hist. et de géogr. eccl., t. 10, 1938, col. 81 8-819. - E. Sabbe, Deux points d'hist. de l'abbaye de S.-Pierre du Mont-Blandin, 1, A propos d'un passage inédit d'une charte d'Arnoul 1er, comte de Flandre, dans Rev. bénéd., t. 47, 1935, p. 52-62. - P. Schmitz, Hist. de l'ordre de S. Benoît, t.1, 1942, p. 150-151. - E. de Moreau, Hist. de l'Église en Belgique, t.2, 1945, p. 142-154. - S. Couneson, La canonisation de S. Gérard de Brogne en 1131, dans Rev. liturgique et monastique, t. 16, 1931, p. 298-302. - Le petit nombre des documents, parmi lesquels on compte bien des faux, empêchera toujours de cerner précisément la personnalité de Saint Gérard.

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