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Quand DAECH menace l'Europe et fait de Rome son principal objectif

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isis1.jpgDe Massimo Introvigne sur la Nuova Bussola Quotidiana (traduction par nos soins) :

La menace d’ISIS en Europe. A présent, elle touche Rome

Dans la myriade de commentaires qui ont suivi la tragédie de Paris, il manque souvent une réponse convaincante à la question : « pourquoi l’ont-ils fait ? ». Dire : « parce qu’ils nous haïssent » ou « parce qu’ils ont une idéologie de mort » répond à la question sur un plan psychologique, mais pas sur le plan politique et stratégique. Même ceux qui haïssent et ont une idéologie criminelle choisissent leurs cibles en fonction d’une stratégie.

Pour répondre à cette question, il nous faut retracer un bref historique des divisions au sein du terrorisme fondamentaliste islamique ultra. Dans son incarnation moderne, il est né en 1981 avec l'assassinat du président égyptien Sadate. L'attentat fut un succès sur le plan militaire – les terroristes ont réussi à tuer un chef protégé par un appareil de sécurité massif – mais fut un échec sur le plan politique. Il ne fut pas suivi, comme ses auteurs l’avaient espéré, par une révolution islamique en Egypte, mais par l'arrestation et la pendaison des principaux leaders intégristes, dans l'indifférence massive de la population. Après 1981, le fondamentalisme proprement dit choisit de viser le pouvoir par le biais d’une lente islamisation de la société tout en revendiquant la démocratie et des élections. L'intégrisme ultra, dirigé en Egypte par Ayman al-Zawahiri, le chef actuel d'al-Qaïda, s’en sépara, voulant persévérer sur la voie du terrorisme et les attentats.

Mais l'intégrisme ultra a lui aussi ses divisions. En Palestine, le Hamas - qui est aussi une organisation politique capable de gagner les élections et de gouverner - continue d’organiser des attentats, mais fait valoir que l'attention de l'ensemble de l'islam radical devrait se concentrer sur Israël et sur des cibles israéliennes. Pour le Hamas, le combat contre Israël n'est pas un combat parmi tant d'autres, mais la mère de toutes les batailles. Toutefois, pour al-Qaïda, le terrorisme a réussi s'il épouse une pluralité de causes – depuis les revendications d'indépendance du Cachemire à la lutte des intégristes algériens contre le gouvernement laïque d’Alger – et s’il frappe dans le monde entier. Voici un fossé entre al-Qaïda et le Hamas, qui n'a jamais été comblé.

La deuxième division a eu lieu après le 11 septembre 2001 et les attentats successifs perpétrés à Madrid (2004) et à Londres (2005). Ici aussi, il s’agit de succès militaires, mais avec des résultats politiques ambigus. On dispose maintenant de documents suffisants pour savoir quel était le but que Ben Laden visait à travers ces attaques. Sa thèse était que laïques ou « faussement » musulmans, les gouvernements du Moyen Orient n’étaient debout que parce qu’ils étaient soutenus par l'Occident. Si le tireur de ficelles occidental coupait les fils, les marionnettes – c’est-à-dire les gouvernements du Moyen-Orient – tomberaient rapidement. Les attentats devaient servir à convaincre les occidentaux que s’occuper du Moyen Orient n'était pas une chose salutaire, en épouvantant l’opinion publique et en exerçant une pression sur les gouvernements qui les amènerait à s’abstenir de toute intervention dans les pays arabes.

Ben Laden avait étudié à Londres, où il a fréquenté les stades de football – il était fan de l’Arsenal – mais il refusait avec indignation d'aller au cinéma. S'il avait vu un quelconque western, il aurait compris que le calcul pouvait fonctionner – et il a fonctionné – pour n'importe quel pays européen, mais pas pour les Etats-Unis. Quand ils se sentent attaqués, les États-Unis réagissent. Depuis le 11 septembre ils réagissent de façon confuse, en faisant de nombreuses erreurs, mais ils ont certainement démantelé les bases d'al-Qaïda en Afghanistan et, par la suite de la présidence Bush, ils ont commencé à s’occuper du Moyen-Orient, davantage plutôt plus que moins. D’où les critiques à l’égard d’al-Qaïda et des stratégies de ben Laden et la naissance d'une opposition interne.

Les oppositions à Ben Laden se sont cristallisées dans la figure d'Abu Musab al-Zarqaoui, chef d'al-Qaïda en Irak. Non seulement Zarqaoui estimait de peu d'utilité les attentats à l'Ouest, mais il accusait ben Laden de s’entendre secrètement avec l'Iran chiite et la Syrie d’Assad, qui est un alaouite (c.-à-d. appartenant à une hérésie chiite), ce qui, de son point de vue, était inacceptable parce qu'il ne considère pas les chiites comme de vrais musulmans. Quand il se heurte à des chiites, Zarqaoui les tue sans pitié. Le conflit entre Zarqaoui et al-Qaïda est si fort que lorsque le premier est tué par les Américains en 2006, beaucoup de gens pensaient que les informations permettant de le localiser avaient été fournies aux services américains – par l’intermédiaire de Pakistanais – par ben Laden lui-même.

De là provient un ressentiment qui ne s’est jamais apaisé entre les partisans de Zarqaoui et ceux d’al-Qaïda, et qui a explosé en février 2014, quand ISIS (ISIS = DAECH = Etat Islamique ndbelgicatho) – qui rassemble en substance ceux qui en Irak et en Syrie se considèrent comme héritiers de Zarqawi – s’est séparée d'al-Qaïda. L'actuelle ISIS et al-Qaïda avaient pourtant partagé un parcours commun depuis 2011, l'année de la mort de ben Laden, jusqu’en 2014. Durant ce laps de temps avait émergé l'idée de l’opportunité de ne pas se limiter au seul terrorisme mais de viser à constituer leurs propres et authentiques états - certes non reconnus par la communauté internationale - mais qui battraient monnaie, récolteraient des taxes, auraient leurs propres écoles, leurs hôpitaux et leurs polices. Mais al-Qaida ne songeait qu’à de petits « émirats », qui se créeraient au coup par coup dans le monde islamique, du Mali à la Somalie et du Yémen aux zones tribales situées entre l'Afghanistan et le Pakistan, alors que l'ISIS a pris comme objectif de créer un seul grand califat unique.

Que ce soit Al-Qaïda ou l'ISIS, ils organisent également des attentats à l'Ouest. Parfois, ils collaborent, comme dans le cas de Charlie Hebdo, et du reste, les succès d'ISIS mettent al-Qaïda en grande difficulté. Les informations selon lesquelles une réunification entre les deux mouvements – mais cette fois avec l'ISIS en position hégémonique – est désormais une possibilité réelle ne sont probablement pas fausses. D'un point de vue conceptuel, cependant, les objectifs sont différents. Al-Qaïda pense encore pouvoir déstabiliser les gouvernements occidentaux par des attentats, en jetant la confusion et en bouleversant leur politique étrangère. Ils ont tout de même réussi à frapper les États-Unis, par l’activation de « loups solitaires », en général des soldats de l'armée américaine de religion islamique, qui ont ouvert le feu soudainement en faisant plusieurs morts, comme ce fut le cas en 2009 lors des fusillades de Fort Hood et de Little Rock.

L’ISIS poursuit une stratégie différente. Il n'est pas né dans le but premier de déstabiliser l'Ouest, mais de construire un califat en Orient et en Afrique. Pour cela elle a besoin de volontaires qui constituent l'épine dorsale de son armée. Après l'épisode de Charlie Hebdo, non seulement les analystes, mais les publications d’ISIS elles-mêmes, ont clairement mis en lumière à quoi ce genre d'attaques était destiné. Ce sont des opérations publicitaires pour recruter de nouveaux militants qui partent de l'Ouest pour aller se battre en Syrie et en Irak. Et ce sont des opérations publicitaires couronnées de succès : selon certaines estimations, les combattants qui ont quitté la France pour rejoindre l'ISIS sont plus de 800.

Si cela était vrai pour Charlie Hebdo, dans les mois qui se sont écoulés depuis l'attaque contre le journal satirique français en janvier 2015 aux nouveaux attentats à Paris en novembre 2015, quelque chose a changé. La publicité pour recruter de jeunes extrémistes disposés à partir pour les terres du califat demeure la première raison de ces attaques. Mais on peut en ajouter à ce premier objectif deux autres, encore une fois clairement mis en lumière dans la littérature d'ISIS, une littérature écrite par des gens de bonne culture. Le calife al-Baghdadi lui-même n'est pas un paysan, mais un universitaire avec un ou, selon d’autres, deux doctorats universitaires.

Le deuxième objectif est de créer le chaos dans certains pays identifiés comme «à risque» en raison de l'incapacité de la police à contrôler les quartiers et les banlieues et où elle n’ose même plus s’aventurer et où il y a beaucoup de musulmans. Le chaos forcera la police à se préoccuper d’autre chose et à ne pas entraver le recrutement d’ISIS. Et dans une société en proie au chaos, le recrutement deviendra également plus facile. C’est expliqué dans une brochure de l’ISIS publiée durant le mois de juillet 2015 : " Gang musulmane " Le texte étudie le phénomène des bandes criminelles dans certains quartiers des grandes villes occidentales. Bien loin de s’opposer aux gangs, soutient l'ISIS, les extrémistes musulmans doivent saluer le phénomène de façon positive, infiltrer ceux qui existent et créer leurs propres «gangs musulmans », en maintenant et en accroissant le taux de violence et de désordre qui règne dans banlieues.

Le troisième objectif concerne l'Italie. La brochure « Gang musulmane» se termine par un chapitre intitulé « L'offensive sur Rome ». L’ISIS rappelle que Rome est le centre symbolique de l'Europe et de l'Occident et que le califat ne sera pris au sérieux par ceux qui parmi les musulmans la considèrent actuellement comme un phénomène marginal ou criminel que lorsqu’elle aura réussi à frapper Rome. La brochure se réfère à un livre publié par ISIS en février 2015 : «  Pavillons Noirs sur Rome ». Les objections de ceux qui considèrent que cette littérature relève de la provocation et n’est pas authentique ne sont pas convaincantes. Le style est celui des publications habituelles d’ISIS.

« Pavillons Noirs sur Rome » définit un objectif ambitieux, non seulement l'attaque terroriste - qui constitue seulement une première étape - mais la conquête de Rome. Bien sûr, pour que cet objectif, militairement impossible, devienne théologiquement réaliste, il est nécessaire de se référer aux paroles de Muhammad et aux interprétations du Coran. Mais il y a aussi beaucoup de considérations sociologiques et beaucoup de données géopolitiques qui sont citées : concernant la réduction des catholiques pratiquants en Italie et le nombre d'immigrants musulmans ; on explique comment, une fois que la Libye sera conquise, il deviendra peut-être aussi possible de lancer des missiles sur l'Italie. L’ISIS sait qu'en Italie il n’y a pas de banlieues, mais elle explique qu'il y a cependant un extrémisme de gauche, qui peut devenir un allié et inspirer la «troisième génération» musulmane. Elle pense aussi que l'Occident sera contraint de ne pas s’occuper beaucoup de l’ISIS, ou même de conclure une alliance non déclarée avec le radicalisme islamique parce qu’il sera engagé dans une confrontation avec la Russie que de nombreux gouvernements occidentaux considèrent comme leur ennemi principal.

Comme on le voit : une analyse qui combine des éléments apocalyptiques de caractère religieux et des considérations géopolitiques assez raffinées. Une perspective qui n’exclut pas des revers ou des défaites en Irak et la Syrie, même si l’on répète le «théorème de ben Laden » selon lequel les gouvernements démocratiques ne peuvent pas gagner les guerres parce que, si les soldats commencent à mourir, ceux qui gouvernent perdent les élections. Ni Al-Qaïda ni l'ISIS n’ont évidemment cette difficulté qui pèse sur l'Europe et sur les États-Unis et qui consiste à ne pas engager au Moyen-Orient ces troupes au sol qui seules pourraient vaincre le califat - les drones et les avions n’y suffisant pas -. Mais même si il était défait en Irak et en Syrie le califat a un plan B : il se délocaliserait en Afrique et il viserait à menacer l'Europe.

« Pavillons Noirs sur Rome » contient également deux indications concrètes. La première est que la phase d'attaque à Rome devra aller de 2015 à 2020, quand pourraient être à maturité les conditions d’une vraie guerre à proprement parler. Et la deuxième est l'importance de Bologne comme une «porte» symbolique vers Rome. L'ISIS n’a pas oublié, elle a en effet étudié le massacre de Bologne de 1980 et son impact sur l'Italie ; elle attire l'attention sur la ville d’Emilie-Romagne, sur « ses routes et ses chemins de fer », comme objectifs. ISIS lit peu? Au contraire, elle lit aussi le politologue italien Gianfranco Pasquino, dont elle cite la phrase: « Si vous voulez créer le chaos en Italie, faites-le en passant par Bologne" Si les services italiens sont avertis, ils sont à moitié sauvés. Mais à moitié seulement: l'intelligence et la prévention doivent faire le reste, sans oublier la nécessité politique et culturelle de maintenir un dialogue avec la grande majorité des musulmans italiens qui n’aiment pas du tout l'ISIS et qu'une attitude anti-Islam généralisée et obtuse finirait par offrir aux extrémistes.

Commentaires

  • C'est là que l'on comprend combien la consécration de la Russie au Coeur Immaculé de Marie reste encore à faire (tel que demandé par le Ciel en 1917). Et elle se fera éminemment sous peu j'en suis sur (l'année de la Miséricorde et l'unification des dates de Pâques en 2016 en seront les éléments déclencheurs). Ainsi que le Grand Avertissement, la Nouvelle Pentecôte d'amour, prophétisé par plusieurs saints et lors de plusieurs apparitions. Seule cette consécration pourra nous sauver de la menace islamiste et de l'idéologie sataniste qui se trouve derrière et qui nous a envahi depuis déjà plusieurs décennies. La chute du Mur de Berlin n'y a pas mis un terme, elle ne l'a que fait changer de forme.

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