En réponse à une "opinion" de Marc Uyttendaele parue dans la Libre le 20 novembre dernier, une réponse du Père Charles Delhez a été publiée dans le même journal le 4 décembre. Le constitutionnaliste, dont les opinions philosophiques sont bien connues, soutenait une proposition d'Olivier Maingain visant à inscrire la laïcité dans notre Charte fondamentale; il précisait que "le principe de laïcité implique une césure radicale entre l'Etat et les églises". Nos visiteurs savent que nous formulons parfois des réserves à l'égard des positions du Père Delhez; cela ne nous empêche pas de saluer son intervention :
Non, M. Uyttendaele, tous les Belges ne souhaitent pas "une césure radicale entre l'Etat et les églises", qui confine au rejet.
Non, M. Uyttendaele... tous les Belges ne souhaitent pas un État laïque, du moins au sens où vous l’entendez, c’est-à-dire "une césure radicale entre l’État et les églises", qui confine au rejet. Les croyants ne veulent pas devenir schizophrènes. Certes, une distinction est à maintenir entre le public et le privé, mais la césure n’est pas radicale. La religion se décide désormais - et heureusement - à l’intime de chacun, sans pression sociétale mais, pour ceux qui adhèrent à une foi, elle est autre chose qu’un sport parmi d’autres. Elle façonne toute leur personne. Ils ne peuvent donc laisser au vestiaire leurs convictions religieuses qui entraînent nécessairement une vision de l’homme (tous les humanismes ne sont pas identiques) et certaines valeurs. Toute vraie démocratie doit leur permettre de s’exprimer, et même rendre possible leur expression.Je souhaite donc, non pas une Belgique laïque, comme la France l’entendait il y a un siècle, ni une Belgique neutre, mot qui évoque une manière d’ignorer, mais une Belgique impartiale. La religion ne devant jamais être source de privilèges ou instrument de pouvoir, il n’y a pas lieu en effet d’en avantager une ou de lui donner une place politique en tant que religion. Mais il ne peut être question de considérer les croyants comme des citoyens de seconde zone. Hélas, en Belgique, dès que l’on perçoit une dimension philosophique derrière un événement, les autorités politiques - parfois malgré leurs propres convictions - se doivent de le bouder. Ceux qui crieront fort pour dénoncer la non-neutralité couvriront la voix de ceux qui se contentent de parler sur un ton respectueux.Mais de qui a-t-on peur ? Les catholiques - je ne peux parler qu’en leur nom, mais à titre personnel - n’ont aucune velléité de restauration. L’institution Église a mis du temps à accepter la démocratie et la séparation de l’Église et de l’État. Est-ce une raison pour que les institutions politiques tardent à comprendre l’importance de la dimension spirituelle et religieuse ? Le défi est la juste articulation de ces deux sphères, publiques toutes deux.Aujourd’hui, l’être humain est de plus en plus réduit à un homo œconomicus, selon le titre du dernier livre de Daniel Cohen. Il vaut soit pour sa capacité de produire des biens, soit pour celle d’en consommer. Peut-on se résoudre à devenir unidimensionnel ? Le Nobel Christian de Duve, à distance de l’Église, n’a-t-il pas fait la une par son rappel que le message du Christ était une clé d’avenir ? Ceux qui s’en réclament méritent d’être entendus. J’aurais peur que, sans s’en rendre compte, nous donnions raison à Machiavel qui constatait que, "pour maintenir l’État, le prince était souvent obligé d’agir contre les lois de l’humanité, de la charité et de la religion" (Le Prince, chapitre 18).La Constitution de 1830 n’est pas laïque. Le régime des religions est, chez nous, celui d’une "liberté protégée" : l’État belge reconnaît les cultes selon leur utilité sociale. Hélas, actuellement, on se contente d’entretenir des bâtiments, à condition que les gens n’en sortent pas, et les ministres du culte, à condition qu’ils se taisent ! Je force, bien sûr, mais je me demande sincèrement si nous sommes encore dans l’esprit de la Constitution qui donne à chacun le droit d’un "exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière " (article 19) ?"Il semble qu’à l’heure actuelle, le principe de neutralité tend à se construire en tant qu’argument politique visant à rejeter toutes formes d’expression d’identités culturelles et religieuses ‘autres’ ", a pu écrire Corinne Torrekens. Et chez nous, aux yeux de beaucoup de politiciens, le christianisme est devenu autre. Pourtant, ils sont toujours nombreux à se référer à ses valeurs. La religion n’est pas qu’un culte. Elle est aussi une passion pour l’Homme.
Commentaires
Il est évident que les déclarations peu rassurantes des élus du parti "Islam" au sujet de la Sharia apportent de l'eau au moulin des laïcistes acharnés, pour ne pas dire enragés, dont fait partie Mr Onkelinckx (pardon, Me Uyttendaele), et qui ne font aucune différence entre les religions et leurs valeurs. En tout cas, merci au père Delhez d'être courageusement monté au créneau. Face à ces attaques qui ne feront sans doute qu'empirer, les Chrétiens ont plus intérêt à se serrer les coudes qu'à se quereller.
Le P. Charles Delhez s'est exprimé à titre personnel, mais je signerais volontiers son intervention. Les ennemis de Dieu et de toute religion (hormis la religion maçonnique) sont experts en entortillements sémantiques : neutralité, séparation, laïcité sont devenus les noms du bâillonnement, de l'ostracisme voire de la persécution. Les temps à venir exigeront des martyrs, càd de vrais témoins. Soyons prêts et relevons la tête.