De Monseigneur Di Falco sur le site du Point :
Mgr di Falco – La vraie histoire de KTO
Jean-Michel di Falco Léandri a porté il y a 20 ans la chaîne de télévision KTO sur les fonts baptismaux. Il nous en raconte la genèse.

Le 13 décembre 2019, KTO fêtera son 20e anniversaire. Je n'ai jamais raconté les circonstances de la création de cette chaîne de télévision catholique. Ce 20e anniversaire m'en offre l'occasion.
Au cours de l'année 1999, la rencontre des évêques d'Europe chargés des médias avait lieu à l'abbaye Santa-Maria de Montserrat, une bénédictine située dans le massif montagneux de Montserrat, en Catalogne. J'étais alors évêque auxiliaire de Paris, au côté du cardinal Lustiger, président de Radio Notre-Dame et président du conseil pour la communication de la Conférence des évêques de France. Parmi les invités de cette rencontre européenne en Espagne se trouvaient des responsables de la chaîne de télévision de la Conférence des évêques d'Italie. Au terme d'une séance de travail, ceux-ci vinrent me demander si, en France, un projet de télévision catholique était à l'ordre du jour. Ma réponse fut négative.
Quelques mois auparavant, je m'étais rendu aux États-Unis pour étudier la manière dont les diocèses américains parvenaient à faire fonctionner leur chaîne de télévision. Je me souviens notamment d'une rencontre inoubliable avec mère Angelica, connue pour avoir fondé et animé la chaîne de télévision catholique EWTN (Eternal Word Television Network). Le bilan de ce voyage n'était pas très encourageant, plusieurs de ces diocèses rencontrant bien des difficultés pour faire vivre leur chaîne de télévision. De notre côté, nous n'étions pas prêts à nous lancer dans une telle aventure.
Au Montserrat, mes interlocuteurs italiens se montrèrent insistants et, pour nous encourager à envisager la création d'une télévision catholique en France, ils firent la promesse suivante : « Si votre cardinal en prend la décision, nous pourrons mettre gratuitement à votre disposition toute notre production : les audiences du mercredi avec le pape, ses voyages autour du monde et, surtout, toutes les célébrations prévues pour l'année 2000, année jubilaire. »
Les hésitations du cardinal Lustiger
Pour nous aider dans notre réflexion, je propose au cardinal d'organiser des déjeuners avec quelques ténors de la télévision de l'époque. Nous aurons deux déjeuners avec, à chaque fois, cinq ou six invités. Aucun ne refusera d'être accueilli à la table du cardinal et la plupart d'entre eux se montreront plutôt ouverts. De mon côté, j'organise des rencontres avec des personnalités du monde de la culture, lesquelles auront également un regard assez positif et nous donneront de précieux conseils.
Après ces différentes auditions, le cardinal demande qu'une étude de faisabilité soit réalisée, ce que nous entreprendrons avec Bertrand de Feydeau, chargé des finances du diocèse, et Bruno Lecluse, directeur de Radio Notre-Dame, lequel jouera un rôle essentiel dans la création de la nouvelle chaîne.
Il convenait donc d'effectuer une étude sur le plan financier, de mettre en place une structure juridique, de calculer le coût du personnel, de la location des locaux, de l'achat ou de la location du matériel et surtout celui des canaux de diffusion. Il ne suffisait pas, en effet, de produire des émissions, il fallait aussi les diffuser.
Il existait alors deux réseaux de diffusion : TPS (qui n'existe plus aujourd'hui) et Canal Satellite, présidé par Pierre Lescure. Deux rencontres auront lieu avec les présidents de ces deux réseaux pour leur présenter notre projet et, avant tout, pour leur demander leur soutien sous la forme d'une diffusion gratuite. L'un et l'autre accepteront de nous accorder la gratuité pour une année. Je rendais évidemment compte régulièrement au cardinal de nos différentes rencontres et de l'avancée de l'étude de faisabilité.
Les craintes d'une TV Lustiger
Il nous fallait aussi savoir si nous pourrions compter sur du mécénat. Bertrand de Feydeau et moi-même avons donc sollicité des personnes et organismes susceptibles de nous apporter leur aide, parmi lesquels certains répondirent positivement. Le cardinal continuait de craindre les réactions de certains confrères si une chaîne catholique venant du diocèse de Paris était diffusée dans leur diocèse. Quelques-uns d'entre eux, que j'avais consultés, redoutaient en effet que cette chaîne ne soit tout simplement une sorte de « TV Lustiger ». Aussi, pour ménager les susceptibilités, je suggérai au cardinal d'en limiter la diffusion, dans un premier temps, à Paris et sa région.
Pour rassurer le cardinal, je lui avais dit que, si, au terme de l'année jubilaire, nous ne pouvions pas continuer à faire vivre la chaîne et que nous étions contraints de l'arrêter, nous ne perdrions pas trop la face car nous aurions couvert cette année exceptionnelle qu'était l'entrée dans l'an 2000. En juin, le cardinal donne le feu vert.
Structure juridique créée, locaux trouvés (rue Cognacq-Jay, lieu symbolique des débuts de la télévision), matériel loué, personnel recruté, accords passés avec la télévision de la Conférence des évêques d'Italie, grille de programme élaborée, le tout en trois mois ! Nous étions prêts. Restait à trouver un nom.
Au cours d'une réunion, je m'exerçai à dessiner un logo qui, lorsqu'on le lirait, permettrait d'afficher clairement qui nous étions. C'est ainsi qu'est né KTO, logo qui est resté le même depuis vingt ans. Je souhaitais alors que l'on prononce « catho », comme La Catho – l'Université catholique de Paris –, mais certains trouvaient que cela avait un côté trop identitaire. KTO se prononcera donc kateo.
Accueil mitigé, voire hostile
Le cardinal m'invita à présenter KTO au cours de l'assemblée plénière des évêques de France à Lourdes, ce que je fis à l'aide d'une vidéo. L'accueil fut assez mitigé, voire, de la part de quelques-uns, plutôt hostile… Ce n'est que peu à peu que les craintes tombèrent.
Je me dois de préciser que, tant pendant la première année où j'ai présidé la chaîne que pendant les années où j'ai présidé la commission des programmes, jamais le cardinal n'est intervenu dans la composition de la grille des programmes. De mon côté j'avais donné pour consigne à la jeune et courageuse équipe animatrice de KTO qui s'engageait dans cette aventure : « Pas de sujet tabou, si l'on peut à chaque fois connaître l'enseignement de l'Église sur le sujet. »
Et c'est ainsi que, le 13 décembre 1999, en présence des représentants de plusieurs chaînes de télévision et de médias, j'appuyai sur un simple bouton pour que soient diffusées en direct les premières images de KTO sur Paris et sa région. Puis, peu après – la tentation était trop grande ! –, la diffusion se fit sur l'ensemble du territoire national. Depuis, nombreux sont ceux qui ont repris le flambeau pour faire vivre KTO. Une petite chaîne, née modestement, KTO est aujourd'hui une institution avec un rayonnement international.
1999-2019, 20 ans. Bon anniversaire et longue vie à KTO !
(*) Jean-Michel di Falco Léandri est évêque émérite de Gap et d'Embrun