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Une fois le tabou de la mort vaincu, l’euthanasie légale devient une maladie naturellement contagieuse

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De Jean-Pierre Denis, sur La Vie, cet éditorial :

Euthanasie : la boîte de Pandore

La Belgique devait autoriser, ce jeudi 13 février, l’euthanasie des mineurs gravement malades. Au Sénat d’abord, à la Chambre des représentants ensuite, une majorité s’est progressivement dégagée en faveur de la réforme, dépassant l’habituel clivage entre Flamands et Wallons, comme entre gauche et droite. Les politiques ne nagent pas à contre-courant de la société. Les prières, les jeûnes et les admonestations de l’épiscopat catholique, les mouvements de protestation pacifique comme celui des « dossards jaunes », tout cela pèse de bien peu de poids. La société belge est l’une des plus ­sécularisées d’Europe.

Que dit la loi ? Soyons précis ! « Le patient mineur doté de la capacité de discernement » qui « se trouve dans une situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance » pourra être euthanasié s’il « fait état d’une souffrance physique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection pathologique ou accidentelle grave et incurable ». En théorie, cela ne concernerait donc que des enfants ou des adolescents pour lesquels les soins palliatifs ne seraient plus suffisants. En outre, on exigera l’autorisation des parents et l’avis d’un « psychologue ou pédopsychiatre » chargé de vérifier la « capacité de discernement » du mineur.

Il s’agit donc d’une disposition très restrictive, d’apparence raisonnée et raisonnable. Un progrès ? La souffrance des enfants nous est plus odieuse encore que celle des adultes. On comprend qu’il puisse sembler charitable de l’abréger, en particulier dans ces situations extrêmes et exceptionnelles où rien d’autre ne peut être entrepris, pas même des soins palliatifs. Devant de tels drames, tout jugement de valeur paraît malvenu, voire choquant. Comment parler à la place des enfants, de leurs parents, des équipes soignantes qui les entourent ? Qui peut penser qu’ils demanderont la mort avec légèreté ?

Disons-le pourtant : paisiblement, sûrement, rapidement, c’est une culture nouvelle qui s’installe. En Belgique, il n’a fallu que 12 ans entre la légalisation de l’euthanasie et cette nouvelle étape. Certains travaillent déjà à la suite. Une fois que le tabou de la mort a été vaincu, l’euthanasie légale devient, si j’ose dire, une maladie naturellement contagieuse. De situation limite en cas particulier, elle étend son emprise. Cette fois, c’est le tabou de la protection des mineurs qui saute. On jurait il n’y a pas si longtemps qu’il ne serait jamais violé. Pour l’instant, les souffrances psychiques sont exclues du champ de la loi. Cette fragile barrière, comment tiendra-t-elle ?

Quant au verrou du consentement, il me semble déjà à moitié arraché. Un mineur n’est pas jugé assez mûr pour disposer, par exemple, du droit de vote. Ses parents décident et agissent pour lui. Mais pour ce qui est de la vie et de la mort, il serait capable de raisonner et de « discerner » comme un adulte ? Et cela… dès sa naissance, puisque la loi belge ne prévoit aucun âge minimum ? On ne voit donc plus très bien ce qui empêchera d’autoriser à terme l’euthanasie des enfants mal formés, des handicapés « inconscients », mineurs ou majeurs, ou de personnes atteintes de démence sénile, sous couvert de volontés anticipées. Une majorité de Belges, si l’on en croit les sondages, y serait favorable. Des politiques de premier plan le pensent et le disent. Le progrès des libertés individuelles risque alors de se retourner : s’il s’agit aujourd’hui de « maîtriser sa vie », demain, c’est une forte pression culturelle, économique ou sociale qui s’exercera sur les plus faibles. L’exemple belge devrait permettre aux Français de s’interroger alors qu’il est encore temps.

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