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La lettre du pape aux incroyants; François aurait-t-il trébuché dans la « cour des gentils » ?

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La traduction de la lettre du pape à Scalfari, et à travers lui aux incroyants, publiée dans le Repubblica, figure sur le site "Liberté politique".

Le site « Benoît et moi » publie la traduction française d’ une réflexion publiée en italien sur le site « Settimo Cielo » de Sandro Magister:

http://magister.blogautore.espresso.repubblica.it/2013/09/12/nel-gentile-cortile-di-la-repubblica/ 

Il n’y a pas, en effet, que le « buzz » suscité par les déclarations de  Mgr Parolin, son futur secrétaire d’ Etat, sur le célibat sacerdotal : voici que le pape François lui-même occupe à nouveau la scène médiatique « 
avec sa réponse par voie de presse à deux lettres ouvertes que le très laïc Eugenio Scalfari lui avait écrites dans "La Repubblica" : la première, le 7 Juillet, avec un titre qui ne présageait rien de bon:  Les réponses que les deux papes ne donnent pas  et la seconde le 7 Août:  Les questions d'un non-croyant au pape jésuite nommé François « 

Sandro Magister poursuit :

« Cette dernière lettre comportait notamment un passage qui attribuait au nouveau pape trois innovations très appréciées:"Votre mission comporte deux scandaleuses nouveautés: l'Église pauvre de François, l'Église horizontale de Martini. Et une troisième: un Dieu qui ne juge pas, mais pardonne. Il n'y a pas de damnation, il n'y a pas d'enfer. " Mais encore une fois exprimant du scepticisme: "Je ne pense pas que vous répondrez."

Voilà au contraire que la réponse est arrivée. Sans avertissement, parce que le pape François, de même qu'il décroche le téléphone et appelle qui et quand il veut, aime à faire pareil par écrit: > "Très estimé Docteur Scalfari” . La lettre à Scalfari du pape Jorge Mario Bergoglio, datée du 4 Septembre, a été publiée dans "la Repubblica", le 11 au matin et dans l'après-midi du même jour, "L'Osservatore Romano" l'a reproduite dans son intégralité: Parlons de la foi. Lettre à ceux qui ne croient pas (…). Particulièrement apprécié par le fondateur de la "Repubblicca" a été la réponse du pape François à la question «si une personne qui n'a pas la foi, ni ne la cherche, mais commet ce que l'Eglise appelle un péché, sera-t-elle pardonnée par Dieu des chrétiens?»: «Étant donné que - et c'est la chose essentielle - la miséricorde de Dieu n'a pas de limites, si on s'adresse à lui avec un cœur sincère et contrit, la question pour ceux qui ne croient pas en Dieu est d'obéir à leur conscience. Le péché, même pour ceux qui n'ont pas la foi, c'est quand on va contre la conscience. L'écouter et lui obéir, cela signifie, en effet, se décider face à ce qui est perçu comme bien ou comme mal. Et sur cette décision se joue la bonté ou la méchanceté de nos actions ».

Cette réponse du pape a tellement plu à Scalfari qu'elle lui a fait écrire tout de suite après: «Une ouverture vers la culture moderne et laïque de cette ampleur, une vision si profonde entre la conscience et son autonomie, on ne l'avait jamais entendu jusqu'ici de la chaire de saint Pierre»,  négligeant que sur la question de la conscience, Benoît XVI avait dit beaucoup plus. Se référant au cardinal John Henry Newman, le grand converti anglais béatifié lors de son voyage de 2010 au Royaume-Uni, le pape Joseph Ratzinger déclarait à ce propos (voeux à la Curie Romaine, décembre 2010):«En Newman, la force motrice qui le poussait sur le chemin de la conversion était la conscience. Mais qu’entend-on par cela ? Dans la pensée moderne, la parole « conscience » signifie qu’en matière de morale et de religion, la dimension subjective, l’individu, constitue l’ultime instance de la décision. Le monde est divisé dans les domaines de l’objectif et du subjectif. A l’objectif appartiennent les choses qui peuvent se calculer et se vérifier par l’expérience. La religion et la morale sont soustraites à ces méthodes et par conséquent sont considérées comme appartenant au domaine du subjectif. Ici, n’existeraient pas, en dernière analyse, des critères objectifs. L’ultime instance qui ici peut décider serait par conséquent seulement le sujet, et avec le mot « conscience » on exprime justement ceci : dans ce domaine peut seulement décider un chacun, l’individu avec ses intuitions et ses expériences. La conception que Newman a de la conscience est diamétralement opposée. Pour lui « conscience » signifie la capacité de vérité de l’homme : la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence – religion et morale – une vérité, la vérité. La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre. La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert. Le chemin des conversions de Newman est un chemin de la conscience – un chemin non de la subjectivité qui s’affirme, mais, justement au contraire, de l’obéissance envers la vérité qui, pas à pas, s’ouvre à lui. [..].Pour pouvoir affirmer l’identité entre le concept que Newman avait de la conscience et la compréhension moderne subjective de la conscience, on aime faire référence à la parole selon laquelle lui-même – dans le cas où il aurait dû porter un toast –, l’aurait d’abord porté à la conscience, puis au Pape. Mais dans cette affirmation, « conscience » ne signifie pas le caractère obligatoire ultime de l’intuition subjective. C’est l’expression de l’accessibilité et de la force contraignante de la vérité : en cela se fonde son primat. Au Pape, peut être dédié le second toast, parce que c’est son devoir d’exiger l’obéissance à l’égard de la vérité. ».(…)

Il n'est pas surprenant que l'argumentation "soft" de Bergoglio soit préférée par "la Répubblica" à celle "hard" de Ratzinger.

De la lecture de la correspondance, il émerge en somme que le pape François a conquis sans coup férir la forteresse du premier journal laïc italien, duquel ne s'élèvent désormais vers lui que des éloges. A la grande honte de ses concurrents.En effet, pour ne pas être en reste, le "Corriere della Sera", le même jour que la publication sur "la Repubblica" de la lettre du pape, a dû inventer l'impossible pour payer lui aussi un hommage au pape François. Il n'a rien trouvé de mieux que de défendre à épée tirée et en première page deux de ses nominations indéfendables, celle de Mgr Battista Ricca en prélat de l'IOR et celle de Francesca Immacolata Chaouqui en commissaire à la réorganisation de l'administration vaticane (…)

Sur la conscience "qui se mesure à la vérité", il est instructif également de relire cette autre citation de Ratzinger, tirée de l'homélie qu'il a prononcée quatre jours après la mort de Paul VI, le 10 Août 1978, dans la cathédrale de Münich dont il était alors Archevêque [1] (http://benoit-et-moi.fr/2013-II/benoit/une-homelie-inedite-de-joseph-ratzinger.html) (…) »

Ici : Dans la "gentille cour" de la Repubblica

Le mode de communication choisi par le nouveau pape comporte peut être des avantages pour capter la bienveillance des esprits du siècle, mais aussi de solides inconvénients pour exprimer la vérité sans la simplifier à l'excès. JPSC

___________________ 

NDT

[1] Monique me signale également: Il y a aussi des pages remarquables sur la conscience dans: Joseph Ratzinger, Discerner et agir, ed. Parole et silence. (p.190 à196 / p.204/ p.156).

 

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