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L’interview-testament du Cardinal Martini: une manipulation ?

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Sur le site de “La Vie”, Jean Mercier et Samuel Bleynie posent en tout cas les bonnes questions au sujet de ce buzz médiatique:

Atteint de la maladie de Parkinson depuis de nombreuses années, le cardinal Martini avait pris sa retraite à Jérusalem. Il était revenu en Italie, près de Milan, en 2008 afin de se faire soigner. Son état n'avait ensuite fait qu'empirer ces derniers mois et il était fortement diminué. Il terminait dans la paix une vie riche et pleine.

Surprise : le lendemain même de la mort du cardinal, samedi 1er septembre, le Corriere della Sera publie un entretien posthume dans lequel le défunt interpelle vigoureusement l'institution. Interview reprise dans de nombreux medias, qui l'ont résumée par l'une de ses phrases choc : « L'Eglise a 200 ans de retard ! ». L'interview a été recueillie le 8 août dernier (soit 23 jours avant le décès) dans la maison de soins de Gallarate, par le jésuite autrichien Georg Sporschill, auteur d'un livre d'entretiens avec le cardinal Martini intitulé « Le Rêve de Jérusalem » (2008, édition française en 2009), et par Federica Radice Fossati, qui a joué le rôle d'interprète. Dans cette interview, il répond de façon détaillée à quatre questions sur la situation de l'Église catholique, préconisant des solutions radicales.

Reprenant la parabole du jeune homme riche qui renonce avec tristesse à suivre Jésus, il dénonce une Église « fatiguée dans l'Europe de l'abondance et en Amérique ». Pour remédier à cette situation il appelle le pape et les évêques à « chercher douze personnes hors du commun pour les postes de direction » afin de « raviver la flamme de l'amour ». Il poursuit son discours par trois conseils : se convertir en prenant un « chemin radical de changement, à commencer par le pape et les évêques », se recentrer sur la parole de Dieu et repenser les sacrements, non pas comme « des instruments de discipline, mais comme un secours pour les hommes dans les moments de cheminement et dans les faiblesses de la vie ». Tout en regrettant l'immobilisme et la peur de l’Eglise catholique, il conclut en s'adressant directement à chacun d'entre nous : « Et toi, que peux-tu faire pour l'Église » ?

Première question : le cardinal a t-il vraiment pu s'exprimer de façon aussi construite et abondante trois semaines avant sa mort, alors qu'il était presque aphone selon certaines sources ? Depuis quelques années, il peinait à répondre aux interviews. Le vaticaniste Andrea Tornielli, qui l'avait interrogé en décembre 2011 n'avait pu obtenir que des réponses laconiques. Interrogé par nos soins, le père Georg Sporschill a évoqué un cardinal Martini se donnant « beaucoup, beaucoup de mal pour l'entretien, car sa voix était devenue très faible”, l’interprête ayant du se placer tout près de lui pour recueillir ses paroles. L'évêque émérite de Milan aurait même voulu que ses interlocuteurs restent avec lui « toute la journée ». Ils ont célébré ensemble l’eucharistie, nous a dit le Père Sporschill.

Deuxième question : le cardinal était-il dans l'état d'esprit d'un discours aussi « politique » sur l'état de l'Eglise? Si le Martini des années 2000 est bien présent dans cette interview, celui des derniers mois avait fait surgir un autre visage, davantage tourné vers la vie éternelle. Interrogé sur sa manière de vivre sa maladie en décembre 2011, il disait que son plus grand bonheur était de se retrouver devant le Saint Sacrement. En juin 2012, arrêtant sa chronique pour le Corriere, il déclarait « Le moment est venu pour moi de me retirer des choses terrestres et de me préparer à l'avènement du Royaume ». Déjà en 2008, dans « Le rêve de Jérusalem », il confiait : « j'ai rêvé d'une Eglise de la pauvreté et de l'humilité (...). Mais aujourd'hui, je n'ai plus ces rêves : après 75 ans, j'ai décidé de prier pour l'Eglise ». Interrogé à ce sujet, le Père Sporschill répond ceci : “ Je ne doute pas de la profonde union du cardinal avec Dieu. Mais son combat pour l'Eglise comptait beaucoup. La clé de compréhension se trouve dans sa dernière phrase : "Que peux-tu faire pour l'Eglise ?". Servir l'Eglise, il le voulut jusqu'à son dernier souffle. Et donner voix aux besoins des hommes."

Troisième question : est-il vraiment raisonnable de recueillir les dernières volontés d'un homme extrêmement diminué ? Pierre de Charentenay, jésuite et rédacteur en chef de la revue Etudes, s'interroge sur le bien-fondé d'un entretien avec un homme aussi affaibli que l'était le cardinal : « Faire parler un mourant, c'est suspect.»  De son côté, le Père Sporschill dément tout abus de faiblesse : “Son esprit était clair, comme toujours, comme lorsque nous avons fait les Conversations nocturnes à Jérusalem (ndlr : paru en français sous le titre Rêve à Jérusalem, en 2009). Le cardinal a lu la transcription de l'entretien et l'a accepté, nous a dit son secrétaire dans les jours qui ont suivi.”

Quatrième question : est-il vraiment utile, à l'heure du deuil, de créer l'émoi médiatique avec des propos à portée polémique, en lieu et place du silence ou de l'action de grâces, et au risque de figer Carlo Maria Martini dans un rôle de contestataire prophétique ? S’il a effectivement incarné la tendance réformiste dans l'Eglise, le cardinal a toujours regretté qu'on l'enferme dans la posture de l'opposant progressiste, comme les médias s'y employaient parfois. Il soulignait, ces dernières années, son estime pour Benoît XVI. Le pape avait tenu à le rencontrer en privé lors de sa visite en terre milanaise, en juin. Ce cri posthume, fidèle à la pensée critique et à la spiritualité du cardinal défunt, semble néanmoins le caricaturer au risque de faire oublier son immense stature de bibliste et de théologien.

Interrogé sur le "timing" de la sortie du texte, le père Sporschill s’abrite derrière le secrétaire du cardinal, le père Damiano Modena, qui, selon lui, ne “voulait pas l'embêter, avant son départ, avec la question de la publication”.

Dans un article du Corriere della Sera paru le 4 septembre, Federica Radice Fossati raconte les coulisses de son interview. Présentée par le quotidien milanais comme « une des personnes qui, ces dernières années, ont été les plus proches du cardinal », cette mère de famille vivant à Vienne (Autriche) explique s'être rendue le 8 août à Gallarate en compagnie du père Georg Sporschill. Après la messe concélébrée par le cardinal Martini et le repas, elle relate une conversation où le cardinal, malgré la fatigue, « continuait à parler, aller de l'avant. J'étais stupéfaite (...) Nous pensions discuter dix minutes et nous avons continué pendant deux heures, le père Sporschill en allemand, le cardinal en italien, et moi, une femme laïque, qui traduisait et me retrouvait témoin de ce dialogue entre deux grands jésuites ».

Federica Radice Fossati rapporte être ensuite retournée à Gallarate le 23 août après avoir envoyé la version écrite de l'entretien (qu’elle a traduite en italien d’après la version éditée en allemand par le père Sporschill), texte que “le cardinal avait lu et approuvé” . Elle poursuit : « Ce jour-là, don Damiano m'a dit : “le texte est magnifique mais très fort, nous le publierons après sa mort”. Nous étions tous conscients que c'était une sorte de testament. Et déjà nous savions que c'était une question de jours.».

Selon nos informations, le cardinal Martini aurait effectivement eu connaissance du texte, mais n’aurait fait aucun commentaire. Le père Modena, qui n'avait pas participé à l'interview proprement dite, aurait effectivement manifesté son enthousiasme à la lecture du texte, sans qu’une date de publication soit spécifiquement arrêtée.”

Ici: Quelques questions sur l'interview posthume du cardinal Martini 

Commentaires

  • Y a-t-il eu effectivement manipulation ? Il faut rester vigilant et chercher au plus vite de nouveaux éléments. Il se peut que certains tentent de manipuler.. Un homme mort !

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