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Allemagne : la déchristianisation touche aussi l'Eglise protestante

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Du site du journal La Croix (Delphine Nerbollier, correspondante à Berlin (Allemagne):

Allemagne : pourquoi l’Église protestante perd aussi des fidèles 

Alors que l’Église catholique allemande vient d’achever le Chemin synodal engagé pour tenter de répondre à la crise des abus sexuels et enrayer son déclin, les « sorties d’Église » touchent aussi depuis longtemps l’Église protestante outre-Rhin, et s’accélèrent ces dernières années. Aux raisons internes s’ajoute la vague de fond de la sécularisation du pays.

16/03/2023

L’Église protestante en Allemagne n’échappe pas à la crise qui touche l’Église catholique et qui l’a poussée à lancer son Chemin synodal. Les 20 Églises régionales luthériennes, réformées et unies du pays, regroupées sous le toit de l’EKD (Evangelische Kirche in Deutschland), n’en finissent pas de perdre des membres.

Les derniers chiffres de 2022 en marquent une nouvelle fois l’ampleur. Avec 19,1 millions de membres, l’EKD ne représente plus que 22,7 % de la population : un niveau historiquement bas. Elle a perdu un demi-million de fidèles en 2022, entre les 365 000 décès et les 380 000 sorties volontaires – un chiffre en hausse de 35,7 % par rapport à l’année précédente. Et les 165 000 baptêmes ne compensent pas la chute.

Qualifiée de « déprimante » par Annette Kurschus, la présidente de l’EKD, la situation n’a toutefois rien de nouveau. « Pendant des décennies, les sorties d’Église ont été plus élevées dans l’Église protestante que chez les catholiques, avec deux exceptions, en 2010, lors des révélations de scandales sexuels dans l’Église catholique, et en 2021 lors des scandales dans le diocèse de Cologne », rappelle Detlef Pollack, sociologue des religions à l’université de Münster.

Des scandales sexuels aussi dans l’Église protestante

« Nous nous trouvons toutefois désormais dans une situation différente. Le rythme des départs de l’Église catholique rejoint celui des protestants », ajoute-t-il. Durant les vingt dernières années, l’EKD a perdu 4 millions de membres, contre 3,5 millions pour l’Église catholique.

L’une des raisons principales de cette régulière vague de départs chez les protestants est « leur relation plus distante que les catholiques avec leur communauté religieuse, constate Petra-Angela Ahrens, de l’Institut de sciences sociales de l’EKD. Cela s’explique par une socialisation religieuse primaire moins forte. Chez les protestants, on parle depuis longtemps d’un phénomène d’éloignement vis-à-vis de l’Église ».

À cela s’ajoutent des problèmes internes, avec notamment la révélation de scandales sexuels dans la foulée de ceux frappant l’Église catholique. Si leur ampleur est nettement moindre – 842 cas connus depuis 1949 –, ces affaires ont fragilisé les instances dirigeantes, critiquées pour leur manque de réaction. En 2018, 41 % des personnes ayant quitté l’Église protestante disaient avoir été motivées, entre autres, par ces scandales (69 % pour les catholiques).

Quant à l’impôt religieux, que doit verser tout membre de l’Église, il joue lui aussi un rôle dans ces décisions, bien qu’il reste secondaire et intervient généralement à la fin d’un long processus d’éloignement. « Lorsque l’indifférence par rapport à l’Église et l’absence de lien avec la vie communautaire s’imposent, la participation financière n’a souvent plus de sens », constate Petra-Angela Ahrens.

« Point de bascule »

Plus largement, l’Église protestante et sa consœur catholique sont frappées par plusieurs tendances de fond : le vieillissement de la population et la sécularisation de la société allemande. Depuis l’an dernier, protestants et catholiques représentent moins de la moitié de la population. Du jamais-vu dans ce pays.

Pour Detlef Pollack, l’Allemagne est arrivée à un « point de bascule » qui explique l’accélération du nombre de sorties d’Église dans ces deux confessions. « Quand la majorité de la société appartient à une Église, il faut se justifier pour la quitter. Mais quand la moitié de la population ne fait partie d’aucune de ces Églises, la pression sociale baisse, et il devient plus facile de partir. Il faut plutôt se justifier pour faire partie d’une Église », détaille-t-il. Ce rouleau compresseur semble tellement fort que les deux institutions pourraient perdre la moitié de leurs membres bien avant 2060, comme annoncé initialement.

Face à cela, les autorités protestantes continuent de prôner le changement. En 2018, elles ont lancé un processus de « réformes d’avenir », avec tout un pan destiné à la numérisation. « Le changement permanent est l’une des caractéristiques essentielles de l’Église protestante », a commenté Annette Kurschus la semaine dernière en annonçant vouloir adapter l’offre religieuse, revoir les structures et regagner des jeunes. Une journée nationale du baptême sera organisée en juin. Cela inversera-t-il la tendance ? Le sociologue Detlef Pollack n’y croit pas : « L’EKD fait des réformes en permanence depuis des décennies mais cela ne freine pas les sorties d’Église. »

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Protestants et catholiques en déclin

Pour la première fois en 2022, les protestants et les catholiques représentaient moins de la moitié de la population allemande.

L’Église protestante (EKD), avec 19,1 millions de membres revendiqués, ne représente plus que 22,7 % de la population.

L’Église catholique dénombrait 21,6 millions de fidèles en 2021, le dernier chiffre disponible, soit près de 26 % de la population allemande.

Le nombre de musulmans outre-Rhin est généralement estimé entre 4,5 et 6 millions de personnes, soit autour de 6 % de la population.

En 2021, les personnes ne se reconnaissant d’aucune religion représentaient 42 % de la population, soit près de 35 millions d’Allemands.

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