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La conscience personnelle : dernier juge en matière morale ? un enseignement de Mgr Léonard

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images (5).jpgAlors que beaucoup de catholiques se disent désorientés par ce qu’ils lisent ces jours-ci dans la presse sur la portée exacte de l’enseignement de l’Eglise en cette matière, il est peut-être bon de rappeler ce qu’écrivait en juin 2012 Monseigneur Léonard dans les « Pastoralia » de l’archidiocèse de Malines-Bruxelles.

Avec sons sens pédagogique et sa clarté d’expression habituelle, notre archevêque explique sous quelles conditions la conscience personnelle est la norme du comportement moral des personnes :

« La loi morale, fondée ultimement en Dieu et reconnue activement par notre raison, doit toujours être mise en œuvre par notre engagement libre. Nous ne sommes pas que raison pure. Nous sommes aussi une liberté unique. Entre la voix de la raison en moi et ma conscience individuelle il y a donc une distance que doit combler mon jugement « pratique » (orienté vers l’action), guidé par la vertu de prudence ou de discernement : « Moi, concrètement, je dois, en telle situation, faire ceci et éviter cela ». Ainsi comprise, la conscience personnelle est la norme subjective de la moralité de nos actes, c’est-à-dire la norme morale telle qu’elle retentit dans la conscience unique de chacun. En effet, aussi objective soit-elle, la valeur morale ne peut s’adresser à moi et m’obliger qu’en passant à travers les évidences et les opacités de ma conscience personnelle. C’est forcément tel que je le perçois que le bien objectif m’interpelle. En ce sens, la norme subjective de la moralité est la règle ultime de la vie morale. À tel point que si, de bonne foi et sans faute de ma part, je me trompe dans mon jugement moral, j’agis moralement bien alors même que je pose un acte objectivement répréhensible.

Dire que j’agis bien quand j’agis conformément à ma perception du bien ou, en d’autres termes, reconnaître que la raison pratique ne m’oblige qu’à travers le prisme de ma conscience personnelle pourrait sembler conduire au subjectivisme et nous conduire aux impasses d’une pure morale de la sincérité. Il n’en est rien. Ma conscience est, certes, la norme subjective ultime de ma vie morale, mais à la condition expresse que je cherche honnêtement à rejoindre les exigences objectives de la loi naturelle. Agir autrement reviendrait à considérer que le sujet est l’auteur même de la valeur morale. Or ma conscience est bien le juge qui apprécie en dernière instance la valeur, mais elle n’est pas pour autant son fondement ! Un peu comme en droit un juge apprécie, en dernière analyse, le comportement d’un prévenu, mais sans être la source du code qui inspire son jugement.

Pour être dans la vérité (et pas seulement dans la sincérité) et faire effectivement le bien, je dois donc éclairer ma conscience et l’éduquer afin que mon jugement personnel se rapproche autant que possible du jugement idéal de la raison droite, se soumette ainsi à la loi morale et, de la sorte, se conforme à la volonté de Dieu. Comme chrétiens, nous aurons donc à nous laisser éclairer non seulement par notre réflexion, mais encore par l’enseignement de Jésus, du Nouveau Testament et de l’Église. À cette condition seulement, je puis dire que j’agis bien si je me décide à l’action selon ma conscience.

Pour le dire autrement, le sujet ne mesure la valeur morale à mettre en œuvre par sa liberté qu’en se laissant d’abord mesurer par elle. Il est son ultime juge, mais non son auteur. De ce point de vue, j’ai toujours trouvé légère l’attitude des Conférences épiscopales qui, après la parution de l’encyclique Humanae Vitae, ont laissé entendre que chacun pouvait agir selon sa conscience (y compris contre l’appel lancé par Paul VI) à la condition d’être bien informé sur la question et, sur base de cette compétence, de s’être forgé une opinion contraire. Mais, en morale, il ne s’agit jamais seulement d’être bien « informé », mais « de se laisser  former » par la Parole de Dieu et par le Magistère de l’Église »

 JPSC

Référence : La conscience personnelle: dernier juge en matière morale ?

Commentaires

  • Ce qui est important en dernier recours, c'est d'être honnête dans sa recherche de ce qui est bien. Il se peut qu'il y a 20 ans j'aie pris une décision objectivement mauvaise qui a entraîné un mal et qu'aujourd'hui, après un honnête cheminement et formation de ma conscience à la lumière du Christ, je ne ferais pas le même choix en toute honnêteté et que je réprouverais ce qu'alors je trouvais juste!
    Nous sommes en chemin et le Seigneur est patient! Lui seul lit dans les coeurs! Et nous progressons en invoquant l'aide de son Esprit!
    Je pense que c'est dans cet esprit que notre Pape François a dit qu'en dernier recours chacun devait suivre honnêtement sa conscience!

  • @ Sébastien
    En fait, le pape a dit, selon le texte paru dans la « Repubblica » : « Chacun a sa propre conception du Bien et du Mal et chacun doit choisir et suivre le Bien et combattre le Mal selon l'idée qu'il s'en fait ». Ce qui, me semble-t-il peut prêter à confusion (subjectivisme). Tant qu’à être lapidaire, je préfère alors la célèbre phrase de saint Augustin : « ama et fac quod vis » : aime et fais ce que tu veux : si l’amour véritable guide ma conscience, alors, en effet, je contribue à rendre le monde meilleur.

  • @ jpsc ... En effet, l'évêque saint Augustin ne disait pas autre chose à ses catéchumènes, qui lui demandaient ce qu'il était permis ou interdit de faire, ce qu'il était bien ou mal de faire. En leur répondant "Aime et fais ce que veux", il leur disait de demander à leur propre conscience si c'est par amour charité pour Dieu et leur prochain qu'ils vont agir. Si la réponse est 'oui' ce sera bien. C'est une façon concrète de mettre en œuvre le commandement du Christ, aimer Dieu et son prochain.
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    C'est ce qu'on appelle aussi le libre arbitre d'un catholique. Chacun doit s'efforcer de discerner, en âme et conscience, si l'amour charité se trouve dans son cœur, pour Dieu et pour son prochain. Pourquoi demander à un autre homme de discerner pour soi ce qu'on a dans le cœur, face à une situation donnée, toujours unique ? Jésus n'a pas dit qu'il fallait demander à quelqu'un d'autre ce qu'on pouvait faire ou pas. Il a dit que faire le bien, pour chacun, était avant tout d'aimer Dieu et son prochain. Quelles que soient les multiples situations que l'on puisse rencontrer dans la vie, que l'on soit seul ou non pour arbitrer son choix, que ce choix doive être rapide ou non.
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    L'amour charité est en effet la source de tout bien, comme nous le dit magnifiquement saint Paul. Si l'amour charité est absent de son cœur, le plus grand savant n'est qu'une cymbale qui sonne faux. Et il n'y a que Dieu qui puisse sonder notre cœur pour savoir si l'amour charité s'y trouve. Aucun autre homme, aussi savant soit-il, ne le peut.
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    C'est sans doute l'entrainement permanent à ce libre arbitre qui permet à un catholique, même isolé, même en prison, même persécuté, de tenir le coup face au choix entre le bien et le mal. Et tout catéchiste doit veiller à cette base fondamentale, l'amour charité, qui peut seul éviter que le libre arbitre "aime et fais ce que veux" ne devienne un "fais ce que veux".

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