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Synode : un nouveau désastre médiatique se profile à l'horizon

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Du blog "Il Sismografo" :

Un synode sans transparence - "sans parresia et sans censure" - est voué au désastre médiatique parce qu'il brouille la frontière entre le vrai et le faux.

- Le pape François a déclaré aux pères synodaux lors du Synode de 2014 : il faut "parler avec parresia et écouter avec humilité". Le souverain pontife a rappelé le synode de 2001 : "On a voulu un synode avec la censure, une censure curiale qui bloquait les choses".

- Des journalistes silencieux. Être catholique et en même temps journaliste - ce qui est plus que légitime - ne signifie pas que l'on soit professionnellement subordonné à la hiérarchie.

- Les prochains jours seront problématiques pour le pontificat car tout ce qui sera dit aux journalistes sur l'évolution des discussions synodales posera toujours la même question : vrai ou faux ?

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(L.B. - R.C. - édité par la rédaction de "Il sismografo") Depuis que le pape Benoît XVI, dans l'un de ses derniers discours (13 février 2013), a parlé d'un "concile virtuel" (celui des médias) et d'un autre qu'il a appelé "le concile réel", cette analyse de sa part s'est largement répandue. En particulier, les membres de la hiérarchie de l'époque ont utilisé ces termes pour critiquer les médias qui - selon eux - inventent des désaccords, des polémiques, des rangs et des interdictions, des contrastes et de probables schismes dans l'Église. Certes, cette critique dans de nombreux cas, même aujourd'hui, est tout à fait vraie, mais il est également vrai que souvent, à l'origine de ce phénomène de distorsion, il y a quelque chose de beaucoup plus précis et grave : le manque de vérité et de transparence de la part de l'Église et de sa hiérarchie. D'après ce que François a déclaré récemment et ce que d'autres autorités du Vatican ont répété ces derniers jours, la prochaine XVIe Assemblée du Synode des évêques sera un événement "virtuel-médiatique" par choix des dirigeants de l'Église, et il ne sera donc pas possible cette fois de dire que le Synode est le résultat de soi-disant fictions journalistiques. Dans les semaines à venir, tandis que l'Église rendra compte de "son" (confidentiel) Synode, la presse, du moins les moins enrôlées, devra puiser les informations sur le "vrai" Synode à d'autres sources, et non pas directement auprès de ses protagonistes. Les informations fournies par ces sources intra-muros ne seront pas du tout vérifiables. Au mieux, il sera possible de dire : "le Vatican dit que...".

Pourquoi ?

Parce que le Pape a décidé qu'au cours de cette première session du Synode sur la synodalité, aucun résumé nominatif des orateurs ne serait distribué. Dans le passé, pendant 60 ans, la presse connaissait le nom et le prénom de l'orateur et les médias disposaient d'un bref résumé du discours dans différentes langues. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le souverain pontife ne veut pas de cela.

Des synthèses globales, anonymes et indifférenciées.

Chaque jour ouvrable, en fin de soirée, le dispositif de presse mis en place pour l'occasion - semble-t-il avec les conseils de grands experts en communication (mais on ne sait pas qui ils sont) - diffusera un résumé global, anonyme et indifférencié. C'est un changement majeur qui ne signifie qu'une chose : pas de transparence et pas de véritable communication avec les médias. Seulement une communication institutionnelle. Pas de dialogue, mais un monologue, au moment même où l'on parlait d'une "Église en dialogue avec le monde, ouverte et en mouvement".

Le Vatican racontera les travaux synodaux comme il l'entend et quand il l'entend, c'est-à-dire un "pappa", pour reprendre les termes de Cindy Wooden, vaticaniste américaine, dans la question qu'elle a posée à François à son retour de Mongolie (4 septembre 2023), question qui a visiblement agacé le Pontife. Voici la réponse du pape François :

"Non, c'est grand ouvert, ma chère, c'est grand ouvert ! Il y a une commission présidée par Ruffini qui donnera les nouvelles tous les jours : plus ouverte je ne sais pas... Et ce qui est bien, c'est que cette commission sera très respectueuse des interventions de chacun, et essaiera de ne pas faire de bavardage, mais de dire justement les choses sur le déroulement synodal qui sont constructives pour l'Église. Si quelqu'un veut que les nouvelles soient : "celui-ci est en colère contre celui-là pour ceci ou cela...", c'est du bavardage politique. Non, la commission a une tâche difficile, qui consiste à dire : "Aujourd'hui, la réflexion va dans tel sens, elle va dans tel autre", et à transmettre l'esprit ecclésial, et non l'esprit politique. Un parlement est différent d'un synode. N'oubliez pas que le protagoniste du synode est l'Esprit Saint. Et pour transmettre cela, il faut transmettre la tendance ecclésiale. Mais merci, merci d'avoir eu le courage de le dire". (Source)

Maintenant, dans le cas du Synode qui s'ouvre le 4 octobre, la presse devra chercher des moyens différents et alternatifs pour sortir de cet étau. Si les choses ne changent pas ces jours-ci, un nouveau désastre médiatique pour le Saint-Siège et pour l'Assemblée synodale elle-même se profile à l'horizon. Il semble très difficile de changer cette misérable décision, mais il est encore temps de changer et au moins de revenir à la méthode utilisée depuis plus d'un demi-siècle.

Un article très récent de Marco Politi, un vaticaniste qui fait autorité et qui n'est certainement pas critique à l'égard du Pontife, raconte ce désastre imminent avec une clarté cristalline. (Synode des évêques, il y a un problème de transparence. Quel est l'intérêt d'occulter les interventions ? - Il Fatto Quotidiano - Blog) Ce seront des jours problématiques pour le pontificat car tout ce qui sera dit aux journalistes sur l'évolution des discussions synodales posera toujours la question : vrai ou faux ?

Une réaction nécessaire manquée

Après l'annonce de la malheureuse méthode de traitement des médias adoptée pour ce Synode, on s'attendait à une réaction solide, intransigeante et polie de la part des soi-disant "vaticanistes", qui ont d'ailleurs une association professionnelle. Cela s'est déjà produit à l'occasion de la publication précipitée et décousue de la Constitution apostolique "Praedicate Evangelium" (19 mars 2022), lancée à la dernière minute, sans avertissement et sans coordination avec les journalistes accrédités auprès du Saint-Siège.

Le 21 mars 2022, le président de l'Association des journalistes accrédités auprès du Vatican (Aigav), représentant l'organisation, a déclaré dans une lettre publique que la conduite du Vatican "révèle une ignorance des exigences de notre travail et nuit profondément à notre capacité d'informer" de manière adéquate. (Déclaration)

Après ces incidents avec la presse, les professionnels des médias devraient peut-être prendre note du fait qu'être catholique et en même temps journaliste - ce qui est plus que légitime - ne signifie pas que l'on est professionnellement subordonné à la hiérarchie. Il s'agit de substances très différentes qui, sur le plan de l'autonomie de la conscience, constituent une grande contribution à la foi et aux lecteurs. Si quelque chose a été fait pour protester, comme c'est le devoir de chacun envers ceux qui nous lisent, c'est certainement réservé, donc pas de conséquences jusqu'à la prochaine fois.

Et où est passée la parrèsia du Pape François ?

Lors du premier Synode voulu par le pape François, que le Saint-Père a ouvert par un bref discours le 6 octobre 2014, conscient du problème historique de la transparence des assemblées synodales, il a déclaré : 
" Une condition générale de base est celle-ci : parler clairement. Que personne ne dise : "On ne peut pas dire cela, vous me verrez de telle ou telle façon" .... Il faut dire tout ce que l'on entend avec parresia. Après le dernier Consistoire (février 2014), où l'on a parlé de la famille, un cardinal m'a écrit en disant : il est dommage que certains cardinaux n'aient pas eu le courage de dire certaines choses par respect pour le Pape, croyant peut-être que le Pape pensait différemment. Ce n'est pas bon, ce n'est pas la synodalité, parce que l'on doit dire ce que l'on pense devoir dire dans le Seigneur : sans respect humain, sans lâcheté. Et, en même temps, il faut écouter avec humilité et accueillir avec un cœur ouvert ce que disent les frères. C'est avec ces deux attitudes que s'exerce la synodalité. C'est pourquoi je vous demande, s'il vous plaît, ces attitudes de frères dans le Seigneur : parler avec parresia et écouter avec humilité. Et faites-le avec beaucoup de tranquillité et de paix, parce que le Synode a toujours lieu cum Petro et sub Petro, et que la présence du Pape est une garantie pour tous et un gardien de la foi." (Discours d'ouverture du Synode 2014)

Pourquoi ne dit-on plus cela aujourd'hui ?
Pourquoi la parresia de 2014, presque dix ans plus tard, a-t-elle disparu ?  

Pape François : Les synodes censurés par la Curie

Le défi évangélique de la "parresia" est une première intervention directe du pape François sur la nature et les caractéristiques de l'assemblée synodale, en particulier de ceux qui y participent. Mais il y a une deuxième intervention du Saint-Père sur le sujet, tout aussi directe, mais où il met en jeu sa crédibilité personnelle.

Le 5 août, à Lisbonne, le Souverain Pontife a rencontré un grand groupe de Jésuites pour une conversation ouverte et non scénarisée. La transcription de cette conversation a été publiée par La Civiltà Cattolica le 29 août. Parmi les nombreuses questions posées à François, celle-ci : "D'une part, qu'est-ce qui pèse sur votre cœur et, d'autre part, quelles sont les joies que vous éprouvez en ce moment ? Voici la réponse du souverain pontife :

"La joie que j'ai le plus à l'esprit est celle de la préparation du Synode, même si je vois parfois, dans certaines parties, qu'il y a des lacunes dans la manière dont il est conduit. La joie de voir comment, à partir des petits groupes paroissiaux, des petits groupes ecclésiaux, de très belles réflexions émergent et qu'il y a une grande effervescence. C'est une joie. À cet égard, je tiens à rappeler une chose : le Synode n'est pas mon invention. C'est Paul VI, à la fin du Concile, qui s'est rendu compte que l'Église catholique avait perdu la synodalité. L'Église orientale la maintient. Il a donc dit : "Il faut faire quelque chose" et a créé le Secrétariat du Synode des évêques. Depuis lors, les progrès ont été lents. Parfois de manière très imparfaite. Il y a quelque temps, en 2001 [1], j'ai participé en tant que président délégué au synode consacré à l'évêque, serviteur de l'Évangile de Jésus-Christ pour l'espérance du monde. Alors que je préparais les choses pour le vote de ce qui était venu des groupes, le cardinal responsable du synode m'a dit : "Non, ne mettez pas cela. Enlevez-le". En bref, ils voulaient un Synode avec une censure, une censure curiale qui bloquait les choses. En cours de route, il y a eu ces imperfections. Elles étaient nombreuses, mais en même temps c'était un chemin qui était parcouru. Lorsque cinquante ans se sont écoulés depuis la création du Secrétariat du Synode des évêques, j'ai signé un document rédigé par des théologiens experts en théologie synodale. Si vous voulez voir un bon résultat après cinquante ans de cheminement, regardez ce document. Au cours des dix dernières années, nous avons continué à progresser, jusqu'à ce que nous parvenions, je pense, à une expression mature de ce qu'est la synodalité. La synodalité ne consiste pas à rechercher des votes, comme le ferait un parti politique, il ne s'agit pas de préférences, d'appartenance à tel ou tel parti. Dans un synode, le protagoniste est l'Esprit Saint. Il est le protagoniste. Il faut donc laisser l'Esprit guider les choses. Laissons-le s'exprimer comme il l'a fait au matin de la Pentecôte. Je crois que c'est la voie la plus forte".
(La Civiltà Cattolica)

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[1] Puis le Card. Bergoglio a été nommé "rapporteur adjoint" et non, comme il le dit, "président délégué", fonction inexistante puisque les synodes n'ont qu'un seul président, et c'est le pontife régnant. Le rapporteur titulaire était le Card. Edward Michael Egan (USA), archevêque de New York, touché par la tragédie des tours jumelles.

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