De Riccardo Cascioli sur la NBQ :
Le pape et les immigrés, de bonnes intentions mais des jugements erronés
La vibrante catéchèse de mercredi sur le drame des migrants a fait du bruit. Mais l'appel touchant à prendre ses responsabilités face à la souffrance de tant de personnes a malheureusement été contrebalancé par une série d'« excommunications » et de jugements politiques fondés sur des visions idéologiques et de mauvaises informations.
30 août 2024
Il est impossible de ne pas être impressionné par la catéchèse imprévue du pape François lors de l'audience de mercredi dernier. « Mer et déserts » était le titre de la communication du Vatican et le thème était évidemment les migrants, leurs souffrances, leurs aspirations, leurs vies brisées : “Et quand je dis ”mer', dans le contexte des migrations », a déclaré le pape François, « je veux dire aussi océan, lac, fleuve, toutes les masses d'eau traîtresses que tant de frères et de sœurs de toutes les parties du monde sont contraints de traverser pour atteindre leur destination. Et le désert n'est pas seulement celui du sable et des dunes, ou celui des rochers, mais aussi tous ces territoires inaccessibles et dangereux, comme les forêts, les jungles, les steppes où les migrants marchent seuls, abandonnés à eux-mêmes ».
C'est un discours qui sera probablement l'un des plus importants de son pontificat, la synthèse de ses arguments autour de son thème principal. On saisit la participation sincère au drame qui concerne au moins 400 millions de personnes dans le monde ; un appel profond et sincère à notre humanité trop souvent engagée dans des jugements idéologiques qui masquent une réelle indifférence à la douleur d'autrui. Mais les commentaires dans les grands journaux avec lesquels ce discours a été accueilli montrent à quel point même ceux qui ont la bouche pleine d'accueil sont idéologiques, soucieux de lire le discours du Pape comme une simple attaque contre le gouvernement Meloni. (...)
Pour en revenir au discours du pape, il est certainement important que les histoires personnelles de souffrance, de violence et de mort évoquées percent l'armure des réponses toutes faites sur cette urgence mondiale. Cependant, certains aspects de ce discours, les conclusions que le pape tire, ne sont pas en phase et réduisent tout à un horizon politique et moralisateur qui ne peut en aucun cas être partagé.
Tout d'abord, le phénomène migratoire lui-même, qui est complexe et que l'on réduit plutôt aux migrants illégaux qui, on l'aura compris, devraient tous être accueillis sans états d'âme, indépendamment de toute autre considération. Pourtant, les données nous indiquent que l'idée selon laquelle ces personnes fuient « les guerres, la violence, les persécutions et de nombreuses calamités » est trompeuse. Si tel était le cas, elles auraient toutes droit au statut de réfugié ou en tout cas à une protection internationale, et elles n'auraient même pas besoin de s'engager dans des voyages très longs et incertains, au péril de leur vie, pour atteindre l'Europe. En réalité, si nous examinons les données, nous constatons que la plupart d'entre eux migrent depuis des pays qui ne sont ni en guerre ni victimes de persécutions ou de violences. Les données de notre ministère de l'intérieur, mises à jour hier et concernant les débarquements d'immigrants irréguliers, nous indiquent que du 1er janvier 2024 à aujourd'hui, sur les 41 181 personnes qui ont débarqué en Italie, seuls 20 % environ proviennent de pays en guerre ou de pays où règne une dictature impitoyable. Parmi les six premiers pays en termes de nationalité des immigrants, pas moins de cinq (Bangladesh, Tunisie, Égypte, Guinée et Pakistan), qui représentent 50 % du total des arrivées, n'ont pas de situation justifiant la demande du statut de réfugié.
Il faudrait faire bien d'autres observations pour comprendre le phénomène migratoire, mais ce simple constat suffit à introduire le second aspect : combien injuste est l'affirmation selon laquelle ceux qui veulent rejeter les migrants - « quand ils le font en toute conscience et responsabilité » - commettent « un péché grave ». Là encore, on met tout le monde dans le même sac en disant que celui qui remet en cause l'accueil indiscriminé est lui-même responsable des morts en mer (ou dans les déserts). Ou, pire, que celui qui est contre l'accueil indiscriminé souhaite la mort des migrants par sa faute. Il s'agit d'une affirmation très grave, y compris d'un point de vue moral, puisqu'il s'agit de juger les intentions des personnes (ce qui, par ailleurs, sur d'autres sujets, pourrait même contredire la doctrine de l'Église) et d'affirmer des « dogmes » alors qu'en vue d'un objectif unique, des voies différentes peuvent légitimement être empruntées.
C'est précisément parce que le phénomène est complexe et que l'immigration irrégulière viole les lois internationales qu'il est plus que justifié de s'interroger sur la manière d'éviter ces drames et de rendre justice à tous. L'accueil indiscriminé n'est pas la seule solution, voire pas du tout. Il est grave, par exemple, que le Pape continue à parrainer les activités de Luca Casarini et de sa Mediterranea, et ne tienne absolument pas compte de l'avis et des appels des évêques africains, qui sont intervenus tant de fois pour décourager la fuite des jeunes de leur propre pays, dénonçant les trafiquants internationaux d'êtres humains qui séduisent les gens en les poussant vers un illusoire avenir radieux en Europe.
Des appels qui nous amènent d'ailleurs au troisième aspect, l'affirmation selon laquelle la seule solution au problème est de développer des « voies d'accès sûres et régulières pour les migrants ». C'est-à-dire des couloirs humanitaires - selon les lignes tracées par la Communauté de Sant'Egidio - pour ramener les migrants chez eux. Donc condamnation sans appel des « lois plus restrictives, (...) de la militarisation des frontières, (...) des rejets ». C'est ainsi, pense le pape François, qu'il sera possible de retirer les migrants de ces « mers et déserts » qui sentent la mort et de vaincre les trafiquants d'êtres humains.
Malheureusement, une fois de plus, le Pape, toutes bonnes intentions mises à part, fait preuve de mauvaises informations. Quelques considérations suffisent, étant donné que ce projet en Italie est déjà actif depuis 2016 et a jusqu'à présent amené 7 226 personnes dans notre pays : tout d'abord, les couloirs sont destinés à ceux qui ont droit au statut de réfugié. Mais, comme nous l'avons vu, seule une fraction de ceux qui tentent d'arriver en Italie peut aspirer à ce statut, de sorte qu'ils continueraient à traverser les mers et les déserts comme ils le font actuellement. Deuxièmement, ils sont sélectionnés et rassemblés dans des camps de réfugiés sous le contrôle des Nations unies, de sorte qu'ils sont déjà en sécurité en dehors de leur propre pays.
Par conséquent, à supposer (et tout reste à prouver) que ces couloirs soient utiles pour réinstaller un certain nombre de réfugiés, ils n'ont pas grand-chose à voir avec la résolution du problème des migrants irréguliers.