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"L'annonce de Dieu a été le centre du pontificat de Benoît XVI" (Georg Gänswein)

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D'Andreas Thonhauser, Chef du bureau du Vatican pour EWTN, sur le National Catholic Register :

Le secrétaire personnel de Benoît XVI : "L'annonce de Dieu a été le centre du pontificat de Benoît XVI".

L'archevêque Georg Gänswein a longuement discuté des dernières années du pape émérite lors d'une vaste interview accordée à EWTN le mois dernier.

31 décembre 2022

L'archevêque Georg Gänswein connaît le pape émérite Benoît XVI à titre officiel depuis sa nomination à la Congrégation pour la doctrine de la foi en 1995. Depuis l'élection de Benoît XVI comme pape en 2005, sa démission surprenante en 2013 et ses dernières années au monastère Mater Ecclesiae au Vatican, Mgr Gänswein, 66 ans, a été le secrétaire personnel de Benoît XVI, et le pape émérite a rarement été vu en public sans lui.

L'archevêque a eu un point de vue unique sur les dernières années de Benoît XVI, qu'il dit avoir été principalement consacrées à la prière.

Le 22 novembre, un peu plus d'un mois avant que le pape émérite Benoît XVI ne décède le 31 décembre à 9 h 34, heure de Rome, à l'âge de 95 ans, Mgr Gänswein a été interviewé par Andreas Thonhauser, chef du bureau de EWTN au Vatican. Voici la transcription :

Votre Excellence, comment se portait le Pape émérite Benoît XVI vers la toute fin de sa vie ? 

Contrairement à ce qu'il pensait, il avait vécu jusqu'à un âge avancé. Il était convaincu qu'après sa démission, le Bon Dieu lui accorderait une année de plus. Personne n'a probablement été plus surpris que lui de voir que cette "année supplémentaire" s'est avérée être plusieurs années de plus. 

Vers la fin, il était physiquement très faible, très frêle, bien sûr, mais - grâce à Dieu - son esprit était aussi clair que jamais. Ce qui était douloureux pour lui, c'était de voir sa voix devenir de plus en plus faible. Il avait dépendu toute sa vie de l'usage de sa voix, et cet outil s'était progressivement perdu pour lui. 

Mais son esprit était toujours clair, il était serein, posé, et nous - qui étions toujours autour de lui, qui vivions avec lui - nous sentions qu'il était sur la dernière ligne droite et que cette dernière avait une fin. Et il avait cette fin bien en vue. 

Avait-il peur de mourir ? 

Il ne parlait jamais de la peur. Il parlait toujours du Seigneur, de son espoir que, lorsqu'il se tiendrait enfin devant lui, il lui ferait preuve de douceur et de miséricorde, connaissant, bien sûr, ses faiblesses et ses péchés, sa vie. ... Mais, comme l'a dit Saint Jean : Dieu est plus grand que notre cœur. 

Vous avez passé de nombreuses années à ses côtés. Quels ont été les moments clés pour vous ? 

Eh bien, pour moi, tout a commencé lorsque je suis devenu membre du personnel de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lorsqu'il [le cardinal Ratzinger] en était le préfet. Je suis ensuite devenu le secrétaire. Cela devait durer quelques mois, tout au plus, mais, en fin de compte, cela a duré deux ans. 

Puis Jean-Paul II est mort, et Joseph Ratzinger est devenu le pape Benoît XVI ; j'ai passé toutes ces années comme secrétaire à ses côtés, et puis, bien sûr, aussi pendant qu'il était pape émérite. Il avait été plus longtemps pape émérite que pape régnant. 

Ce qui m'a toujours impressionné, et même surpris, c'est sa douceur, sa sérénité et sa bonne humeur, même dans des situations très épuisantes, très exigeantes - et parfois même très tristes, d'un point de vue humain. 

Il ne perdait jamais son calme, il ne se mettait jamais en colère. Bien au contraire : Plus il était mis au défi, plus il devenait silencieux et pauvre en paroles. Mais cela avait des effets très positifs et bienveillants sur ceux qui l'entouraient. 

Il n'était cependant pas du tout habitué aux grandes foules. Bien sûr, en tant que professeur, il avait l'habitude de parler devant un grand, voire un très grand, public d'étudiants. Mais c'était lui, en tant que professeur, qui parlait à des étudiants. Plus tard, en tant que pape, toutes ces rencontres avec des gens de différents pays, leur joie et leur enthousiasme, ont été, bien sûr, une expérience très différente. 

Il a dû s'y habituer, et il n'a pas été facile de trouver le bon chemin. Mais il ne s'est pas laissé dicter sa conduite par un coach médiatique, il a simplement et naturellement assumé la tâche et, finalement, comme je peux le dire, il a grandi. 

Nous parlions de sa douceur, de la manière dont il traitait les personnes qui l'entouraient. Pouvez-vous nous donner un exemple ? 

Je me souviens d'une réunion avec des évêques et des cardinaux, lorsqu'il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le sujet était tel que les choses se sont rapidement envenimées, tant sur le plan du contenu que sur celui des déclarations verbales. L'italien devait être parlé, puisque c'était la langue commune. Et j'ai pu constater que les italophones étaient, bien sûr, plus rapides et plus forts, montrant même de légères poussées d'agressivité. 

De manière très simple, un peu calme, il a d'abord atténué l'atmosphère agressive, en essayant de passer du ton au contenu. Il a simplement dit : "Les arguments sont convaincants ou ils ne le sont pas ; le ton peut être soit dérangeant, soit utile. Je propose que nous nous aidions mutuellement à faire baisser le ton et à renforcer les arguments." 

Pouvez-vous nous en dire plus sur lui en tant qu'être humain ? Comment comprenait-il la fonction papale ? Après tout, c'était un être humain qui devait s'acquitter de cette tâche... 

La dernière chose qu'il souhaitait ou désirait, c'était sûrement de devenir pape à l'âge de 78 ans. Mais il est devenu pape, il l'a assumé, il y a vu la volonté de Dieu, et il a assumé cette tâche. Au début, il y a eu une certaine insécurité, momentanée : les caméras de télévision et les photographes étaient partout, et une vie privée, une vie normale, n'était plus possible. 

Mais j'ai pu sentir comment il s'est simplement mis dans cette situation, confiant fermement dans l'aide de Dieu pour qu'il lui donne les dons qui lui manquaient et dont il avait besoin maintenant ; confiant que, avec ses dons naturels, mais aussi avec l'aide de Dieu, il serait capable de mener à bien la charge qui lui a été confiée, en la gérant de telle manière qu'elle soit effectivement au bénéfice de toute l'Église et des fidèles. 

Au début, vous avez dit que la parole - la parole, mais aussi l'écrit - était son outil, pour ainsi dire. Lesquels de ses écrits, de ses lettres encycliques, de ses livres sont importants pour vous personnellement ? 

En tant que pape, il a écrit trois lettres encycliques ; la quatrième a été écrite avec le pape François et ensuite également publiée par le pape François : Lumen Fidei, sur la foi. Je dois avouer que Spe Salvi est l'encyclique qui m'a personnellement le plus nourri spirituellement, et je crois aussi que, de toutes ses lettres encycliques importantes, celle-ci finira par " gagner la course. " 

J'ai commencé à lire ses œuvres lorsque j'étais encore étudiant et séminariste à Fribourg ; je les ai toutes lues, et cela, bien sûr, influence la croissance spirituelle d'une personne. Je pense que l'une des choses qui restera est certainement la "trilogie de Jésus". À l'origine, il ne devait y avoir qu'un seul volume. Il l'a commencé lorsqu'il était cardinal, et il a terminé le premier volume en tant que pape. Et il pensait que le Bon Dieu ne lui donnerait la force que pour le premier livre. 

Il voulait que, parmi les écrits publiés sous son nom - outre les textes officiels qu'il a écrits en tant que pape, bien sûr, ses lettres encycliques par exemple - la "Trilogie de Jésus", son "Livre de Jésus" en trois volumes, soit considérée comme son testament spirituel et intellectuel. Il a commencé à l'écrire en tant que cardinal, puis a continué en tant que pape. Au début, il a dit : "Il est maintenant temps pour moi de terminer ; qui sait combien de temps mes forces vont durer ?" 

Ses forces ont duré, il a commencé le deuxième volume, et ainsi de suite. Ces trois volumes contiennent tout son être personnel de prêtre, d'évêque, de cardinal et de pape, mais aussi toute sa recherche théologique, toute sa vie de prière - sous une forme qui, grâce à Dieu, peut être facilement comprise ; une forme qui est écrite au plus haut niveau académique, mais qui sera aussi, pour les fidèles, son témoignage personnel durable. Et c'est exactement ce que nous voulions. Avec ce livre, cette forme d'annonce de la foi, il voulait renforcer les gens dans la foi, les conduire à la foi et ouvrir les portes de la foi. 

Lesquelles de ces pensées allez-vous adopter personnellement, lesquelles vous ont le plus aidé ? 

Quand je regarde le livre sur Jésus, la chose cruciale est que ce livre ne décrit pas quelque chose du passé - cette seule Personne, même si elle est le Sauveur - mais il parle du présent. Le Christ a vécu, mais il est toujours vivant. Lire ce livre aide à faire le lien, pour ainsi dire, avec le présent, avec le Christ. Je ne me contente pas de lire quelque chose qui s'est passé. Quelque chose s'est passé, oui, mais ce qui s'est passé a une signification pour moi, pour tous ceux qui le lisent, pour ma vie de foi personnelle. Et cela, je pense, est décisif, dans le sens où Joseph Ratzinger, le pape Benoît, ne minimise pas, n'enlève pas, ne supprime rien de ce que l'Église professe en matière de foi. Et cela, pour moi, c'est quelque chose qui reste. J'ai lu le premier volume plusieurs fois, je l'ai relu et relu encore pour accompagner certaines saisons de ma vie. Je ne peux que le recommander ; c'est très utile, une véritable nourriture spirituelle. 

Comment l'avez-vous perçu ? Comment vivait-il sa foi ? 

La foi lui a été transmise par ses parents, de manière très naturelle, très normale, et cela a eu une très forte influence sur lui. Ce qu'il a reçu de ses parents et plus tard de ses maîtres, ses maîtres spirituels, a ensuite été approfondi dans sa propre vie, surtout à travers ses études, mais aussi à travers ses conférences. Et ce qu'il avait approfondi de cette manière est devenu sa propre vie de foi. J'ai toujours eu l'impression - et je ne pense pas être le seul - que ce que disait le professeur Ratzinger, l'évêque Ratzinger, l'archevêque et le cardinal Ratzinger ou le pape Benoît, n'était pas quelque chose à réciter parce que cela faisait partie de la fonction : c'était, pour ainsi dire, "la chair de sa chair". C'était ce qu'il croyait et ce qu'il voulait transmettre, pour qu'il puisse transmettre cette flamme à d'autres et la faire briller. 

Un pape a-t-il du temps pour la prière, pour le silence ? 

Cela dépend de la façon dont vous gérez votre temps. Si quelque chose est important pour moi, j'essaie de trouver le temps nécessaire. Et pas seulement le temps qu'il pourrait me rester, mais le temps que je prévois déjà lorsque je planifie ma journée. 

Ce que j'ai vécu avec lui en tant que cardinal, mais aussi en tant que pape - après tout, je vivais avec lui - c'est que nous avions toujours des heures de prière fixes. Il y avait des exceptions, bien sûr ; par exemple, lorsque nous étions en voyage. Mais les heures de prière étaient sacro-saintes. 

Concrètement, cela signifiait : Sainte Messe, bréviaire, chapelet, méditation. Il y avait des heures fixes, et c'était ma tâche de m'y tenir et de ne pas dire : "Ceci est important maintenant ; ceci est très important ; et ceci est encore plus important." Il a dit : "La chose la plus importante est que Dieu passe toujours en premier. Nous devons d'abord chercher le royaume de Dieu ; tout le reste nous sera donné en plus." C'est une phrase simple, et elle sonne bien. Mais il n'est pas si simple de s'y tenir. "Mais c'est la raison pour laquelle elle est vraie, et pourquoi vous devez contribuer à ce qu'elle le reste." 

Les saints servent de modèles pour notre vie chrétienne. Quel était le saint préféré du pape Benoît ? 

Son saint préféré était saint Joseph, mais il fut bientôt rejoint par saint Augustin et saint Bonaventure. Et ce, tout simplement parce qu'il avait étudié ces deux grandes figures de l'Église de manière très intensive et qu'il a pu constater à quel point elles ont fécondé sa vie spirituelle et intellectuelle. 

Parmi les femmes - pour ne pas mentionner uniquement les hommes - la Vierge Marie est le numéro 1, bien sûr. Et puis je dirais Sainte Thérèse d'Avila, qui, dans sa puissance et sa force intellectuelle et spirituelle, a donné un témoignage qu'il a trouvé très impressionnant. Et puis - vous n'allez pas le croire - il y a aussi la petite Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. 

Parmi les plus contemporaines, je crois que nous pouvons aussi inclure Mère Teresa, grâce à sa simplicité et à sa conviction. En effet, ce qu'elle a vécu était plus qu'un simple cours de théologie, de théologie fondamentale ou autre. Elle vivait l'Évangile ; et cela, pour lui, était décisif. 

Il connaissait personnellement Mère Teresa, n'est-ce pas ? 

Oui, il l'a rencontrée en 1978, au "Katholikentag" (Journée catholique) de Fribourg. Je m'y trouvais aussi. Il venait d'être archevêque pendant un an, et j'étais au séminaire depuis un an. Mère Teresa était là, dans la cathédrale de Fribourg, ainsi que le cardinal de Munich et Freising, Joseph Ratzinger. 

Comment Joseph Ratzinger, comment le pape Benoît a-t-il façonné l'Église ? 

Comme il l'a souligné dans l'homélie qui a marqué le début de son pontificat, lorsqu'il a pris ses fonctions, il n'avait aucun programme de gouvernement, aucun programme ecclésiastique. Il essayait simplement de proclamer la volonté de Dieu, d'affronter les défis de notre temps selon la volonté de Dieu. Et il voulait y mettre tout son cœur. Un programme n'aurait pas été utile, car à l'époque, les événements se déroulaient à une vitesse sans précédent, même dans les situations difficiles. Et être capable de s'adapter à cela était certainement l'une de ses plus grandes forces. Il détectait rapidement les problèmes et savait qu'il fallait y répondre par une réponse de foi : non seulement une réponse qui avait, pour ainsi dire, une base théologique, mais une réponse qui allait plus loin, qui découlait de la foi elle-même, qui était à la fois théologiquement justifiée et convaincante. 

Et c'est pourquoi je pense que sa grande contribution, son grand soutien aux croyants, a été la parole. Nous avons déjà dit que la parole était sa plus grande, sa meilleure "arme" - comme cela semble "martial" ! La parole, il pouvait la manier, et avec la parole, il pouvait inspirer les gens et remplir leur cœur. 

Si l'on considère son pontificat, quels ont été les plus grands défis qu'il a dû relever ? 

Il était très clair dès le début que le plus grand défi était ce qu'il appelait le "relativisme". La foi catholique et l'Église catholique sont convaincues que, en Jésus-Christ, la vérité est née et s'est faite chair : " Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. " 

Et le relativisme dit finalement : La vérité que vous proclamez est contre la tolérance. Vous ne tolérez pas les autres convictions - c'est-à-dire, au sein du christianisme, en ce qui concerne la question de l'œcuménisme - vous ne tolérez pas les autres religions ; vous les estimez peu. Et ce n'est pas vrai, bien sûr. La tolérance signifie que je prends chacun au sérieux dans sa foi, dans ses convictions, et que je les accepte. Mais cela ne veut pas dire que je dévalorise ensuite tout simplement ma propre foi : la foi dont je suis convaincu, la foi que j'ai reçue pour la transmettre. C'est tout le contraire ! ... C'était le relativisme - et puis il y avait la question de la relation entre la foi et la raison. C'était l'un de ses points forts. 

Et puis, lorsqu'il était pape, est venue - de manière inattendue, mais très puissante - toute la question des abus, un défi qui est venu d'une manière si puissante, on ne s'y attendait pas. En fait, à cet égard, il avait déjà joué un rôle important en tant que cardinal, lorsque les premières questions, les premières communications, les premières difficultés, les premiers rapports d'abus nous sont parvenus des États-Unis. À l'époque, j'avais déjà servi dans la Congrégation pour la doctrine de la foi pendant deux ans, et je me souviens donc très bien de la façon dont il a abordé cette question, et aussi de la façon dont il a dû surmonter une certaine résistance interne. Ce n'était pas facile, mais il a très bien relevé ce défi, de manière décisive et courageuse, ce qui s'est avéré utile par la suite pour son pontificat. 

Il avait l'habitude de dire : "Il y a des sujets importants, mais le plus important est la foi en Dieu". C'est le centre, autour duquel sa prédication, sa papauté et son ministère pontifical ont évolué : la conviction que je dois proclamer ma foi en Dieu. C'est essentiel. D'autres peuvent faire d'autres choses, mais le but principal, la tâche principale du pape est précisément cela ; et pour ce témoignage, il est et sera toujours le premier témoin. 

Ainsi, l'annonce de Dieu était au centre de son pontificat. 

Exactement, si je peux le résumer ainsi. ... La proclamation de la foi, la justification de l'Évangile. Pour nous, Dieu n'est pas une idée, une simple pensée : Dieu est le but de notre foi. En effet, à un moment donné, le centre de notre foi s'est incarné, s'est fait homme : Jésus de Nazareth. Et tout ce que nous savons de cette époque a ensuite été condensé dans les Évangiles et dans les Écritures, dans le Nouveau Testament. Et proclamer cela, le proclamer d'une manière crédible et convaincante, était le centre et le but de son ministère papal. 

Parler des abus : Il n'y a pas longtemps, le Pape Benoît a été mentionné dans le rapport sur les abus dans l'archidiocèse de Munich et Freising. Comment a-t-il réagi à ces accusations, qui ont été réfutées par la suite mais qui ont néanmoins été portées à son attention ? Comment cela a-t-il été perçu par lui, en particulier à la lumière de tous les efforts qu'il avait déployés pour enquêter sur les abus et les combattre ? 

Nous avons déjà mentionné comment, en tant que préfet, il a dû faire face aux accusations venant des États-Unis, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, et qu'il a adopté une position forte contre les résistances internes et externes. Et la même position claire et sans ambiguïté a été adoptée lorsqu'il était pape ; les exemples ne manquent pas. 

Lorsqu'il a été personnellement accusé d'avoir mal géré des cas d'abus sexuels lorsqu'il était archevêque de Munich et Freising, de 1977 à 1982, cela l'a vraiment surpris. 

On lui a demandé s'il accepterait de répondre aux questions concernant l'enquête, qui portait sur la gestion d'une succession d'archevêques, du cardinal [Michael von] Faulhaber à l'archevêque actuel. 

Il a répondu : "Je suis partant ; je n'ai rien à cacher". S'il avait dit "Non", on aurait pu penser qu'il cachait quelque chose. 

Ils nous ont envoyé de nombreuses questions ; et il y a répondu. Il savait qu'il n'avait rien fait de mal. Il a déclaré tout ce dont il pouvait se souvenir ; tout est dans le rapport. Au cours de la rédaction de notre déclaration, nous avons commis une petite erreur : ce n'était pas une erreur de la part du pape Benoît, mais un oubli de l'un de nos collaborateurs, qui s'est immédiatement excusé auprès de lui [Benoît]. Il a dit que c'était son erreur, qu'il s'était trompé de date concernant la présence ou l'absence à une réunion. 

L'article a été immédiatement publié et immédiatement corrigé. Mais le récit selon lequel le pape avait menti est malheureusement resté. Et c'est la seule chose qui l'a vraiment choqué : qu'on le traite de menteur. 

Ce n'est tout simplement pas vrai. Il a alors écrit une lettre personnelle. Il a dit que ce serait le dernier mot sur la question et que, après cette lettre, il ne ferait plus de commentaires. Ceux qui ne le croient pas, ou ne veulent pas le croire, ne sont pas obligés de le faire. Mais celui qui examine les faits honnêtement et sans parti pris, doit se prononcer : L'accusation d'être un menteur est tout simplement fausse. Et c'est infâme ! 

C'est une accusation qui l'a vraiment choqué, d'autant plus qu'elle venait d'un camp qui ne se distingue pas exactement par ses grandes actions dans le domaine moral, mais bien au contraire. C'était tellement moralisateur qu'il faut le dire : C'est et ça reste une honte ! Mais ce n'était pas le dernier mot. Le pape Benoît a déclaré : "Je n'ai rien caché. J'ai dit ce que j'avais à dire. Je n'ai rien à ajouter ; il n'y a rien à dire de plus". 

Il ne pouvait que faire appel à la raison, à la bonne volonté et à l'honnêteté ; il n'y avait vraiment pas grand-chose d'autre à faire. Et c'est exactement ce qu'il a écrit dans sa lettre. Pour tout le reste, il devait répondre au Bon Dieu. 

En fait, tout ce que vous dites est là, dans les documents et dans les dossiers. Quiconque agit sans intention malveillante peut le reconstituer et faire éclater la vérité au grand jour. 

Comme je l'ai dit, l'impartialité est une condition préalable. 

Non seulement dans cette affaire, mais en principe, mais surtout dans cette affaire. Et celui qui est prêt à agir avec impartialité, l'a reconnu ou le reconnaîtra. 

Le pape Benoît était-il heureux ? Était-il satisfait, comblé dans son parcours personnel de vie ? 

De tous les adjectifs que vous venez de citer, je dirais que le dernier est vrai : épanouissement. Je l'ai perçu comme quelqu'un qui était vraiment épanoui par ce qu'il faisait. Il a décidé de consacrer sa vie à la prêtrise. Sa première vocation, son premier amour, était l'enseignement, bien sûr. Et c'est pourquoi il est devenu professeur. C'était tout simplement son destin. 

Puis il est devenu évêque, et enfin, il est venu à Rome. Tout cela était conforme à sa nature, à sa structure intellectuelle. Qu'il devienne pape était - comme je l'ai déjà dit - la dernière chose qu'il attendait ou souhaitait. Mais il l'a accepté, et dans toutes ses tâches - pour autant que j'aie pu le voir - il était vraiment épanoui et prêt à tout donner. 

J'ai remarqué qu'il donnait quelque chose de lui-même ; il donnait ce qui était le plus important pour lui. Ce qu'il transmettait n'était pas quelque chose qu'il avait pris quelque part, un jour ou l'autre : Il transmettait quelque chose de lui-même, quelque chose qui venait de sa propre vie, de son honnêteté intellectuelle, de sa foi. Pour en revenir à l'image de l'étincelle : pour qu'elle jaillisse et fasse jaillir un feu. 

Comment parlait-il de sa famille ? 

Compte tenu de tout ce que vous pouvez lire, de tout ce qu'il a dit et que j'ai entendu moi-même, je dois dire qu'il n'a parlé qu'avec beaucoup d'amour et de respect de ce que ses parents ont fait, surtout pour leurs trois enfants. Son père était policier, ils n'avaient pas beaucoup d'argent, et pourtant tous les enfants ont reçu une très bonne éducation - et cela coûtait cher ! Mais ce qui a été vraiment décisif, c'est l'exemple de foi qu'ils leur ont donné. Il disait toujours que c'était et restait la base de tout ce qui venait après. 

Quelles sont les paroles qu'il a prononcées dont vous vous souviendrez ? Qu'est-ce qui restera ? 

Eh bien, à ce stade, permettez-moi de vous le dire : À maintes reprises - surtout pendant son mandat d'émérite - je me suis retrouvé dans des situations difficiles, des moments où j'ai dit : "Saint Père, c'est impossible ! Je ne peux pas y faire face ! L'Église se heurte à un mur de briques ! Je ne sais pas : Le Seigneur est-il endormi ; n'est-il pas là ? Que se passe-t-il ?" Et il a dit : " Vous connaissez un peu l'Évangile, n'est-ce pas ? Le Seigneur était endormi dans la barque sur la mer de Galilée, dit l'histoire. Les disciples avaient peur : Une tempête se préparait, des vagues arrivaient. Et ils l'ont réveillé parce qu'ils ne savaient pas quoi faire. Et il a simplement dit : "Que se passe-t-il ? Jésus n'a eu qu'à adresser quelques mots à la tempête, pour faire comprendre qu'il est le Seigneur, même sur le temps et les tempêtes." Et puis Benoît m'a dit : "Regarde, le Seigneur ne dort pas ! Alors, si, même en sa présence, les disciples avaient peur, il est tout à fait normal que les disciples d'aujourd'hui puissent avoir peur, ici et là. Mais n'oubliez jamais une chose : Il est là, et il reste là. Et dans tout ce qui vous préoccupe maintenant, qui est difficile pour vous maintenant, qui pèse sur votre cœur ou sur votre estomac, c'est quelque chose que vous ne devez jamais oublier ! Prenez-le de ma part ; j'agis en conséquence". 

C'est quelque chose qui, parmi d'autres choses, s'est vraiment enfoncé dans mon cœur, et qui y reste fermement ancré. 

Pouvez-vous partager une autre anecdote de votre séjour avec le pape Benoît ? 

Le pape Benoît était un homme doté d'un grand sens de l'humour. Il aimait quand, même dans les questions difficiles, l'humour n'était pas totalement mis de côté, car il peut fournir une sorte d'ancrage, et aussi une sorte de "fil" qui nous conduit "vers le haut". Ainsi, j'ai pu remarquer ici et là, comment, dans des situations difficiles, que ce soit en tant que cardinal ou en tant que pape, il essayait - non pas d'apporter une sorte de "tournant drôle", ce qui semble trop superficiel - mais d'apporter une once d'humour, un élément d'humour qui pouvait "désintoxiquer" les choses. 

Et cela s'est avéré très précieux pour ma propre vie dans certaines situations difficiles. Et je lui en suis très reconnaissant. 

Santo Subito - "saint tout de suite" ? 

C'est le message que nous avons pu lire lors des funérailles de Jean-Paul II sur la place Saint-Pierre. Je ne m'en souviens que trop bien : Il y avait de nombreux panneaux et aussi de grandes affiches peintes avec la légende Santo Subito. Je crois que cela ira dans ce sens. 

Excellence, merci beaucoup pour cette interview. 

Merci de m'avoir invité.

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