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Quand Mgr Paglia, président de l'Académie pontificale pour la vie, touche le fond

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250.000. Ce sont plus ou moins les vocables de la langue italienne, ils sont nombreux, mais ils ne suffisent pas à commenter de manière adéquate les propos de Mgr Vincenzo Paglia, président de l’Académie pontificale pour la vie, concernant la loi 194, la loi qui a légitimé l’avortement provoqué dans notre pays.

Hier, lors d’une émission sur la RAI , la présentatrice a demandé à Mgr Paglia, l’un des invités présents, ce qu’il pensait de l’avortement, entré dans le débat politique en vue des élections. Paglia répond : « Je pense que la loi 194 est désormais un pilier de notre vie sociale » . Sic. Le meilleur commentaire serait une page blanche, mais nous avons l’obligation – et le déplaisir – de commenter

Nous avons touché le fond, nous sommes à un point de non-retour, au point zéro de la moralité, de la foi, du raisonnable et de la cohérence. Nous avons le président d’une académie fondée pour protéger la vie qui protège une loi qui détruit la vie. C’est comme si le président de l’organisation juive Anti-Defamation League se déclarait en faveur de l’holocauste. Ce serait une contradiction dans les termes, un oxymore vivant. Si le principal représentant de la principale institution du Vatican fondée pour s’opposer, entre autres phénomènes sociaux contraires à la vie, à l’avortement, défend l’avortement, cela signifie que, du point de vue humain, nous avons maintenant atteint au sein de l’Église un renversement total des principes moraux catholiques, une révolution radicale de la doctrine. Paraphrasant l’archevêque Giacomo Biffi, nous pourrions dire que le bateau de Pierre ne coulera pas, mais que ses occupants semblent tous s’être noyés.

La loi 194, qui a permis de tuer, oui de tuer, plus de 6 millions d’enfants, est pour Paglia un pilier, si fondamental que, quand la présentatrice lui a demandé si la loi 194 était en discussion, le monsignore a répété : « Non, mais absolument, absolument ! » C’est la 194 qui devient un absolu moral, pas l’avortement. La 194 ne peut donc pas être touchée. Désolé de le dire, mais c’est ainsi que parlent les pro-avortement. Comment est-il possible de défendre un instrument de mort ? Un athée rationnel ne devrait pas le faire. C’est encore plus vrai pour un croyant. Encore plus pour un chrétien, un catholique. Encore plus un homme d’église. Encore plus un évêque ou un archevêque comme dans le cas de Paglia. Plus encore enfin le responsable de la pastorale de la vie au niveau mondial. En rappelant une réflexion de l’Académie pontificale pour la vie elle-même sur le thème de la collaboration (Réflexions morales sur les vaccins préparés à partir de cellules de fœtus humains avortés, 5 juin 2005), nous devons, hélas, conclure que Mgr Paglia, avec ces mots, a exprimé une collaboration formelle avec le mal parce qu’il considère qu’une loi injuste est juste, parce qu’il approuve le raisonnement de cette loi : il est légitime de tuer les enfants à naître.

Après quoi, Paglia, suivant un scénario rabâché, tire la cartouche habituelle: appliquons les bonnes parties de la 194, qui seraient les articles 2 et 5, pour encourager la maternité, c’est-à-dire pour éviter les avortements. Dans un article de juin 2018, nous expliquions les raisons pour lesquelles il est impossible de dire que la 194 devrait être mieux appliquée pour diminuer les avortements : « L’étroitesse réelle du champ d’application des obligations légales, l’impossibilité de sanctionner les agents sanitaires qui ne font pas leur devoir, le fait que c’est le médecin avorteur qui doit dissuader la femme, font que la 194 peut être parfaitement appliquée et en même temps pas du tout bloquer la machine à avorter qui tue un enfant toutes les cinq minutes. Ainsi, dans la 194, il n’y a pas de véritable prévention de l’avortement, non pas parce que les articles 2 et 5 sont mal appliqués (défaut phénoménologique), mais en raison de la structure intrinsèque de la 194 (défaut juridique) ». Il semble donc ahurissant de déclarer que pour lutter contre l’avortement, il faut mieux appliquer une loi qui autorise l’avortement. Non, pour lutter contre l’avortement, il faut notamment abroger la loi autorisant l’avortement. Même un enfant le comprendrait.

Enfin, dans son discours, Paglia met le doigt sur le problème de la natalité et sur le fait qu’il faut encourager les naissances (selon l’esprit totalement mondain qui veut qu’on ne dise jamais du mal de rien, mais seulement du bien de tout, sauf des populistes, des souverainistes, des traditionalistes, des riches, etc…). Mais Paglia ne sait-il pas que, données en main, la première cause de l’absence de naissance dans de nombreux pays occidentaux, y compris l’Italie, est précisément à chercher dans l’avortement et donc dans ce pilier social qu’est la 194 ? Un cinquième de l’ensemble des conceptions se terminent par un avortement volontaire. Paglia veut augmenter les naissances de 20% ? Qu’il décourage l’avortement, qu’il ne l’encourage pas en parlant en bien de la 194. Comment peut-on parler en bien d’une loi qui extermine les enfants en masse et se plaindre ensuite que peu d’enfants naissent ?

La sortie de Paglia, qui dans une situation normale devrait être accompagné à la porte aujourd’hui même, ajoute la consternation à la consternation aussi parce que nous vivons maintenant un âge, sinon d’or, du moins certainement d’argent dans le monde en ce qui concerne la protection juridique de la vie à naître. En juin dernier, la Cour suprême des États-Unis a relégué aux oubliettes l’arrêt Roe vs Wade qui légitimait l’avortement dans tout le pays. Là-bas, des juges laïques combattent l’avortement et ici, au contraire, un évêque à la tête de l’Académie pontificale pour la vie ne combat pas l’avortement mais le défend. Parce que défendre la 194 signifie défendre l’avortement. Et toute mystification rhétorique ne pourra jamais effacer cette évidence, cette équivalence.

Selon la pensée de Paglia, les marches et les rassemblements pro-vie devraient être vidées de leur sens, à moins de marcher pour défendre la 194 et, paradoxalement, pour soutenir la natalité. Le pro-avortement pourra facilement s’opposer au militant pro-vie : « Si votre patron est en faveur de la 194, pourquoi la critiquez-vous ? Lui ne la remet pas en question et, en conséquence, la 194 constitue une frontière infranchissable. Il n’y a pas de retour en arrière possible ». Le débat pourrait éventuellement se déplacer vers le nombre d’enfants qu’on parvient à mettre au monde, déduction faite des avortements : en d’autres termes, le nombre d’enfants qu’on met au monde et le nombre d’enfants qu’on avorte, car les deux choix sont légitimes (la 194 le dit implicitement).

Paglia n’est pas étranger à de telles sorties doctrinalement erronées, mais cette fois-ci il s’est surpassé car il a été, malheureusement, d’une clarté cristalline en manifestant sa pensée hétérodoxe, qui reste la sienne et certainement pas celle de l’Église. Voir à ce sujet Evangelium vitae :

Les lois qui, avec l’avortement et l’euthanasie, légitiment la suppression directe d’êtres humains innocents sont en contradiction totale et irrémédiable avec le droit inviolable à la vie propre à tous les hommes. [Les lois qui autorisent et favorisent l’avortement et l’euthanasie sont donc radicalement opposées non seulement au bien de l’individu, mais aussi au bien commun, et sont donc totalement dépourvues de véritable validité juridique. […] L’avortement et l’euthanasie sont donc des crimes qu’aucune loi humaine ne peut prétendre légitimer. Non seulement ces lois ne créent aucune obligation de conscience, mais elles font naître une obligation grave et précise de s’y opposer par « objection de conscience ». (n° 72-73. Voir aussi n° 20, 59, 69).

Considérer la 194 comme un pilier de la société – et Paglia ne décrivait pas un jugement commun simplement rapporté par lui, mais exprimait son propre jugement – n’est pas un champignon vénéneux poussé dans la forêt catholique du jour au lendemain, mais le dernier fruit empoisonné d’une plante qui est bien vivante dans l’Église depuis un certain temps. La plante de l’hérésie qui fait passer l’erreur pour un approfondissement et un développement doctrinal (mais une vérité peut-elle jamais devenir le contraire d’elle-même ?). La plante du dialogue à tout prix poussée à l’extrême au point que, pour dialoguer et ne contredire personne, on va jusqu’à importer les idées perverses de l’ennemi. La plante du pastoralisme sans doctrine qui conduit à embrasser non seulement le pécheur, mais aussi le péché. La plante de la miséricorde sans justice, qui efface le péché et la culpabilité, excuse tout et tous et accepte tout et tous. La plante du relativisme ecclésial dans lequel le pluralisme liquide et indistinct est mis à la place de la vérité, une antiquité à écarter. La plante du discernement qui fait de l’exception la règle. Enfin, la plante de l’athéisme car seuls ceux qui ont oublié Dieu, ceux qui n’ont pas la foi, peuvent être en faveur de l’avortement.

Cependant, le Saint-Esprit a, il faut bien le dire, beaucoup d’esprit. Pendant que Paglia parlait, le spectateur pouvait lire sur l’écran en haut à droite : « Ce soir à 21h20, film Les infidèles« .

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