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Le martyre en "haine de la foi", une fausse évidence

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1d09edc20071019101003197.jpgLe 24 mars 1980, Mgr Oscar Romero était assassiné par un commando opérant sur ordre du pouvoir dictatorial qui régnait au Salvador. Trente-cinq ans plus tard, Rome vient de reconnaître qu’il est mort martyr « en haine de la foi » (in odium fidei). Martyr en haine de la foi ? La chose est évidente pour les prêtres anglais dépecés sous Elisabeth Ière au nom de la lutte contre le catholicisme, ou les multiples curés, religieux et religieuses tués en raison de leur appartenance à l’Eglise lors de la guerre civile espagnole ou sous la Révolution française. Mais elle est plus complexe dans d’autres cas. La décision que Rome vient de prendre concernant Romero ouvre-t-elle une porte ou une vanne ? Le point de vue de Jean Mercier sur le site de « La Vie » :

« Le 24 mars 1980, Mgr Oscar Romero était assassiné par un commando opérant sur ordre du pouvoir dictatorial qui régnait au Salvador. Trente-cinq ans plus tard, Rome vient de reconnaître qu’il est mort martyr « en haine de la foi » (in odium fidei).

Cette précision du martyre « en haine de la foi » fait parfois débat en raison de la dissymétrie que l’on rencontre fréquemment dans le cas du martyre intervenu dans un contexte politique : si le martyr verse son sang au nom de sa foi et de Dieu, ses persécuteurs et ses bourreaux n’opèrent pas nécessairement, eux, selon la haine assumée de la foi chrétienne et de l’Eglise catholique. Dans le cas de Mgr Romero, c’est son prophétisme évangélique qui dérangeait le pouvoir politique. Mais il a été abattu en représailles à un plaidoyer très spirituel, la veille de son assassinat : « Il est temps d’obéir à votre conscience plutôt qu’à l’ordre du péché. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, dont les lamentations montent jusqu’au ciel et sont chaque jour plus fortes, je vous prie, je vous supplie, je vous l’ordonne, au nom de Dieu : arrêtez la répression ! » Par ailleurs, le fait qu’on l’ait tué en pleine messe lève l’ambigüité sur la haine contre la foi.

A priori, le martyre présuppose la haine contre la foi, même si celle-ci n’est pas toujours spécifiée clairement dans le décret proclamant le martyre. La chose est évidente pour les prêtres anglais dépecés sous Elisabeth Ière au nom de la lutte contre le catholicisme, ou les multiples curés, religieux et religieuses tués en raison de leur appartenance à l’Eglise lors de la guerre civile espagnole ou sous la Révolution française. Mais elle est plus complexe dans d’autres cas... Thomas More meurt pour sa fidélité envers Dieu et l’Eglise, mais Henri VIII l’envoie à l’échafaud pour haute trahison. L’autrichien Franz Jägerstätter préfère mourir en 1943 pour ne pas désobéir à son Dieu, mais le Reich le condamne à mort parce qu’il refuse de porter les armes.

Peut-on parler de haine contre la foi si le persécuteur se prétend catholique ? Dans son livreTorture et eucharistie, le théologien américain William Cavanaugh explique que le martyre de certains catholiques opposants au régime du Général Pinochet ne pouvait relever de la haine contre la foi, puisque le dictateur se targuait d’être un fervent catholique. Il fallut attendre 1980 et l’excommunication des tortionnaires par certains évêques chiliens pour que la cause fut entendue... Cette ambiguïté a prévalu aussi pendant la dictature argentine des années 1976-1983, orchestrée par le très catholique général Videla.

La décision du Vatican concernant Mgr Romero devrait ouvrir la voie à d’autres déclarations de martyre où les persécuteurs n’étaient pas officiellement contre l’Eglise. On pense au Père Gabriel de Longueville, prêtre français liquidé par la junte argentine, en compagnie d’un autre prêtre, Carlos de Dios Murias, dont les causes de béatification sont ouvertes depuis 2011. On peut ajouter à la liste le très charismatique Carlos Mugica, prêtre d'un bidonville de Buenos Aires, abattu en 1974 par un commando à la solde du pouvoir. Rappelons qu’en même temps que celui de Mgr Romero, le pape a reconnu le martyre de deux franciscais polonais et d’un prêtre italien assassinés en 1991 par le Sentier lumineux au Pérou, d’obédience maoïste, a priori hostiles au christianisme.

Paradoxalement, il n’est pas besoin de s’être exposé de façon héroïque pour être reconnu martyr « en haine de la foi ». C’est le cas d’Edith Stein, gazée à Auschwitz en 1942. C’est parce qu’elle a été arrêtée en représailles contre la condamnation des déportations des Juifs par l’épiscopat catholique hollandais que Jean Paul II a décrété la « haine contre la foi » lors de sa béatification en 1987. Bien que le martyre présuppose généralement la haine de la foi, l’Eglise est allée parfois trop loin en décernant la palme. Par exemple à Maria Goretti, adolescente morte pour avoir résisté aux coups d’un homme trop entreprenant. Il était pourtant clair que les motivations de son meurtrier n’avaient pas grand chose à voir avec une persécution de nature religieuse. »

Ref. Le martyre en "haine de la foi", une fausse évidence

JPSC

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