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L'Église catholique veut une solution pour les divorcés-remariés

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Analyse de l’Instrumentum Laboris du prochain synode par Jean-Marie Guénois, dans le « Figaro » :

On ne voit pas comment sur la question des divorcés-remariés l'Église catholique va pouvoir longtemps résister à la pression de… sa propre base. Car jamais l'aspiration pour un vent de changement n'a été à ce point exprimée, par le Vatican lui-même, dans un document officiel de 80 pages, publié jeudi à Rome. C'est à partir de ce texte - appelé Instrumentum Laboris - que deux cent évêques chargés de statuer sur toutes ces questions familiales vont débattre à Rome lors d'un synode, voulu par le pape François, en octobre 2014.Document qui est lui-même le fruit d'une enquête mondiale lancée en novembre 2013. L'Église catholique a interrogé toutes ses composantes, du fidèle au cardinal, en passant par les prêtres, les religieux et religieuses et les couples. L'idée était de dresser un état des lieux de l'enseignement moral de l'Église sur la famille et la sexualité.

Le résultat est édifiant à double titre. D'une part, l'Église, dans la version finale de ce document, n'a rien filtré de la distance abyssale qu'elle constate entre ce qu'elle prône et la réalité de la pratique des fidèles en ces domaines. En exposant, d'autre part, très lucidement, certains problèmes délicats comme celui de l'accueil des divorcés-remariés, elle donne le signal très clair qu'elle entend vraiment trouver, cette fois, des solutions pour résoudre la question. En cohérence, du reste, avec la ligne fixée par le pape François sur ce point. Fut-ce au prix d'une vive controverse chez les cardinaux divisés théologiquement à ce propos.

«Des situations pastorales difficiles»

En attendant, le constat issu de cette enquête mondiale semble sans appel: «pratique massive du divorce, du concubinat, de la contraception, des procédés artificiels de procréation et des unions homosexuelles» en Occident. Et peu brillant dans les zones «moins influencées par la pensée occidentale»: «phénomène du machisme, de la polygamie, des mariages entre adolescents et préadolescents, du divorce en cas de stérilité, d'absence de descendance masculine, mais aussi de l'inceste et d'autres pratiques aberrantes». Et, partout, «nombre croissant de familles “élargies”, surtout par la présence d'enfants nés de différents partenaires (…) cas désormais nombreux où les enfants, en plus d'avoir des parents séparés ou divorcés, remariés ou non, ont également des grands-parents dans la même situation.»

Ce contexte culturel dominant exerce une forte pression sur les jeunes, souligne le texte, mais il n'empêche pas les catholiques impliqués de vivre plutôt à l'aise avec ce que l'Église demande. Mais sous l'influence du pape François toute la problématique du synode sera d'aller au-delà de cette minorité. Vers ce que l'Église appelle des «situations pastorales difficiles», où «loin de s'enfermer dans une vision légaliste» elle entend se donner «pour mission de rappeler la grande vocation à l'amour».

À commencer par les divorcés remariés. Beaucoup, note le texte, «considèrent avec négligence leur situation irrégulière» vis-à-vis de l'Église. «Avant de prendre en considération la souffrance de ceux qui sont en situation d'irrégularité, liée au fait de ne pas pouvoir recevoir les sacrements», l'Église entend donc «prendre en charge une souffrance signalée plus en amont, à savoir celle qui touche à l'échec du mariage et aux difficultés de régulariser la situation».

Quand la doctrine est vue comme une punition

En clarifiant, par exemple, plusieurs points d'incompréhension majeure où bon nombre de divorcés remariés «se demandent pourquoi les autres péchés sont pardonnés et pas celui-là ; ou encore pourquoi les religieux et les prêtres qui ont été dispensés de leurs vœux et de leurs devoirs sacerdotaux peuvent se marier et recevoir la communion, mais pas les divorcés remariés». Quand d'autres sont persuadés que tout est de «la faute» de l'Église qui ne tiendrait pas assez compte des «circonstances». Certains vivant même la doctrine de l'Église comme «une punition»…

Conclusion sur ce chapitre des divorcés remariés - et orientation de tendance du prochain synode dont le travail sera de trouver des réponses concrètes: «un bon nombre de Conférences épiscopales suggère d'aider les gens en situation canoniquement irrégulière à ne pas se considérer séparés de l'Église, car ils peuvent et même ils doivent, comme baptisés, participer à sa vie» et «plusieurs Conférences épiscopales mettent l'accent sur la nécessité pour l'Église (…) d'ouvrir la possibilité d'exercer une plus vaste miséricorde, clémence et indulgence par rapport aux nouvelles unions.»

Une recherche de solutions qui s'annonce toutefois difficile. L'enquête reconnaît que beaucoup de prêtres n'appliquent pas les normes et donnent la communion à des divorcés-remariés: «Le problème n'est donc pas tant celui de ne pas pouvoir recevoir la communion, mais le fait que l'Église, publiquement, ne les y admette pas. De sorte que ces fidèles refusent tout simplement d'être considérés comme étant en situation irrégulière».

L'exemple de l'Église orthodoxe

Comme pistes possibles, le document évoque notamment l'exemple de l'Église orthodoxe qui admet une sorte de second mariage. Mais la requête des épiscopats est de rendre les procédures d'annulation du lien du mariage plus souples dans l'Église catholique: «Dans toutes les aires géographiques, on demande une orientation plus pastorale dans les tribunaux ecclésiastiques, avec une plus grande attention spirituelle à l'égard des personnes».

Deux autres chapitres particulièrement sensibles sont ensuite abordés. Celui la contraception, où peu de pistes sont ouvertes même si l'écart entre les normes de l'Église et la pratique des couples est reconnu. Et celui des couples homosexuels pour lesquels l'Église, sous l'impulsion du pape François, veut témoigner d'une attention toute particulière: «les hommes et les femmes ayant des tendances homosexuelles doivent être accueillis avec respect, compassion, délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste». Mais avec deux refus nets: «Toutes les Conférences épiscopales se sont exprimées contre une “redéfinition” du mariage entre un homme et une femme en introduisant une législation permettant l'union entre deux personnes du même sexe». Et «les réponses parvenues se prononcent contre une législation qui permette l'adoption d'enfants par des personnes en union de même sexe».

Ref. L'Église catholique veut une solution pour les divorcés-remariés

Analyse peut-être objective, mais tous les chemins ouverts par cet « instrumentum » sont-ils bons à prendre ? JPSC

Commentaires

  • Il ne faut pas, me semble-t-il, surévaluer la portée de ce document de travail (instrumentum laboris) : il ne trace aucune orientation, aucun schéma directeur, ni des « guidelines » comme en produit la Commission européenne dans les plans d’action qu’elle propose. C’est plutôt une compilation des idées exprimées en réponse au questionnaire préparatoire lancé dans la nature par Rome en 2013 et aux caucus du consistoire des cardinaux réuni en février dernier. Rien n’est fait, ni ne se fera vraiment au synode « extraordinaire » d’octobre 2014, qui lui-même prépare celui de 2015 sur le même thème. Les assemblées délibérantes sont d’ailleurs rarement créatives, et moins encore lorsqu’elles ne disposent pas de pouvoirs décisionnels. De quoi freiner quelque peu les ardeurs réformatrices...
    La responsabilité de ce dossier crucial est dans les mains du pape et c’est là qu’il est attendu par les divers courants qui partagent aujourd’hui l’Eglise.

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