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Des cardinaux créés pour assurer la continuité du pontificat actuel

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De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via Il Sismografo :

Le pape François crée des cardinaux pour assurer sa continuité

(Jean-Marie Guénois, Le Figaro) 

Analyse - Le pape ne compte pas renoncer à sa charge: il prépare avec soin sa succession afin de faire perdurer la ligne de son pontificat. --  Le pape François ne prend certes jamais de vacances mais sa «rentrée» 2022 sera l’une des plus actives du pontificat. À 85 ans, il inaugure samedi une séquence de quatre journées très denses, centrées - sans le dire - sur sa… succession.

Premier acte, la création samedi de vingt nouveaux cardinaux ; acte II, la visite, dimanche, dans la ville d’Aquila, de la tombe de Célestin V, seul pape de l’histoire - avec Benoît XVI désormais - qui a démissionné. Enfin, scène finale, lundi et mardi, un conseil à huis clos quasi inédit de tous les cardinaux pour débattre et leur expliquer la réforme de la curie romaine ainsi que la nouvelle gouvernance de l’Église.

Ce faisant, François préparerait-il l’annonce de sa renonciation? C’est hautement improbable. Il a mis les points sur les i en rentrant du Canada il y a un mois. Il a reconnu «sincèrement» que c’était une «option normale» mais qu’il n’avait aucune «envie de penser à cette possibilité». Un message qu’il répète depuis son élection, le 13 mars 2013.

Pour ce pragmatique, tout dépendra des circonstances de sa santé car il envisage tout autant l’option de demeurer pape jusqu’à la fin. D’autant que François attaque à présent l’œuvre majeure de son pontificat. Celle du passage d’une Église hiérarchique à une Église «synodale». C’est-à-dire démocratique et décentralisée. Soit un profond changement de culture ecclésiale, visant à mettre fin au «cléricalisme», le pouvoir des prêtres et des évêques, dans l’Église. Vendredi, le cardinal Mario Grech, un Maltais, en charge du «Synode sur la synodalité», l’a ouvertement reconnu: il a présenté à la presse, comme une sorte d’introduction à ce long week-end, l’état de la consultation mondiale sur cette réforme centrale. Mais elle ne sera seulement discutée sur le fond à Rome qu’en octobre 2023. Quant aux réformes subséquentes, elles n’interviendront pas avant début 2024.

Le rythme effréné des «consistoires»

François n’est donc pas sur le départ mais il prépare minutieusement sa succession pour que perdure l’orientation qu’il donne à l’Église catholique. Deux faits indéniables le démontrent. D’une part, le rythme des «consistoires», nom donné à ces cérémonies où des évêques sont créés cardinaux. Le quorum théorique prévu pour élire le pape est de 120 cardinaux, âgés de moins de 80 ans. Comme tous vieillissent ou meurent, il faut les renouveler en convoquant des consistoires. En vingt-cinq ans de pontificat, Jean-Paul II a lancé neuf consistoires. En huit ans de pontificat, Benoît XVI en a ordonné quatre. En neuf années et demie, François en a convoqué huit. Soit deux fois plus que Benoît XVI et trois fois plus que Jean-Paul II. À l’évidence, cette précipitation entendait modifier au plus vite le visage du Sacré Collège, ainsi que l’on appelle l’assemblée des cardinaux.

Deuxième fait incontournable: un pape est élu à la majorité des deux tiers des cardinaux votants. Plus un pape nomme de personnalités dans sa ligne, plus il assure une succession, même si rien n’est jamais prévisible au conclave. Si Jean-Paul II et Benoît XVI s’appliquaient à nommer de hautes personnalités aux antipodes de leur sensibilité, pour honorer la diversité de l’Église, François, lui, a choisi les profils des nouveaux cardinaux parmi des hommes d’action, des pasteurs de terrain, de préférence issus de petits pays ou de villes sous tension. C’est une donnée objectivement vérifiable sur les huit consistoires précédents. Les seuls théologiens ou intellectuels de taille, ou évêques de renom, que François nomme cardinaux ne le sont qu’à plus de 80 ans. Cette limite d’âge leur interdit d’entrer en conclave dans la chapelle Sixtine pour élire le successeur.

De fait, François veut une Église de pasteurs, pragmatiques, proches des réalités du monde. Les dogmatiques sont exclus de la direction de l’Église. Le résultat de cette «politique» sera pour la première fois concret ce samedi: si un conclave intervenait dans les semaines qui viennent, François aurait nommé 83 des 132 électeurs âgés de moins de 80 ans, soit 63 % de l’assemblée. À 132 électeurs, chiffre actuel, la majorité requise pour élire un pape - fixée à 66 % - serait de 87 voix. Il est donc possible de dire que François a désormais assuré une majorité de cardinaux plutôt en faveur de ses réformes. D’autant que plusieurs cardinaux, encore en âge de voter et nommés par Benoît XVI, se reconnaissent dans le pontificat du pape argentin.

Autre constat: l’origine culturelle importe de moins en moins dans cette élection, même si le pontificat de François aura vu la part des cardinaux électeurs européens passer sous la barre des 50 %. Ils sont à 42 %, suivis par l’Amérique latine et centrale, à 18 %, et par l’Asie et l’Océanie, à 17 %. L’Afrique dispose de 12 % des cardinaux électeurs et l’Amérique du Nord de 11 %.

Sur le plan des nationalités, le nombre de cardinaux italiens continue de baisser mais ils sont encore 21 électeurs. Ce qui apparaît disproportionné quand les États-Unis n’ont, eux, que 10 électeurs, l’Espagne 8, le Brésil 6 ; et l’Inde 5, à égalité avec les cardinaux électeurs français.

L’arrivée de Mgr Jean-Marc Aveline, 63 ans, va renforcer pour peu de temps la place de la France, qui compte six cardinaux désormais: le bien connu et de longue expérience Paul Poupard, 92 ans le 30 août prochain, Philippe Barbarin, 71 ans, archevêque émérite de Lyon, Dominique Mamberti, 70 ans, préfet de la Signature apostolique et qui a été ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège sous Benoît XVI, Jean-Pierre Ricard, 78 ans en septembre, archevêque émérite de Bordeaux. Et André Vingt-Trois, archevêque émérite de Paris, qui atteindra les 80 ans en novembre prochain, âge où il ne pourra plus élire le pape. Il n’y aura donc que 4 cardinaux électeurs français d’ici peu. Soit autant que le Canada et un de plus que le Portugal, la Pologne ou l’Allemagne, qui ont 3 électeurs.

Lundi et mardi prochains, tous les cardinaux, électeurs ou non, ce qui représente 206 prélats, se réuniront à huis clos autour de François. Le thème officiel est celui de la «réforme de la curie», dont le texte a été publié le 19 mars dernier. Mais plusieurs sources indiquent que ce sera aussi une sorte de bilan du pontificat et un repérage des personnalités éminentes. François, pourtant épris d’esprit synodal, s’est méfié de ce genre de réunion. Après une seule expérience en 2015, il s’est bien gardé de réunir son sénat depuis.

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