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Le Congo, soixante ans après : l’indépendance pour quoi faire ?

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Depuis l’échec d’une décolonisation précipitée par la Belgique en 1960, cinq ans d'anarchie puis la dictature mobutiste et tous les autres gouvernements non moins discutables de la RDC se sont servis du système judiciaire comme d’un outil pour faire taire les voix dissidentes. Des agents des forces de sécurité accusés d’avoir commis des violations flagrantes des droits humains ont été promus à des échelons supérieurs à l’issue de processus de réformes contestables du secteur de la sécurité. Le sentiment d’impunité au sein du secteur de la sécurité n’en a été que conforté au fil du temps, et cela continue aujourd’hui. Une opinion de Christian Rumu, chargé de campagne à Amnesty International pour la région des Grands Lacs publiée par « La Libre Afrique » :

Tshisekedi 7471099.jpg« Après plus d’une année à la tête de l’État, le président Félix Tshisekedi n’a rien démontré sur la manière dont il comptait remédier au manque de justice et au non-respect de l’obligation de rendre des comptes. Ces défaillances ont caractérisé les gouvernements précédents qu’il a longtemps critiqués lorsqu’il était dans l’opposition.

À partir de 2014, l’entourage de l’ancien président Joseph Kabila a lancé plusieurs tentatives visant à réviser la Constitution afin de lui permettre de se porter à nouveau candidat à la fonction qu’il occupait depuis l’assassinat de son père en janvier 2001. Chacune de ces tentatives de révision a rencontré une forte opposition de la part de la population congolaise qui est descendue dans la rue dans le cadre de manifestations de masse organisées par les partis politiques et les organisations de la société civile. Les élections ont finalement eu lieu en décembre 2018 sans que le nom de Joseph Kabila ne figure sur les bulletins de vote.

Face aux manifestations, la réponse a été extrêmement brutale. Selon des rapports des Nations unies, la répression menée entre janvier 2015 et décembre 2018 dans le cadre de la crise électorale a fait plus de 300 morts et des milliers de blessés et a donné lieu à plus de 8 000 arrestations arbitraires. Beaucoup ont été torturés ou maltraités. Jusqu’à présent, plusieurs familles congolaises sont toujours à la recherche de leurs proches pour lesquels on est sans nouvelles depuis leur participation aux manifestations.

Le rapport d’Amnesty International Sans suite !, paru le 16 juin, examine les terribles violations commises par les forces de sécurité pendant la période préélectorale entre 2015 et 2018. Il montre comment un gouvernement inquiet de la fin prochaine de son pouvoir a déployé son arsenal sécuritaire à l’encontre de manifestants pacifiques, y compris des fidèles dans leurs églises. Alors qu’un rapport publié le 10 mars 2018 par la Commission d’enquête mixte a établi de façon préliminaire le rôle des forces de sécurité dans les homicides illégaux de manifestants pacifiques en décembre 2017 et en janvier/février 2018, rien n’a été fait pour amener les personnes accusées à rendre des comptes.

L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti du président Félix Tshisekedi, a plaidé pendant des dizaines d’années quand il était dans l’opposition en faveur de la justice et de l’État de droit. Désormais à la tête de l’État, en coalition avec le Front commun pour le Congo, le parti de l’ancien président Joseph Kabila, Félix Tshisekedi semble moins résolu à réformer le système judiciaire pour garantir l’obligation de rendre des comptes comme son parti s’y était engagé avant son arrivée au pouvoir.

De nombreux Congolais ont été déçus par la réponse du président Félix Tshisekedi à des journalistes qui l’interrogeaient en septembre dernier sur les crimes et les violations commis dans le passé. Il leur avait déclaré qu’il n’avait pas le temps  » d’aller fouiner dans le passé ». Quelques mois plus tard, une initiative de la présidence visant à débattre de la question de la justice a été suspendue. Elle était prévue pour le début 2020 en partenariat avec des organisations de la société civile.

Néanmoins, une petite lueur d’espoir pointe à l’horizon actuellement en raison de la lutte contre la corruption que semble mener la justice. Le propre directeur de cabinet du chef de l’État a été inculpé de corruption pour le détournement de fonds destinés au financement d’un programme de développement d’urgence qui avait été lancé après la prise de fonction de Félix Tshisekedi en janvier 2019. Cette inculpation est décisive pour évaluer l’efficacité et l’indépendance de la justice. Toutefois, des doutes persistent quant à l’engagement du gouvernement à poursuivre les auteurs présumés des violations des droits humains commises sous le gouvernement du président Joseph Kabila.

Le remaniement de l’appareil judiciaire auquel a procédé le président Félix Tshisekedi l’an dernier a conduit à la révocation du procureur général de l’époque Flory Kabange Numbi. Son bureau avait poursuivi des centaines de personnes sur des accusations forgées de toutes pièces, notamment des militants des droits humains, et avait aussi régulièrement rejeté des plaintes légitimes déposées par des manifestants contre des agents de sécurité violents. Les nouveaux juges et magistrats nommés lors du remaniement doivent encore prendre des mesures concrètes pour traiter les violations des droits humains commises par le passé. Certains d’entre eux se sont plaints d’ingérence politique et de mauvaises conditions de travail.

Le leadership du président Félix Tshisekedi est nécessaire et déterminant pour revitaliser un appareil judiciaire léthargique et pour garantir son indépendance, notamment en améliorant les conditions de travail des juges et des magistrats. Il peut aussi prendre des mesures concrètes permettant de garantir que justice soit rendue pour les victimes qui ont été tuées, blessées, arrêtées arbitrairement et soumises à d’autres violations flagrantes des droits humains en lien avec les manifestations survenues lors de la crise électorale entre 2015 et 2018.

Dans un premier temps, le président doit enjoindre à son gouvernement de diffuser le rapport complet de la commission d’enquête mixte de mars 2018. Il doit faire en sorte que les personnes accusées de crimes aux termes du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire soient révoquées ou suspendues de leurs fonctions jusqu’à ce qu’elles soient exonérées par un processus judiciaire équitable et impartial.

Le président doit envisager de rencontrer des victimes et leurs familles afin de leur exprimer son soutien et sa compassion pour les épreuves qu’elles ont subies et qu’elles continuent à subir en raison des actions ou des inactions de leur gouvernement. Bien que le procès du directeur de cabinet enverrait un signal positif selon lequel personne n’est au-dessus de la loi, c’est la justice pour les citoyens ordinaires et les actions contre l’impunité qui vont susciter la confiance de la population dans un contrat social renouvelé. En fait, il faut que la justice et l’obligation de rendre des comptes soient la clé de voûte de la présidence de Félix Tshisekedi.

Lorsque les familles de Rossy Mukendide Gaby Mamba, de Benjamin Badibanga, de Thérèse Kapangala, des cinq de l’UDPS et des nombreuses autres victimes de la répression menée entre 2015 et 2018 verront que de haut gradés soupçonnés d’avoir participé aux les homicides, aux actes de torture et aux autres violations dont ont été victimes leurs proches seront traduits en justice pour leurs crimes présumés, elles y verront un espoir pour la justice. Ainsi le président aura amorcé le recul de l’impunité et de l’injustice qui a prévalu tant d’années en RDC.

Le peuple congolais veut la justice maintenant. »

Ref.  Le président Tshisekedi doit tourner la page des décennies d’impunité et d’injustice

Le peuple congolais veut-il la justice ? A cet égard, L’Eglise catholique, pilier majeur de la nation, a un rôle formateur décisif à jouer: la CENCO doit faire entendre sa voix sans ambiguïté ni calculs politiques.

JPSC

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