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Quand le pape François rappelle la fraternité universelle qui relie tous les humains entre eux

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Du Père Xavier Dijon s.J., en opinion, sur le site de la Libre Belgique:

"Fratelli tutti" : Vous avez dit tous frères ?

Au moment où l’Europe ne sait trop comment gérer l’arrivée des migrants sur son sol, faut-il dire que, à cause de la destination universelle des biens, "chaque pays est également celui de l’étranger" ?

L’encyclique Fratelli tutti publiée par le pape François le 4 octobre dernier a pu susciter des réactions vives, comme d’ailleurs ses propos tout récemment révélés sur l’opportunité de la reconnaissance civile des unions homosexuelles. A propos de l’encyclique, on entend questionner çà et là. En des temps où les attentats islamistes provoquent l’effroi, faut-il que le Pape se réclame des encouragements d’une personnalité musulmane pour traiter le thème de la fraternité (cf. n° 5) ? Au moment où l’Europe ne sait trop comment gérer l’arrivée des migrants sur son sol, faut-il dire que, à cause de la destination universelle des biens, "chaque pays est également celui de l’étranger" (n° 124) ? Si le Pape dénonce toutes les raisons invoquées autrefois pour justifier la guerre (cf. n° 256), son propos n’insulte-t-il pas les soldats qui ont donné leur vie pour défendre leur pays face à l’horreur du nazisme ? Quant à la peine de mort, son rejet ferme (cf. n° 269) n’ouvre-t-il pas la porte au chantage des terroristes qui exigent la libération d’un des leurs, faute de quoi quantité d’otages seront exécutés ?

Dans ces conditions, comment un chrétien pourra-t-il accueillir cette encyclique, surtout s’il exerce des responsabilités politiques ? Les positions défendues par ce texte du Magistère ne sont sans doute pas frappées du sceau de l’infaillibilité appelant un assentiment de foi, mais, selon le droit qui régit l’Eglise, "C’est] néanmoins une soumission religieuse de l'intelligence et de la volonté qu'il faut accorder à une doctrine que le Pontife Suprême ou le Collège des Évêques énonce en matière de foi ou de mœurs, même s'ils n'ont pas l'intention de la proclamer par un acte décisif" (Can. 752) ; d’où la conclusion : "les fidèles veilleront donc à éviter ce qui ne concorde pas avec cette doctrine".

Or, pour récuser cette soumission religieuse de l’intelligence et de la volonté qui semble peu en phase avec les idéaux de la modernité, les fidèles peuvent renchérir : ce premier pape venu du tiers-monde ne connaît pas bien les façons de faire de l’Europe et – reproche suprême – il se mêle trop de politique. Mais de telles réactions ne font probablement pas assez la part des choses, de celles qu’il faut rendre à Dieu d’une part, à César d’autre part.

L’État doit maintenir un ordre temporel juste et donc prévenir autant que possible les atteintes à la sécurité du pays, en se servant des moyens qu’il se donne : l’armée, la frontière, la répression pénale… Cet emploi de la force, caractéristique de l’activité politique, s’impose du seul fait que, même si François d’Assise, relayé par François de Rome, a dit que tous les humains sont frères (Fratelli tutti), il faut reconnaître que certains d’entre eux – ou tous ? – ne veulent pas l’être, sinon à la manière de Caïn qui tua Abel. Que faire, donc, lorsque l’autre ne veut pas – ou n’a pas voulu – être frère ? Ne faut-il pas se résoudre alors à le chasser, le combattre, le punir ? Dieu (ou le Pape) pourrait-il dire le contraire ?

En réalité, quand le pape François rappelle la fraternité universelle qui relie tous les humains entre eux, en précisant que les chrétiens y entendent la musique de l’Évangile (n° 277), il ne prétend pas prendre la place des responsables politiques, même s’il parle – trop naïvement, ajoute-t-on – de sujets politiques tels que la guerre, la répression ou la migration. Il entend plutôt rappeler aux César de la terre qu’ils ne peuvent enclore leur regard sur la seule part de la réalité humaine qu’ils entendent ‘gérer’. Car, sur un plan plus profond que la qualification d’ennemi à vaincre, de criminel à punir ou de ‘migrant économique’ à chasser, se trouve un être humain dont la dignité mérite le respect à l’égal de tout autre être humain. C’est donc un regard qui s’engage ici, comme celui du Bon Samaritain de la parabole que le pape François met en exergue dans son texte. Alors qu’il est si tentant de passer à côté du blessé laissé à demi-mort au bord de la route, il est bon que le pasteur de l’Église universelle attire l’attention des décideurs – leur regard, précisément – sur les êtres auxquels ils ont affaire : avant de les expulser, de les condamner ou de les combattre, qu’il se rappellent qu’ils sont d’abord et avant tout leurs frères. Fratelli tutti.

Commentaires

  • Un précepte est une assertion objectivement vraie, la complexité de la vie un fait non moins réel : un jugement moral circonstancié doit tenir compte des deux paramètres. Dire à propos de l’immigration que, à cause de la destination universelle des biens, "chaque pays est également celui de l’étranger" (premier paramètre) est en soi insuffisant. Ou se borner à dire, sur un autre registre, que « la reconnaissance civile des unions homosexuelles est opportune » (second paramètre) le serait tout autant…

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