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Saint Lambert, patron du diocèse de Liège (17 septembre)

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Buste-saint-Lambert.pngSa biographie par Godefroid Kurth (Biographie nationale T. IX pp. 143 et suiv., publiée par l'Académie royale des sciences, des lettres et des Beaux-arts de Belgique, Bruxelles, 1897). (source)

LAMBERT (Saint) , LANDBERTUS, LANTPERTUS, LANDEBERTUS, naquit à Maestricht pendant le second quart du VIIe siècle. Ses parents, qui étaient riches et chrétiens de longue date, semblent avoir fait partie de l'aristocratie de cette ville. Un remaniement de sa première biographie donne à son père le nom d'Aper, et à sa mère celui de Herisplendis ; mais le texte primitif de ce document ne nous a pas conservé leurs noms.

   Lorsqu'il eut atteint l'âge des études, son père le confia aux soins de saint Théodard, alors évêque de Maestricht, qui, comme tous les prélats de l'époque, dirigeait l'éducation des jeunes clercs de son diocèse. La cour royale siégeait parfois à Maestricht. Lambert eut l'occasion d'y vivre dans l'entourage du roi et d'y être remarqué de lui. On ne sait ce qu'il faut croire de l'assertion d'un écrivain du Xe siècle, d'après lequel son premier maître aurait été un prêtre romain du nom de Landoald (voir ce nom), qui aurait vécu quelque temps avec son disciple à Wintershoven, dans une ferme de ses parents, où des miracles auraient fait éclater les vertus de l'enfant. Ce qui est certain, c'est que, de bonne heure, Lambert paraît avoir eu un rang élevé dans le clergé de Maestricht, et y avoir rallié, grâce à sa famille et à ses qualités personnelles, un grand nombre, de sympathies. Lorsque, en 668 ou 669, saint Théodard périt assassiné dans le pays de Spire, ce fut Lambert qui, au dire de la Vita Theodardi, alla redemander ses ossements aux habitants de cette contrée.

Son premier voyage fut infructueux, mais il en fit un second ; et, cette fois, grâce à son éloquence et aussi à l'argent qu'il distribua, il obtint la permission de rapporter les cendres du saint dans son diocèse. Il les fit enterrer à Liège, nous dit le même document, sans nous faire connaître les raisons qui déterminèrent ce choix. Liège n'était encore à cette époque qu'une modeste bourgade ; mais il y existait, du moins à partir de cette date, un oratoire des saints Cosme et Damien. C'est probablement avant ces deux voyages que Lambert avait été nommé évêque de Maestricht, à la grande satisfaction du public, dont les voeux et les acclamations avaient devancé le choix fait par le roi Childéric II. Il était fort jeune encore, et tout au plus peut-on admettre qu'il avait atteint l'âge canonique de trente ans. On vivait à cette époque dans des troubles continuels : le conflit entre l'Austrasie et la Neustrie avait atteint sa phase la plus aiguë. Devenu maître du pays pour peu de temps, Childéric II tomba, dès 673, sous le poignard d'un assassin. Aussitôt Ebroïn redevint le maître de la Neustrie, poursuivit jusqu'en Austrasie les partisans du roi défunt, et contraignit à la fuite tous ceux qui lui avaient été attachés. Parmi les victimes de sa vengeance se trouva naturellement saint Lambert, qui dut abandonner son siège épiscopal, où la faction d'Ebroïn fit monter un prêtre du diocèse de Cologne, l'intrus Pharamond. Son exil dura sept années ; il les passa dans la méditation et dans la prière au monastère de Stavelot, où il s'était retiré accompagné seulement de deux des siens, et où il s'acquittait, comme un simple moine, de tous les devoirs de la vie monastique. Son biographe ne nous a conservé de cette période de son existence qu'un seul épisode, mais i1 est caractéristique: c'est l'histoire d'une pénitence que le saint fit en pleine neige, pendant une nuit d'hiver, au pied d'une croix où il avait été envoyé par l'abbé, qui ne savait pas à qui s'adressait son ordre. La consternation de ce dernier et de ses moines, lorsqu'ils s'en aperçurent, et les excuses qu'on lui fit, attestent que le saint était à Stavelot un hôte respecté, et non qu'il avait, comme quelques-uns l'ont cru, embrassé la vie monastique.

   La mort d'Ebroïn et le triomphe de l'Austrasie avec Pépin d'Herstal permirent à saint Lambert de remonter sur son siège, vers 681 ; il fut accueilli avec enthousiasme. Nous avons peu de renseignements sur sa carrière sacerdotale ; nous savons seulement qu'il remplissait scrupuleusement tous ses devoirs pastoraux, et qu'il visitait fréquemment les villes et les monastères, distribuant partout la parole évangélique. Son zèle pour le salut des âmes allait de pair avec sa ferveur dans la prière et la simplicité austère de ses habitudes. Il a été l'apôtre de la Taxandrie, c'est-à-dire de la Campine, alors encore en grande partie païenne ; il est donc le père de la civilisation dans une bonne partie de la Belgique. Il semble avoir couru plus d'une fois des dangers de la part des habitants de cette sauvage contrée ; mais, à force de douceur et de charité, il parvint à les gagner à la vraie foi. Quant à son administration épiscopale, elle ne cessa d'être pénible. L'église de Maestricht était, comme la plupart des églises à cette époque, à la merci de tous les violents qui convoitaient ses biens, et déjà le prédécesseur de saint Lambert avait péri victime des déprédateurs qu'il allait dénoncer au roi. Sous Lambert, le brigandage continua, et nous savons qu'à la fin, perdant patience, les gens de l'évêque s'armèrent et repoussèrent la force par la force. Au nombre des pillards se trouvaient deux frères nommés Gall et Riold, qui périrent dans la mêlée. Ils étaient parents de Dodon, personnage qui occupait dans le pays les importantes fonctions de domesticus, et dont le ressentiment devait être fatal à saint Lambert. C'est, en effet, sous les coups des sicaires de Dodon que le saint périt, pendant un des fréquents séjours qu'il faisait dans la bourgade de Liège ; et son premier biographe nous dit formellement que Dodon voulait par ce meurtre venger la mort de ses deux parents. Mais il existe une autre version qui explique le fait d'une manière beaucoup plus dramatique. Saint Lambert aurait à plusieurs reprises reproché à Pépin d'Herstal ses amours adultères avec Alpaïde, et aurait été sur le point de faire chasser la concubine, lorsque celle-ci, qui était sœur de Dodon, poussa son frère à massacrer l'importun conseiller. Cette version, de bonne heure accueillie par les historiographes liégeois, et accréditée partout jusqu'au XVIIe siècle, fut alors vigoureusement attaquée par la critique et finit par être abandonnée de tout le monde, y compris les Bollandistes ; elle fut même, exclue du bréviaire liégeois. Cependant une étude attentive de la question est faite pour modifier un peu la sévérité qu'on a montrée envers la tradition liégeoise. Une des principales raisons qui la faisaient rejeter, c'est qu' Anselme, qui la rapporta au XIe siècle, semblait l'attribuer à Réginon de Prüm, qui n'en parle pas : on s'autorisait de cela pour accuser Anselme de supercherie. Mais le texte d'Anselme, rectifié par moi d'après un manuscrit resté inconnu (Bulletins de la Commission royale d'histoire, 4e série, t. II), dit simplement qu'il y avait de son temps une version écrite qui contenait déjà la tradition liégeoise sur la mort du saint. A cet important témoignage vient s'ajouter celui d'un poète anonyme qui écrivait au commencement du Xe siècle, et que M. Demarteau, qui a le premier publié son poème en entier, croit pouvoir identifier avec Hucbald de Saint-Amand. Selon cet écrivain, la tradition liégeoise était fort répandue de son temps (fertur enim trito multis sermone). Enfin, Adon de Vienne, qui écrivait son martyrologe vers le milieu du IXe siècle, la reproduit également et en fait, par conséquent, remonter l'existence à une époque assez rapprochée de la mort du saint. Si l'on considère qu'il y a là trois sources indépendantes l'une de l'autre et s'accordant sur le même fait, on ne pourra pas refuser à la tradition une autorité considérable. Cela ne veut pas dire qu'il soit nécessaire d'admettre aussi les détails dramatiques dont elle a été ornée ensuite par le chanoine Nicolas et par Sigebert de Gembloux. Selon ces deux écrivains, c'est dans un banquet donné à Jupille par Pépin d'Herstal que le saint aurait refusé de bénir 1a coupe de la concubine ; irritée, celle-ci aurait alors dépêché son frère pour le tuer dans sa retraite de Liège. C'est là, en effet, qu'il fut massacré, au moment où, revenu de la chapelle dans laquelle il avait prié avant le jour, il cherchait un peu de sommeil sur sa couche. Au premier moment de l'agression, par un mouvement instinctif, il saisit son épée et fit mine de vouloir se défendre ; mais bientôt il la jeta, déclarant qu'il s'en remettait à Dieu, et exhorta les siens à se préparer à la mort. La plupart, furent, en effet, immolés ; lui-même, pendant qu'il était prosterné en oraison, fut percé d'un trait par un individu qui avait escaladé le toit de sa demeure. Lorsque les assassins se furent retirés, ceux de ses disciples qui avaient échappé à la, mort transportèrent ses restes dans une barque à Maestricht, où, au milieu du deuil de la population, il fut enterré dans l'église Saint-Pierre hors la ville, aujourd'hui démolie.

   On ne sait au juste la date de sa mort ; et on a discuté sur ce point autant que sur les causes qui l'ont amenée ; les uns la placent dans les dernières années du VIIe siècle, les autres la font descendre jusqu'en 707, 708 et même 709. Enfin, le R. P. Desmedt a établi qu'on ne peut plus la fixer postérieurement à 706, date à laquelle saint Hubert signe, comme évêque, un diplôme de Pépin d'Herstal ; il admet, comme date approximative, les quatre dernières années du VIIe siècle.

   Les fidèles entourèrent d'un culte le lieu où avait péri le saint ; ils convertirent en chapelle l'endroit où il avait péri ; et, dès 714, cette chapelle était devenue une basilique. Grâce aux miracles qui s'y produisaient et à l'affluence des pèlerins, Liège devint bientôt une localité importante ; elle s'éleva même au rang de capitale du pays après que saint Hubert y eut transporté, avec les reliques du saint, le siège de l'autorité épiscopale. Cette translation eut lieu le 17 septembre et son anniversaire est encore célébré aujourd'hui.

    Saint Lambert est le patron du diocèse de Liège. Une partie de ses reliques est conservée, à la cathédrale de Liège, dans son buste de grandeur naturelle, oeuvre d'art superbe du temps d'Erard de la Marck ; d'autres localités, comme Rome, Fribourg en Bade et Berbourg, dans le grand-duché de Luxembourg, disputent à la ville de Liège l'honneur de posséder sa tête.

Godefroid Kurth

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Les quatre biographies de saint Lambert, assez mal éditées par Chapeaville, au t. Ier de ses Gesta. Pontificum Tungrensium. La 1re a été éditée plus correctement par Mabillon, Acta SS. ord. S. Bened., t. III, et par les Bollandistes, t. V, de septembre --  Le Commentarius praevius, de Suyskens, dans ce dernier recueil, loc. cit. -- G. Kurth, Etude critique sur saint Lambert et son premier biographe (Annales de l'Acad. d'archéol. de Belgique, t. XXXIII, 1876. -- Demarteau, Vie de saint Lambert, écrite en vers par Hucbald de Saint-Amand, et documents du Xe siècle (Bulletin de l'Institut archéol. liégeois, t. XIII, 1879) -- Ch. Desmedt, l'Année de la mort de saint Lambert (Précis historiques, f. XXVI, 1877 Cf. la polémique, Ibid. t.. XXVII). -- Scheibelberger, Die  aelteste Vita  S. Lantperti (Oesterreichische Vierteljahrschrift fûr Katholische heologie. Vienne, 1871, t. X.) -- Goffinet, Une remarquable relique à Berbourg (Public. de l'Institut de Luxembourg, t. XXIX).

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