O profondeur de la puissance de la sagesse et de la science de Dieu ! Vos desseins, ô Dieu, sont impénétrables et vos pensées sont insondables (Rom 11, 33).

Ci-contre : bas relief de la façade (XVIIIe s.) de l’église du Saint-Sacrement à Liège (anciennement église des chanoines Augustins) représentant saint Augustin tenant la plume : à ses pieds une de ses œuvres majeures : le « De Trinitate » et l’enfant qui voulait vider la mer dans un trou de sable avec un coquillage

Il y a dans notre religion beaucoup de mystères, mystère de l’Incarnation, mystère du Saint Sacrement de l’autel, accord de la grâce divine avec la libre volonté humaine, etc. Mais le plus grand de tous les mystères, c’est celui de la Très Sainte Trinité. C’est bien là le mystère des mystères, le plus grand objet de notre foi, le fondement et le couronnement de toute vérité révélée.

1. L’objet du mystère de la Sainte Trinité

Ce grand mystère, que propose-t-il à notre croyance ?

Qu’il y a en Dieu trois personnes. Que chacune des trois personnes est Dieu ; que chacune des trois personnes est indépendante et réellement différente des autres, si bien que nous pouvons, en priant, nous adresser à l’une ou l’autre séparément. Pourtant ce ne sont pas trois dieux, mais un seul Dieu, une seule et même nature et essence divines.

Ils sont trois qui rendent témoignage au ciel : le Père, le Verbe (c’est-à-dire le Fils) et l’Esprit Saint ; et ces trois ne font qu’un (Jn 5, 7).

 2. L’insondabilité du mystère

Ce mystère de la Sainte Trinité est un mystère dans le sens le plus absolu, c’est-à-dire un mystère que l’esprit humain n’aurait jamais découvert par lui-même si Dieu ne le lui avait révélé, et que l’esprit de l’homme, même après cette révélation, ne peut aucunement comprendre.

Saint Antoine a dit : « Quand il s’agit de ce mystère, toute voix créée se tait, non seulement la mienne et celle de tous les hommes, mais celle des anges elle-même ».

Nous pouvons tout au plus, nous appuyant sur la révélation, tenter de donner quelques comparaisons, quelques images de ce profond mystère. Nous pouvons par exemple employer la comparaison du soleil ; nous trouvons en lui la lumière solaire, l’éclat et la chaleur et pourtant cela ne fait qu’un seul astre. Ainsi dans la Trinité, trois personnes distinctes mais un seul Dieu.

Une autre comparaison : l’âme humaine. Elle a trois facultés différentes : la mémoire, l’intelligence et la volonté ; et cela ne fait qu’une même âme.

Ou l’image que l’instituteur utilisait pour nous expliquer – à la troisième classe de l’école primaire dans mon village – la Très Sainte Trinité. Il prenait trois allumettes et les allumait ensemble : trois allumettes et une seule flamme. Et moi, j’étais persuadé de comprendre le grand mystère de la Trinité.

Ou encore l’image employée par saint Augustin. Notre être peut se manifester de trois façons diverses et indépendantes. D’abord nous pouvons nous comprendre nous-mêmes, nous réaliser, nous connaître, reproduire pour ainsi dire devant les yeux de l’intelligence comme un autre nous-même. Mon être qui pense et l’image de Dieu le Père qui crée ; l’être imaginé, vu par mon être, l’être pensé serait l’image du Fils. Entre l’être qui pense, connaît et l’être qui est pensé, naît l’amour de soi qui est l’image, très faible il est vrai, du Saint Esprit, amour du Père et du Fils, amour devenu personne entre le Père et le Fils, procédant du Père et du Fils.

Malgré toutes les images, tous les symboles, toutes les comparaisons, la Sainte-Trinité demeure le mystère le plus insondable. On connaît le beau récit de saint Augustin : un enfant essayant de verser dans une cavité minuscule, creusée sur la plage, toute l’eau de l’océan immense. Il serait plus aisé de réaliser cette chose impossible que de comprendre le grand et profond mystère de la Très Sainte Trinité.

Il convient donc de s’écrier avec le Livre de la Sagesse : C’est à peine si nous comprenons les choses de la terre et si nous arrivons à scruter le mystère des objets que nous avons sous les yeux ; qui donc pourrait explorer les choses du ciel. Qui pourra saisir quelque chose de vous, ô Dieu, si vous ne lui accordez votre secours, si vous ne lui aidez par votre sagesse, si vous ne lui envoyez votre Esprit d’en-haut ! (9, 16-17).

Nous pouvons dire aussi avec saint Paul : Ô profondeur de la puissance, de la sagesse et de la science de Dieu ! Impénétrables sont ses desseins, insondables sont ses pensées ! Qui pourra saisir l’être de Dieu ? Qui pourrait lui donner un conseil ? Qui pourrait lui offrir quelque chose qu’il n’ait au préalable reçu de Lui ? De Lui et par Lui et pour Lui sont toutes choses. À Lui l’honneur et la gloire dans tous les siècles (Rom 11, 33-36).

Celui qui veut scruter la majesté de Dieu sera écrasé par sa puissance (Prov. 25, 27).

3. L’importance de ce mystère pour nous

Quelle est l’importance de ce mystère pour le bien de notre âme ? Le fruit en est important et multiple.

a) Par la foi en la Très Sainte Trinité, nous avons devant les yeux notre vrai but, notre fin. Le Dieu trois fois saint, c’est la fin de l’homme. Il sera l’objet de notre vision et de notre joie éternelle. C’est pourquoi nous devons dès cette vie, tâcher de connaître la Sainte Trinité et lui rendre nos devoirs d’adoration et d’amour. Au ciel n’y aura-t-il pas l’adoration ininterrompue devant le Dieu en trois Personnes ; et ne faut-il pas que cette adoration commence en cette vie.

b) Sans la révélation de la Sainte Trinité, l’homme aurait moins bien compris tout ce que Dieu a fait pour le salut de l’humanité. C’est par cette révélation que l’homme connaît un peu mieux son Dieu. Il sait comme les trois Personnes ont collaboré pour son salut ; il sait que le Père l’a créé, que le Fils l’a sauvé, que l’Esprit l’a sanctifié. Je ne vous appelle plus mes serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que je sais de mon Père, je vous l’ai fait connaître (Jn 15, 15).

c) La révélation du mystère de la Sainte Trinité nous rend humbles. Avec ce mystère on a connaissance de vérités très hautes qui dépassent notre faible intelligence ; nous saisissons la grandeur de Dieu ; nous sentons comme ses pensées sont infiniment plus hautes que les nôtres ; nous avons conscience de notre impuissance et de notre petitesse. Vous êtes grand, ô Dieu et inaccessibles sont pour notre esprit vos desseins et vos perfections (Jer 32, 1).

d) Le mystère de la Sainte Trinité nous porte à la vraie piété. Car Dieu est partout. Là où il y a un enfant des hommes, là est aussi la Sainte Trinité : Père, Fils et Saint-Esprit. Nous sommes un temple de la Sainte Trinité.

C’est pourquoi il faut adorer et glorifier la Sainte Trinité : Père, Fils et Saint-Esprit. Ne pas les offenser par le péché. Louée soit la Sainte trinité et l’indivisible Unité. Louons-la parce qu’elle nous a fait miséricorde (Introït). À vous, Trinité, louange, amour, honneur !

Vouer toute sa vie à la Sainte Trinité. Au commencement de notre vie, nous avons été placés sous la protection des trois Personnes divines ; à la fin de notre passage vers cette terre, le prêtre nous recommandera de nouveau à la Sainte Trinité, en disant : Partez, âme chrétienne, quittez ce monde au nom de Dieu, Père tout-puissant qui t’a créée ; au nom de Jésus-Christ qui a souffert pour toi ; au nom du Saint-Esprit qui t’a été envoyé…

L’existence qui est entre ces deux grandes invocations, plaçons-la donc aussi sous la protection des Trois Personnes. Que toute notre vie exprime cette louange : Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Que toute notre vie soit une offrande de louange (secrète).

Ô profondeur de la puissance, de la sagesse et de la science de Dieu ! Adorons donc ce mystère, qui est le plus grand de tous ceux de notre foi. Servons la Très Sainte Trinité afin d’arriver à l’éternelle vision où elle nous sera totalement révélée.

Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ et l’amour de Dieu notre Père et l’Union avec Dieu le Saint-Esprit soient avec vous tous ! (2 Cor 13, 13).

 Homélie de la Trinité

P. Jos Vanderbruggen, o.praem. (St-Lambert Verviers)