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"Tradition" : le vrai sens à retrouver

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De Stefano Fontana sur la Nuova Bussola Quotidiana :

La tradition, le vrai sens à retrouver

Il existe deux visions de la "tradition" dans l'Eglise d'aujourd'hui. La vision classique et celle de la théologie moderne, influencée par Gadamer et aujourd'hui dominante, qui voit la tradition comme une réinterprétation continue. Mais seule la première est correcte et l'Église doit la redécouvrir.

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L'idée correcte de ce qu'est la "tradition" est d'une importance fondamentale pour l'Église catholique. À notre époque, nous avons été témoins d'interventions du Magistère qui ont bouleversé la vision traditionnelle de la question. Nous nous souvenons par exemple de la modification du catéchisme souhaitée par le pape François concernant la peine de mort. La raison invoquée était que la conscience de l'humanité sur ce sujet avait changé. Cela nous laisse perplexes car, si c'est vrai, il faut s'attendre à d'autres changements de doctrine motivés par l'évolution de la conscience sociale. En effet, beaucoup craignent que même la doctrine sur l'homosexualité contenue dans le catéchisme ne soit remplacée par une doctrine plus actuelle.

L'exhortation apostolique Amoris laetitia a modifié de nombreux aspects doctrinaux : le sens de l'adultère, le sens du péché, l'existence pour la théologie morale d'actions toujours injustes, le rôle de la conscience, les conditions d'accès aux sacrements, etc. Même la déclaration Fiducia supplicans contredisait divers principes hérités de la tradition, comme le sens de la bénédiction ou le jugement à porter sur la cohabitation d'un couple de même sexe. De nombreux milieux soutiennent que l'enseignement sur la contraception énoncé dans Humanae vitae doit être révisé et, plus généralement, le pontificat actuel de François est interprété comme le point de vue à partir duquel il convient de passer la tradition au crible, et non l'inverse.

Pour faire court, il existe deux visions de ce qu'est la "tradition" dans l'Église d'aujourd'hui. La première peut être qualifiée de traditionnelle. Elle considère que le dépôt des vérités révélées a déjà été définitivement transmis par l'Écriture et la tradition apostolique, qui sont les deux sources de la révélation. Rien ne peut être ajouté. Ce que le Magistère enseigne en outre n'est pas nouveau, mais constitue une explication de ce que l'Église a toujours cru. Pensez par exemple à l'Immaculée Conception ou à l'Assomption de Marie au Ciel en corps et en âme. L'autre vision soutient que la tradition n'a pas pris fin avec la mort du dernier apôtre, mais qu'elle se poursuit parce qu'elle est fondée sur l'interprétation des événements salvifiques et de l'Écriture, une interprétation qui se poursuit dans le temps, sinon les événements de Jésus-Christ ne seraient plus significatifs pour les gens de notre époque. Pour cette deuxième vision, l'Église interprète toujours, a interprété l'Église apostolique et interprète l'Église de François. La tradition serait la sédimentation sans fin des interprétations et le dogme serait essentiellement historique.

Ce conflit de visions de la tradition a été défini par la naissance de l'herméneutique moderne, principalement contenue dans le livre Vérité et méthode de Hans-Georg Gadamer, un élève de Martin Heidegger. Sa philosophie a tellement pénétré la théologie catholique qu'elle l'a modifiée structurellement, de sorte qu'on la retrouve aujourd'hui partout. Gadamer a fourni le cadre philosophique de la deuxième version de la tradition évoquée ci-dessus. Selon lui, un texte, n'importe quel texte, est quelque chose d'autonome par rapport à son ou ses auteurs. Cela s'applique également aux Évangiles. Un texte, une fois publié, a une vie autonome, une vie qui s'enrichit de l'histoire de ses effets. Après sa parution, en effet, le texte est interprété, puis réinterprété, et ces interprétations successives (l'histoire des effets précisément) y trouvent un contenu nouveau que les auteurs eux-mêmes n'avaient pas prévu d'y mettre. L'interprète réécrit le texte et les interprétations successives l'enrichissent. Comment se déroule l'interprétation d'un texte ? L'interprétation part toujours de pré-compréhensions et de pré-jugements dus au contexte personnel, social et culturel dans lequel elle s'inscrit et dont elle ne peut se défaire. De temps en temps, cela jette une nouvelle lumière sur le texte, permettant de saisir des détails originaux, ce qui constituerait la tradition. Aujourd'hui, nous pouvons dire que nous comprenons mieux les Dialogues de Platon que Platon lui-même. Nous pouvons dire, toujours dans la perspective de Gadamer, que nous connaissons les Évangiles mieux que les Apôtres. C'est pourquoi on peut dire que la révélation se poursuit et qu'elle se poursuit.

Il s'ensuit que ce ne sont plus les enseignements du passé qui serviront de guide et de critère aux enseignements d'aujourd'hui. Ce ne sera plus Rerum novarum qui "jugera" tous les Frères, mais l'inverse, et si François dit quelque chose de nouveau, de différent et même de contraire à saint Jean-Paul II, c'est pire pour ce dernier, puisque l'histoire des effets s'est poursuivie par la suite et, avec elle, l'enrichissement du sens du dépôt. La doctrine de la peine de mort a-t-elle été modifiée en faisant appel à la nouvelle sensibilité sociale en la matière ? Rien de mal, et même beaucoup de bien, car la précompréhension se fait toujours à partir d'un contexte qui éclaire le texte pour mieux le comprendre.

L'herméneutique de Gadamer est une autorité "dogmatique" dans la théologie catholique d'aujourd'hui. Nous devons cependant décider de la remettre en question, sans craindre d'être considérés comme démodés.

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