Le débat en France sur la fin de vie - Ferdinando Cancelli - Osservatore Romano
Quel est le véritable enjeu
Dans les débats bioéthiques, on assiste souvent à l'opposition radicale entre les défenseurs de l'« éthique de la vulnérabilité » et ceux de l'« éthique de l'autonomie », pour reprendre les paroles du sénateur français Jean Leonetti. Le quotidien « La Croix », dans un climat de nouvelle agitation en France sur les propositions d'une éventuelle révision de la loi sur la fin de vie, suggère deux façons de sortir de cette impasse stérile.
La première est celle d'offrir un instrument qui permette de comprendre en termes simples mais précis les définitions des thèmes en question: Fin de vie. Les clés du débat est un e-book qui affronte en dix chapitres tous les thèmes principaux des délicates questions cliniques et éthiques liées à la maladie incurable. La loi en vigueur, les concepts de dignité et de liberté, les limites de l'assistance hospitalière, les dilemmes suscités par les progrès de la médecine, les perspectives futures sont quelques-uns des arguments traités de façon concise, mais riche de suggestions pour des lectures d'approfondissement.
Chaque chapitre est suivi par le témoignage de conjoints ou de personnel médical directement engagé dans l'assistance à un malade parvenu à la phase finale de sa vie. La lecture est riche de chiffres sur lesquels réfléchir: parmi ceux-ci l'étude du docteur Edouard Ferraud, responsable d'une unité de soins palliatifs, conduite en 2008 dans 613 différents services hospitaliers français qui fait apparaître, par exemple, que seul 35% des infirmiers avaient jugé « acceptables » les conditions des décès dans leurs services et que sur 3793 patients décédés à l'hôpital, seuls 24% avaient eu quelqu'un à leurs côtés au moment de la mort. Ces données correspondent, selon le docteur Ferraud, à « une absence parfois quasi-totale de culture palliative dans un grand nombre de structures hospitalières ». Une seconde façon de surmonter l'impasse est celle proposée avec une extrême lucidité par le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, dans un entretien publié sur « La Croix » du 5-6 janvier et repris presque entièrement par « L'Osservatore Romano » du 6 janvier. Pour conjurer l'idée selon laquelle l'unique façon de s'approprier de sa propre mort est de « demander l'acte qui tue » il faut trouver – affirme le rabbin – « une tout autre façon d'être sujet, celle qui consiste à être lucide, responsable, conscient. Préparer sa mort, oser interpeller ses médecins à propos de ses peurs, laisser à ceux qui vont rester une parole de vie, une parole de bénédiction qui les aident à vivre sans nous ».
« Et puis – continue Bernheim – il est difficile de mourir dignement, lorsqu’on est pris dans une conspiration du silence, lorsque nos plus proches, dans l’angoisse, assistent impuissants et muets à notre lente disparition. Lorsqu’ils ne peuvent pas ou ne veulent pas nous accompagner. Comment se mettre en paix avec soi-même et les autres, dire au revoir, transmettre quelque chose de soi et de son expérience de vie, si tout le monde prend la fuite ou fait comme si on n’allait pas mourir? La façon dont nous quittons ce monde dépend autant de la façon dont nous avons vécu que de l’attitude de ceux qui nous entourent ». Les deux voies proposées, en apparence si diverses, sont en réalité étroitement liées entre elles. En effet, comment un malade pourra-t-il « préparer sa mort », « interpeller ses médecins », surmonter la « conspiration du silence » ou, d'autre part, un professionnel de la santé ne pas fuir ou ne pas faire semblant que la mort n'est pas proche si ce n'est en comprenant exactement les définitions et la portée clinique, éthique et humaine des problèmes en jeu? Trop souvent, les malades et leurs familles ne disposent pas des élément fondamentaux pour comprendre ce qui se passe et pour être « lucides, responsables et conscients » et donc pleinement « sujets » dans des moments si dramatiques. Et les mêmes éléments manquent trop souvent également à certains de ceux qui en affrontant peut-être publiquement ces thèmes, finissent par influencer de façon erronée les consciences des autres. Le risque est que ces derniers nient aux premiers la possibilité de vivre jusqu'à la fin et de « laisser à ceux qui vont rester une parole de vie ».
Commentaires
Il est évidemment hors de question de transformer tous les mourants en "hibernatus" en attendant un hypothétique progrès de la science qui pourrait les "guérir". Et même si Jésus lui-même a ressuscité Lazare, il ne lui a pas accordé l'immortalité. Il faut bien mourir de quelque chose, c'est notre destinée dans l'attente de la Vie Eternelle qui nous est promise.
Mais méfions-nous quand même des dérives où on pourrait en arriver à "euthanasier" des personnes pour des raisons purement économiques (Si l'état ou la famille ne pourrait plus subvenir financièrement à leurs besoins...). Souvenons-nous ici en particulier de l'action de la Bienheureuse Mère Teresa.