Le choix des époux Ulma avait été illuminé par la parabole du Bon Samaritain. Ils en avaient souligné le texte dans leur Bible. Comme le Samaritain de l'Evangile, ils n'appartenaient pas au Peuple Juif, mais ils avaient mis héroïquement en pratique le commandement de l'amour du prochain jusqu'à donner leur vie pour ces frères persécutés, ce qui leur a mérité d'être reconnus en Israël comme "justes parmi les nations".
Les parents et les enfants réunis dans une même béatification
L'importance et la nouveauté de cette béatification consiste dans le fait qu'elle associe aux deux époux Jozef et Wiktoria tous leurs jeunes enfants qui ont été tués avec eux, y compris celui qui était encore dans le sein maternel. Ils ressemblent aux saints Innocents de l'Evangile, ces enfants tout-petits massacrés par le roi Hérode qui voulait tuer Jésus. Ils n'étaient pas conscients, ils n'ont pas choisi de mourir pour Lui, et pourtant l'Eglise vénère comme de vrais martyrs, comme les premiers martyrs.
La béatification de la famille Ulma nous invite à dépasser une conception trop individualiste de la sainteté, en considérant aussi son aspect communautaire, à la lumière de la parole de Jésus: "Quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis là au milieu d'eux" (Mt 18, 20). Cette dimension communautaire de la sainteté apparaît spécialement dans les groupes de martyrs, comme par exemple les bienheureuses Carmélites de Compiègne et les bienheureux martyrs de l'Algérie.
Cette reconnaissance d'un martyre familial vient éclairer des Causes analogues, en particulier celui des Serviteurs de Dieu Cyprien et Daphrose Rugamba, tués le 7 avril 1994, premier jour du Génocide Rwandais, avec 6 de leurs enfants et une jeune nièce. La Cause de béatification les inclut tous. On trouverait sûrement d'autres exemples de martyre familial, en particulier dans le cadre du Génocide Arménien.
La béatification d'un enfant dans le sein maternel
La béatification du septième enfant encore présent dans le sein de sa mère est sûrement l'élément le plus original et le plus important. Cet enfant sans nom, dont on ignore même le sexe, n'a connu ni la naissance naturelle ni la naissance surnaturelle du baptême, mais seulement la naissance à la vie du Ciel. Pour l'Eglise, c'est une personne et une personne sainte; c'est une âme qui voit la face de Dieu et qui représente dans l'Eglise du Ciel la foule immense des enfants qui sont morts avant la naissance, par une mort naturelle ou par une mort provoquée (l'avortement).
En lien avec cette béatification, il convient de rappeler comment, après le Concile, l'Eglise a pu dépasser la classique doctrine des limbes qui excluait pour toujours de la vie du Ciel tous les petits enfants morts sans baptême. En 2007, le Pape Benoît XVI a approuvé le Document de la Commission Théologique Internationale qui, tout en réaffirmant l'importance du baptême, ouvrait pour ces tout-petits la ferme espérance du salut éternel.
Ici, la grande lumière évangélique nous est donnée dans le récit de la Visitation, lorsque Jésus, déjà présent et vivant dans le sein de Marie, sanctifie Jean-Baptiste dans le sein d'Elisabeth. Selon les mots de saint Irénée de Lyon, l'Incarnation du Fils de Dieu est véritablement "la récapitulation de la longue histoire des hommes", de tous et de chacun en particulier, depuis l'instant de sa conception. Avant la naissance et avant le baptême, Jésus s'unit déjà à tout être humain comme son Créateur et son Sauveur.
"Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé" (Rm 5, 20). Telle est la grande vérité de notre Foi que les martyrs font resplendir dans leur union avec Jésus mort et ressuscité, en intercédant avec Lui pour le Salut de tous les hommes.
Rome, le 28 décembre 2022, en la fête des Saints Innocents
Commentaires
Le martyre au nom de la charité de la bienheureuse famille de Jozef et Wiktoria Ulma (24 mars 1944) (24 mn)
https://youtu.be/MXp1fH2_3fU
Thèmes abordés : Différence entre « juste parmi les Nations » et « saint » ? L’âme humaine est révélée par ce crime : « Quelques criminels, quelques saints et quelques justes, et beaucoup de pauvres pécheurs qui font ce qu’ils peuvent » ; Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ? Que faut-il faire si la situation se représente ?
Cette famille polonaise profondément catholique a caché au risque de sa vie toute une famille Juive durant la seconde guerre mondiale. Dénoncée par un Polonais qui voulait s’accaparer les biens de la famille Juive, ils ont été assassinés avec leurs six petits enfants par un commando Nazi. Déclarés justes parmi les Nations en Israël, ils sont en voie de béatification par l’Eglise catholique.