D'Hélène de Lauzun sur The European Conservative :
Les apôtres du mouvement « No-Kid » façonnent un monde invivable
Mettre un enfant au monde nous oblige à réfléchir, concrètement et quotidiennement, à ce que nous voulons pour l’avenir, loin des spéculations intellectuelles des révolutionnaires écologistes.
Les raisons avancées pour ne pas avoir d'enfants sont bien connues, à tel point qu'elles sont reprises à l'envi par les médias grand public, notamment la presse féminine. La presse nous rappelle avec force chiffres qu'un enfant coûte extrêmement cher et que, pour le même prix, on pourrait avoir plusieurs chiens ( huit, pour être précis ). Certes, il faut dépenser de l'argent pour avoir des enfants : voiture, logement, école. Mais pourquoi serait-ce l'un des seuls domaines où l'on ferait des calculs, dans un monde où l'État-providence et les dépenses publiques sont illimités ?
Avoir des enfants, disent-ils, empêche aussi les femmes de faire carrière et de s'épanouir professionnellement – ces arguments commencent à être dépassés. L'idée selon laquelle les enfants sont anti-environnementaux est plus en vogue : ils consomment, produisent des déchets, et l'utilisation de couches lavables et de jouets recyclables ne suffira pas à enrayer le cataclysme qui nous emporte tous. Plus « intellectuel » et plus élaboré est l'argument selon lequel avoir des enfants est l'attitude attendue par le patriarcat dominant pour maintenir les femmes dans un état de subordination éternelle.
Le dernier essai sur le sujet s'intitule Personne ne m'appellera maman . C'est le titre choisi par la jeune auteure Caroline Jeanne, qui s'attache à démontrer qu'avoir des enfants ne peut en aucun cas être le but ultime de la vie. Elle prône un hédonisme facile et joyeux, et explique qu'« on peut aimer les enfants, mais être parfaitement heureux sans eux ». Point de discours catastrophique sur la fin du monde qui approche, mais simplement un insupportable petit credo individualiste sur les moyens d'atteindre son bonheur nombriliste, totalement inconséquent – c'est-à-dire incapable de s'interroger sur les conséquences d'un tel choix s'il devenait universel. Cette bonne dame n'a visiblement pas lu Kant, et la notion d'impératif universel lui dépasse visiblement.
Si les hérauts de ce mouvement meurtrier croient incarner un point de vue disruptif, ils sont loin de l'être. Rien n'est plus banal pour une femme aujourd'hui que de refuser d'avoir des enfants, et rien de plus audacieux et incongru que d'affirmer socialement le désir de s'entourer de quelques enfants, surtout s'ils sont nombreux.
Ce raisonnement repose sur deux axes. Soit il s'agit d'un raisonnement individualiste (avoir des enfants nuit à mon développement personnel), soit il est hyper-macro-structurel (avoir des enfants nuit à la planète). Mais le niveau intermédiaire est systématiquement ignoré : à l'échelle d'un pays, d'une nation, d'une société donnée, quelles sont les conséquences si nous n'avons plus d'enfants ?
L'absurdité de l'argument devient évidente lorsqu'on l'applique au système de retraite . La France a opté pour un système de retraite par répartition qui, par définition, ne peut fonctionner que si le taux de natalité est suffisamment élevé pour que les cotisations de la population active financent les retraites des personnes âgées. Or, paradoxe qui caractérise la gauche progressiste, les plus déterminés à défendre la destruction de la famille traditionnelle et l'épanouissement individuel des femmes sans enfant sont aussi les plus farouchement opposés aux retraites par capitalisation, où les individus ou les employeurs cotisent à des comptes d'épargne-retraite personnels au fil du temps – un système qui allégerait quelque peu l'emprise du coût des retraites sur les générations futures.
La réponse universelle de la gauche à ce problème est bien connue : le meilleur remède est l’immigration. Il faudrait faire venir massivement des immigrés pour travailler et contribuer afin que les Français puissent bénéficier d’une retraite. Même en faisant abstraction de l’aspect esclavagiste, le raisonnement est fondamentalement erroné. Si avoir des enfants est mauvais pour la planète, pourquoi les enfants d’immigrés seraient-ils meilleurs pour notre empreinte carbone ?
La question de la cohésion sociale est analysée en détail par la jeune journaliste et mère de famille Aziliz Le Corre , auteure d'un essai remarqué sur la promotion de la maternité, L' enfant est l'avenir de l'homme . Elle rappelle que l'obsession individualiste nie la part que chaque individu doit prendre pour apporter beauté et bonté à la société dans laquelle il vit, dans le désir de partager et de transmettre un héritage culturel commun. La naissance est au cœur de cette dynamique : mettre un enfant au monde nous oblige à réfléchir, concrètement et quotidiennement, à ce que nous souhaitons pour l'avenir, loin des spéculations intellectuelles des révolutionnaires écologistes.
« Personne ne m’appellera maman. » Pouvez-vous imaginer un scénario plus déprimant ?
Le problème du système sans enfant n'est pas simplement une question comptable, mais aussi anthropologique. À quoi ressemble une société sans enfant ? Disons-le très simplement : une société sans enfant est à la fois une société de solitaires et une société de personnes âgées.
Une société sans enfants est une société d'électrons libres qui gravitent et errent sans autre but que la satisfaction, à tout moment, de passions passagères. Un phénomène mal identifié lorsqu'il s'agit de parler de la baisse de la natalité est l'explosion du célibat. Pour avoir des enfants, il faut être deux (en principe, mais la gauche finirait par nous faire douter de cette réalité). Il faut vivre ensemble, au moins quelques minutes !
À Paris, le dernier recensement de 2021 indiquait que 52,8 % des ménages parisiens étaient composés d'une seule personne. La tendance s'est aggravée depuis. Un autre facteur à prendre en compte est la baisse du nombre de mariages. Pour ceux qui ont réussi à se mettre en couple, l'absence de mariage ou d'engagement se traduit par l'absence d'enfants. Alors que de plus en plus d'enfants naissent de parents non mariés, l'agrandissement de la famille, passant d'un à deux, puis à trois enfants, s'observe principalement chez les couples mariés. Plusieurs pays comme l'Autriche ou la Suède en ont fait l'expérience : l'incitation au mariage entraîne automatiquement une hausse de la natalité, une solution parfois plus efficace que l'incitation directe à avoir des enfants.
La primauté accordée à l'individualisme va à l'encontre de cette logique de bon sens. Pascale de la Morinière, présidente des Associations familiales catholiques de France, souligne que « l'idéal d'autonomie engendre toujours plus de solitude, contribue aux séparations, à la non-acceptation des enfants et à l'indifférence envers les malades et les personnes âgées ».
En fin de compte, la perspective d'une société de solitaires est celle d'un vieillissement inexorable. Le tableau qui se dessine n'est pas réjouissant. Le système de santé est débordé par la prise en charge des personnes âgées. Les maisons de retraite prennent le pas sur les crèches. Dans les pharmacies et les supermarchés, les couches sont remplacées par des protections contre l'incontinence. Les landaus et les poussettes sont remplacés par des déambulateurs et des fauteuils roulants. Dans la rue, il devient inutile de chercher des vitrines affichant des petits vêtements colorés, et les magasins de jouets finissent par fermer leurs portes. Les vitrines de Noël n'ont plus de sens. Qu'est-ce qui a remplacé tout cela ? Bonne question. L'horizon quotidien évident pour la majorité de la population n'est plus l'avenir, les rêves, les espoirs et les projets en gestation, mais l'inévitable gestion de la maladie et de la mort. Être croque-mort devient un métier prometteur.
Une société sans enfants baigne dans une atmosphère feutrée où aucun bruit ne devrait résonner, à l'image de ces résidences pour personnes âgées qui bannissent les enfants pour ne pas troubler un silence préfigurant le repos éternel. Les enfants font du bruit et rient, parfois sans raison. Ils apportent l'inattendu. Ils découvrent sans cesse et nous obligent à redécouvrir tout ce que nous semblons déjà savoir. Une société sans enfants entretient l'illusion que tout est connu et que tout peut être contrôlé, jusqu'à sombrer dans un ennui mortel.
Pour certains, cependant, le doute finit par s'installer. C'est le cas de la journaliste de gauche Salomé Saqué. Même si, dans son essai Sois jeune et tais-toi , elle explique ne pas « se voir accoucher dans un monde qui va si mal », elle refuse d'en faire une exigence et avoue « ressentir les prémices d'un désir d'enfant assez puissant ». Elle le vit comme une « privation » : le monde doit changer, croit-elle, et lui prouver qu'il y a bien du sens à procréer et à devenir parents sereinement.
Il y a une certaine immaturité dans ce constat, qui part du principe que tout est toujours la faute de quelqu'un d'autre, mais qui témoigne néanmoins du fait que le désir d'enfant, ancré en chaque femme, ne peut être dissipé d'un coup de baguette magique, malgré toutes les doses de bonne conscience ingurgitées. Salomé, encore un petit effort : à toi de mettre au monde des enfants qui feront qu'un jour, par leurs choix, ce monde n'ira pas « si mal ».
Commentaires
Merci Hélène de mettre des mots sur cet esprit du monde que subissent les femmes (volontairement ou involontairement) … Après avoir évalué la valeur d’une femme en chameaux voilà que l’on évalue la valeur d’un enfant en chiens… et pourtant il est tant de rappeler que la docilité de la Vierge Marie à la Volonté de Dieu nous offre encore aujourd’hui la maman la plus puissante et la plus rayonnante qui soit.
Donne à chacun, à chacune de nous Seigneur, de T’accueillir lorsque Tu Te présentes à notre annonciation.