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Quand la culture euthanasique progresse dans les milieux chrétiens flamands

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Dans une interview accordée à La Libre en 2023, l'évêque d'Anvers, Mgr Bonny, déclarait qu'il rejetait l'enseignement traditionnel de l'Église catholique selon lequel l'euthanasie était un mal moral intrinsèque.

"C'est une réponse trop simple qui ne laisse aucune place au discernement", a-t-il déclaré. "La philosophie m'a appris à ne jamais me contenter de réponses génériques en noir et blanc. Toutes les questions méritent des réponses adaptées à une situation : un jugement moral doit toujours être prononcé en fonction de la situation concrète, de la culture, des circonstances, du contexte".

Il a ajouté : "Nous nous opposerons toujours au souhait de certains de mettre fin à une vie trop prématurément, mais nous devons reconnaître qu'une demande d'euthanasie émanant d'un jeune homme de 40 ans n'est pas équivalente à celle d'une personne de 90 ans confrontée à une maladie incurable."

Aujourd'hui, c'est le Président des Mutualités chrétiennes qui prend position en faceur de "solutions radicales" pour lutter contre le vieillissement comme on peut le lire dans Het Laatste Nieuws du 8 avril :

Les personnes fatiguées de la vie devraient pouvoir sortir de la vie, préconise le président de la CM

Luc Van Gorp, président des Mutualités chrétiennes (CM), préconise des solutions radicales pour lutter contre le vieillissement. Ceux qui sont fatigués de la vie devraient donc pouvoir sortir de la vie, déclare Van Gorp dans Het Nieuwsblad et la Gazet van Antwerpen.

D'ici 2050, le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans doublera, passant d'environ 640 000 aujourd'hui à 1,2 million. Cela augmentera également la pression financière sur les soins de santé, les médicaments et les centres de soins résidentiels. M. Van Gorp estime qu'il ne suffit pas d'injecter davantage d'argent pour lutter contre ce vieillissement et préconise "une approche radicalement différente". "Les médecins et autres professionnels de la santé s'efforcent aujourd'hui de faire en sorte que tout le monde vive plus longtemps, mais dans quel but ? Vivre plus longtemps n'est pas une fin en soi, n'est-ce pas ? Il faudrait avant tout se poser la question de savoir combien de temps je peux vivre une vie de qualité", ajoute-t-il.

Il souligne qu'il existe déjà une réglementation très stricte et juridiquement définie pour l'euthanasie. "Cela fonctionne bien pour les personnes qui souffrent de manière insupportable. Mais il devrait aussi y avoir une forme plus douce, pour les personnes qui estiment que leur vie est terminée. Le suicide est, selon lui, un terme trop négatif. Je préférerais l'appeler "redonner la vie". Je sais que c'est un sujet sensible, mais nous devrions vraiment oser avoir ce débat".

M. Van Gorp estime qu'il faut consacrer autant de ressources que possible à la santé et aux soins de santé, dans la mesure où ils offrent une meilleure qualité de vie. "Mais quel que soit le montant de l'investissement, il ne sera pas suffisant. Il n'y a tout simplement pas assez de personnel de santé pour faire le travail.

Mais qu'en pense le monde politique ? En voici l'aperçu publié par Het Laatste Nieuws :

Sammy Mahdi dénonce la "société jetable 2.0" après que le président du CM a plaidé pour des solutions radicales contre le vieillissement de la population

Le plaidoyer de Luc Van Gorp, président du CM, suscite des réactions mitigées dans les milieux politiques. Dans une interview accordée à Het Nieuwsblad, il plaide pour des solutions plus radicales contre le vieillissement : "Les gens qui sont fatigués de la vie devraient pouvoir en sortir". Van Gorp reçoit le soutien des milieux libéraux, bien qu'on y entende aussi des nuances, mais en aucun cas celui de CD&V.

"Société jetable"

Au CD&V, ces déclarations suscitent le dégoût, tant de l'actuel président Sammy Mahdi que de son prédécesseur Joachim Coens. "Cela me met vraiment en colère. Société jetable 2.0", a écrit Sammy Mahdi sur Instagram. "Quand quelqu'un est fatigué de la vie et a l'impression de gêner ou de ne plus recevoir de visites, nous échouons tout simplement en tant que société, n'est-ce pas ?". Et que les soins aux personnes âgées ont un coût élevé ? Et alors ?"

"C'est donc la société que nous voulons devenir", ajoute M. Coens. "Une culture du jetable dans ce domaine également ? Ne s'agit-il pas plutôt d'aider réellement ces personnes au lieu de préconiser des raccourcis ?"

Van Gorp reçoit le soutien de l'Open VLD. Il y a quelques années, la ministre flamande Gwendolyn Rutten avait déjà plaidé en faveur du droit à l'euthanasie lorsque les gens estiment que leur vie est "terminée", et donc pas seulement lorsque la souffrance est insupportable. Elle suivait alors le plaidoyer d'une personnalité de la radio, Lutgart Simoens, auquel elle se réfère également aujourd'hui. "Redonner une vie achevée. Débat difficile mais courageux", écrit-elle sur X. "Que la réflexion sur la qualité de la vie se fasse sereinement et ouvertement, sans caricature, sans rien imposer à l'autre, en regardant aussi dans son propre cœur".

Il en va de même pour son collègue Jean-Jacques De Gucht, bien qu'il fasse quelques commentaires périphériques. "Le débat et le dialogue sur l'achèvement de la vie sont nécessaires. Mais le lien établi par Luc Van Gorp avec le vieillissement, la retraite et le placement dans des centres de soins résidentiels ne devrait jamais constituer la base d'une telle décision", déclare le député flamand.

Parmi les plus de 65 ans, 4 sur 5 souffrent d'au moins une maladie chronique

Le CM a également publié aujourd'hui une étude selon laquelle près de quatre personnes âgées de plus de 65 ans sur cinq souffrent d'au moins une maladie chronique, la plus fréquente étant la maladie cardiovasculaire. "Nous vieillissons, mais nous ne sommes pas tous en bonne santé", a déclaré Luc Van Gorp, président du CM. "Cela pose des défis sociétaux.

D'ici à 2050, la proportion des plus de 65 ans en Belgique passera de 19,6 % en 2022 à 25,1 % en 2050. Le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans doublera même, passant de 640 000 à 1,2 million en 2050. C'est ce que prévoit le Bureau fédéral du Plan en se basant sur la baisse du taux de fécondité et l'augmentation de l'espérance de vie (87,9 ans pour les femmes et 85,4 ans pour les hommes en 2050). Ce vieillissement pose des défis sociaux et des problèmes de santé importants.

79,2 % des personnes âgées souffrent d'au moins une des 22 maladies chroniques définies, la plus fréquente étant la maladie cardiovasculaire.

Pour déterminer le profil de santé de ces personnes âgées, le service d'étude de CM a utilisé les données d'un million de membres de CM âgés de plus de 65 ans sur la période allant de 2016 à 2022. Pour l'étude, 22 maladies ont été définies sur la base de la consommation de médicaments ou de l'utilisation de services de santé spécifiques. 79,2 % des personnes âgées souffrent d'au moins une des maladies chroniques définies.

Maladies cardiovasculaires

En 2022, les problèmes de santé les plus courants chez les personnes âgées sont les maladies cardiovasculaires. 68,4 % des membres du CM utilisent des médicaments pour abaisser la tension artérielle (antihypertenseurs) ou des médicaments de cardiothérapie. Viennent ensuite les thromboses : 41,2 % des plus de 65 ans utilisent des antithrombotiques, puis le diabète (18 %), les troubles mentaux (13,2 %), la BPCO (maladie pulmonaire dans laquelle les poumons sont endommagés, 9,8 %) et les troubles de la thyroïde (9,2 %).

Le risque de décès au cours de l'année est de 3,7 % pour les plus de 65 ans et de 12 % pour les plus de 85 ans. Parmi les ménages à faible revenu ayant droit à l'allocation majorée, le risque de décès est presque deux fois plus élevé : 6,6 % pour les personnes âgées de plus de 65 ans.

Parmi les réactions suscitées par les propos du Président des Mutualités Chrétiennes, nous relevons celle du Frère René Stockman (Frères de la Charité) :

Un peu plus de respect ?

Le jour même où le texte tant attendu sur la dignité inconditionnelle de la vie humaine était publié par le Vatican, sous le titre "Dignitas infinita", le président du CM, M. Luc Van Gorp, se prononçait dans une interview en faveur de l'extension de l'euthanasie aux personnes âgées qui sont fatiguées de vivre.  Il s'agit bien sûr d'une discussion qui dure depuis un certain temps, mais avec les arguments que le président avance et le choix des mots qu'il utilise pour le faire, il est en deçà de la réalité. De plus, il franchit ici une frontière de respect fondamental, en comparant même l'être humain vieillissant à la fin de son plaidoyer à "une montagne de viande, sur laquelle les médecins et les hôpitaux travaillent et gagnent bien leur vie, mais dès que cette viande commence à sentir un peu mauvais, elle est transférée aux soins aux personnes âgées".  Que doivent penser les personnes âgées et leurs proches d'une telle expression, prononcée par le président d'une mutuelle de santé qui ose se dire chrétienne ?  Ces propos, et tout le raisonnement sur l'euthanasie qu'il tient, non seulement ne peuvent être qualifiés de chrétiens, mais témoignent d'une grave atteinte à la dignité humaine et peuvent conduire à de graves dérives. Une porte dangereuse est ouverte !

L'ensemble du plaidoyer est fait à la lumière des pressions financières sur les soins aux personnes âgées, le président se demandant quel sera l'effet lorsque nous viserons 1,2 million de personnes âgées de plus de 80 ans en 2050.  Parce que cela ne sera plus financièrement viable, il plaide en faveur d'une "approche radicalement différente".  Cette approche radicale consisterait à faire en sorte que ce que l'on appelle la qualité de vie devienne désormais la norme pour continuer à vivre.  Lorsqu'une personne exprime qu'elle est fatiguée de la vie, l'étape logique serait alors de lui proposer l'euthanasie ou une forme de suicide assisté légal. L'auteur appelle cela rendre la vie.  Cependant, l'auteur s'engage sur une voie dangereuse en liant l'évaluation de la qualité de vie à la viabilité financière des soins à prodiguer.  Qui, parmi les personnes âgées, pourra encore justifier de continuer à vivre alors qu'autour de lui on se plaint constamment que les soins dont il a besoin deviennent beaucoup trop chers et qu'il faut faire des économies. On considérera désormais comme un acte de générosité et de solidarité le fait de choisir de quitter la vie, et ceux qui choisiraient encore de continuer à vivre seront accablés de culpabilité.  Bien sûr, on ne parle ici que des personnes âgées, mais quelle pression va s'exercer sur la famille et sur les soignants à qui l'on indique qu'ils perdent finalement leur temps et leur énergie à s'occuper de vies devenues sans espoir.

La qualité est généralement mesurée en testant dans quelle mesure une personne peut ou ne peut plus accomplir ses fonctions vitales de manière autonome, puis en évaluant la proportion entre ce qu'elle peut encore faire efficacement par elle-même et ce qui nécessite l'aide d'autrui.  Mais à côté de cette qualité de vie calculable, que l'on peut aussi appeler qualité de vie accidentelle, il existe aussi une qualité de vie essentielle, qui a trait au sens de la vie. Cette dernière est beaucoup plus difficile à mesurer et à exprimer en chiffres, et diffère d'une personne à l'autre.  Bien entendu, elle dépend également de la manière dont une personne est prise en charge et soutenue dans ses fonctions vitales, ainsi que de l'environnement dans lequel elle se trouve.  Je pense ici à ma mère qui, à un âge avancé, s'est retrouvée dans une maison de repos et de soins et a dû renoncer à de plus en plus de choses, ce qui a considérablement réduit sa qualité de vie accidentelle. Mais alors qu'elle voyait son petit monde se rétrécir de plus en plus, et que finalement sa chambre était devenue son monde, elle a appris à trouver du plaisir dans les courtes visites qu'elle était autorisée à recevoir et dans les petites attentions qu'elle était autorisée à recevoir de la part du personnel soignant. Ainsi, sa qualité de vie essentielle est restée intacte et elle a pu vivre paisiblement jusqu'à sa mort. Et là, bien sûr, je suis d'accord avec Van Gorp lorsqu'il souligne l'importance de la qualité des soins pour influencer positivement la qualité de la vie.  N'est-ce pas en cela que la société devrait exprimer son degré d'humanité, et non en encourageant une "culture de la mort", pour reprendre les termes du pape Jean-Paul II.  En fait, il est navrant de constater que l'on discute ici des ressources qui devraient être consacrées aux soins de santé, alors que, dans le même temps, des milliards sont débloqués sans discussion pour faire tourner la machine de guerre.

Le document "Dignitas infinita", récemment publié à l'occasion du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, rappelle clairement que toute vie humaine a une valeur intrinsèque et que toute atteinte à celle-ci constitue une grave violation de la dignité humaine.  Il est frappant de constater que l'accent est explicitement mis, outre la vie à naître, sur les personnes âgées qui dépendent des soins d'autrui et sur les personnes souffrant de handicaps mentaux.  Elle affirme que la dignité de chaque personne doit être respectée indépendamment de ses conditions de vie, de sa qualité de vie ou de sa capacité à prendre des décisions de manière indépendante ou non.  Elle affirme également que l'interruption arbitraire de la vie ne doit pas être élevée au rang de droit, en fonction d'un simple souhait subjectif ou d'une préférence individuelle.

En revanche, ce que fait Van Gorp, c'est lier, sous la bannière de l'autodétermination absolue tant louée, un fait très discutable concernant la qualité de vie à la charge financière qu'une société devrait supporter pour des personnes qui sont rejetées comme sans valeur dans une vision utilitariste de l'homme. Dans une vision de la société où seul l'utilitarisme compte, les personnes âgées et les personnes souffrant d'un handicap mental sont naturellement les premières à être laissées pour compte.   Il est donc plus que contestable et tout simplement inacceptable qu'une telle vision soit défendue par une mutuelle de santé qui conserve encore le "C" de chrétien dans son nom.

Commentaires

  • Monsieur Van Gorp se trouve à la tête d'une mutuelle. Comme toute société elle doit pouvoir gérer ( toujours accroître ) ses finances. Les personnes malades et handicapées sont une source de revenus. Le montant est peut-être à la baisse?

  • Les personnes malades et handicapées sont des sources de dépenses, pas de revenus pour une mutuelle. Les revenus, se sont les cotisants.
    Il faut aussi savoir que le coût des personnes âgées augmente beaucoup avec l'âge.
    L'idéal est donc : cotisez toute votre vie active (revenus) et euthansiez vous à la retraite (pas de dépenses).
    Cela résoudrait aussi les problèmes de financement des retraites, qui ne sont plus du tout assurées aujourd'hui. Il y a d'ailleurs déjà un certains nombre d'hommes politiques qui ont parlé de l'intérêt de l'euthanasie pour le financement des retraites.

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