Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

François et les pauvres : non à une lecture idéologique

IMPRIMER

On ne peut manquer de remarquer l'attention accordée par le pape aux pauvres et à tous les laissés pour compte. Il nous semble que cet engagement, marqué par des gestes forts comme sa visite à Lampedusa ou dans une favela de Rio de Janeiro, est en totale conformité avec l’Évangile et avec l'exemple laissé par de grandes figures de l’Église telles que François d'Assise, Vincent de Paul, Don Bosco et, plus récemment, Mère Térésa. Pourtant, voilà qu'une lecture idéologique vient troubler ces eaux limpides et susciter le débat.

Ainsi, « à gauche », on se sent obligé d'y voir un choix du pape en rupture avec les pontificats précédents et un "ralliement" de François à « l'option préférentielle en faveur des pauvres » dénonçant les mécanismes d'un système économique générateur de pauvreté et d'inégalité. Et de faire référence aux articles (2 et 4) adoptés par la Compagnie de Jésus lors de sa 32ème congrégation générale à l'époque où Pedro Arrupe était préposé général de l'ordre. Et parfois aussi à la théologie de la libération à laquelle Jorge Bergoglio n'a pourtant jamais adhéré alors qu'il plaidait en faveur d'une non-politisation de son ordre (ce qui lui a d'ailleurs été reproché en allant même jusqu'à incriminer une prétendue collusion avec la dictature argentine) (voir ICI).

Dans les Exercices spirituels, « saint Ignace invite à « vouloir et choisir la pauvreté avec le Christ pauvre » (no 167). Lui qui venait d’une famille riche et aristocratique du pays Basque, il a voulu devenir « l’ami des pauvres » et « porter l’uniforme du Christ pauvre ». Il écrira, dans une lettre à ses confrères datée 6 août 1547 : « Le pauvre est si grand devant Dieu que Jésus Christ a été envoyé sur terre spécialement pour eux. » Ainsi, avec ses premiers compagnons, à Rome, Ignace prendra soin des affamés et des sans-abris. Il s’engagera dans la fondation d’orphelinats et d’un refuge pour femme : la Casa Santa Marta. » (source)

Pour sa part, l'enseignement de l'Eglise, développé dans les grandes encycliques sociales, a toujours dénoncé les abus du système libéral et capitaliste qui génèrent l'exploitation, la misère, l'injustice, et plaide pour la reconnaissance de la priorité de la personne humaine, de sa dignité et de ses droits. Il ne s'agit pas pour autant d'adopter ou de souscrire à des positions empruntées au marxisme comme ont été tentés de le faire certains tenants de la « théologie de la libération », y compris au sein de la Compagnie, mais à l'écart desquels le pape actuel s'est toujours tenu. Il nous semble donc malhonnête de vouloir amalgamer les prises de position du pape avec celles tenues par une frange controversée de l'Eglise auxquelles il n'a jamais souscrit.

A l'opposé, on perçoit aussi des réticences dans la mouvance catholique traditionaliste - souvent liée à un certain conservatisme social - effarouchée par un discours ressenti comme trop révolutionnaire et susceptible de semer le désordre. Cette valorisation de la pauvreté est soupçonnée de misérabilisme et dénoncée comme allant de pair avec un appauvrissement des formes extérieures de la papauté alors que, dans ces milieux, on est particulièrement attaché aux pompes et aux fastes de l'Eglise romaine. De là à dénoncer les discours et les attitudes du pape en l'accusant plus ou moins ouvertement de favoriser les courants « progressistes », il n'y a qu'un pas que certains s'empressent de franchir allègrement.

Chez les uns et chez les autres, il faut donc, nous semble-t-il, dénoncer une lecture idéologique de l'engagement du pape en faveur d'une Église pauvre proche des pauvres alors que, ce faisant, il se conforme à l’Évangile, à l'exemple donné par les grands saints, ainsi qu'à la ligne définie par le fondateur des jésuites. Ne sent-on d'ailleurs pas confusément que ce n'est qu'au prix d'un très grand effort de conversion, individuel et ecclésial, que l’Église retrouvera sa crédibilité? Et cet effort de conversion passe par un travail de dépouillement et de prise de distance à l'égard des biens matériels qui ne sont là que pour être partagés.

Y.W.

Commentaires

  • Ne faut-il pas plutôt distinguer entre avoir un « cœur de pauvre » ou avoir un « cœur de riche » ? Quelqu'un qui est aujourd'hui riche matériellement, mais qui a un cœur de pauvre, peut bien perdre demain tout ce qu'il a, il ne deviendra pas malheureux et aigri. Par contre, quelqu'un qui est aujourd'hui pauvre matériellement, mais qui a un cœur de riche, ne sera jamais heureux. Et tout ça à l'avenant. Quelqu'un qui est aujourd'hui riche à millions, mais qui a un cœur de riche, ne sera pas heureux tant qu'il saura qu'il y en a d'autres qui sont riches à milliards.
    .
    Perdre Dieu, perdre sa richesse spirituelle, voilà ce qui est la plus grande pauvreté. Pourquoi ne nous soucierions pas surtout des « pauvres spirituellement parlant », de tous ceux qui ont un cœur de riche, qu'ils soient pauvre ou riches matériellement ? Se soucier des « pauvres », n'est-ce pas aussi se soucier du milliardaire qui perd son âme à amasser de plus en plus ? N'est-ce pas à la limite plus urgent qu'aller vers celui qui est pauvre matériellement mais riche spirituellement ?

  • Merci pour cette excellent commentaire : Soyons riches spirituellement. Cette richesse-là, personne ne pourra jamais venir nous l'enlever.

  • Merci, merci pour ces paroles de paix et de vérité!

  • Lors de son récent voyage au Brésil, à l’occasion des JMJ, le pape François a défini publiquement quatre catégories d’attitudes qu’il réprouve parmi les catholiques:
    La réduction socialisante, “une prétention interprétative sur la base d’une herméneutique selon les sciences sociales". Elle recouvre les champs les plus variés : du libéralisme de marché aux catégories marxistes ;
    L’idéologisation psychologique. Il s’agit d’une approche “élitiste” qui réduit la rencontre avec le Christ à une dynamique d’auto-connaissance, sans transcendance ;
    La proposition gnostique, celles des réformistes inspirés des “Lumières” . Le pape a ainsi expliqué qu'il recevait, depuis le début du pontificat, des lettres de fidèles l'engageant à "marier les curés et ordonner les bonnes soeurs", mais que la réforme nécessaire de l'Eglise, selon lui, ne se situait pas là;
    La proposition pélagienne, celles des catholiques cherchant “une restauration de conduites et des formes dépassées” ou une "sécurité" doctrinale ou disciplinaire.
    Le champ et le débat qu’il a ainsi (r)ouverts transcendent, largement me semble-t-il, la seule attitude face à la “question sociale”. Chacun selon sa “sensibilité” peut y retrouver son petit péché favori, à défaut d’être mignon.

  • Je perçois quant à moi qu'il s'agit ici spécialement des pauvres en argent, des personnes qui manquent de l'essentiel, oui, c'est plus qu'urgent de trouver des solutions.
    Jésus insistait aussi sur la veuve et l'orphelin. C'est très pénible de perdre un conjoint, un père, une mère quand on est encore aux études, c'est une pauvreté aussi. Pas toujours perçue à sa juste mesure par les familles comblées. Mais les pauvres quelqu'ils soient : en argent, en facultés intellectuelles, morales, psychiques, en santé, en éducation, n'ont-ils pas eux-aussi à être dans l'obligation de donner ce qu'ils ont de meilleurs pour leurs frères et soeurs, pour la gloire de Dieu et le salut du monde comme Jésus le demandait.
    Ne devons-nous pas tous, à tous les niveaux, travailler le mieux possible, voire l'excellence ? même balayer la rue, nettoyer un trottoir, un appartement, laver et rapasser le linge, trier ses déchets, conduire un véhicule, nettoyer des groseilles pour un pâtissier , poser des pavés, peindre, monter des murs etc... La justice voudrait que le travail soit correctement fait pour un juste rapport des choses, me semble-t-il ...
    Sinon, c'est celui qui engage quelqu'un pour le payer et obtenir une exécution correcte du travail demandé qui sera pénalisé, au risque de devenir pauvres à son tour, si le travail a été bâclé et est à refaire !
    Je voudrais parler de la sanctification par le travail pour qu'il y ai moins de pauvres de toute sorte ...

Les commentaires sont fermés.