De Thomas Scandroglio sur la NBQ :
Sera-t-il pape du Christ ou du monde ? Vous le comprendrez dès le salut
Plutôt que par la catégorie conservateur/progressiste, les cardinaux peuvent être distingués selon un critère évangélique : être ou ne pas être du monde. Dans le premier cas, le Pape sera l’expression d’une Église mimétique, dans l’autre de l’Église militante. Un indice pour le reconnaître…
Le critère de sélection du futur pape le plus souvent évoqué dans les médias, sur les réseaux sociaux, chez le coiffeur et devant la machine à café entre collègues repose sur la dichotomie progressiste-conservateur, un critère qui découle immédiatement de la politique et loin de la culture. Le binôme devrait être plus correctement traduit par une opposition entre les hétérodoxes, les progressistes, et les orthodoxes, les conservateurs (à l’exclusion de ceux d’entre eux qui ont mal compris le principe de la Tradition).
Nous voudrions ici oser dire qu'en réalité les amoureux du pape fantasmé et, en particulier, les cardinaux électeurs, dans leur choix du successeur de Pierre, sont guidés par un autre critère de dérivation évangélique qui est lui aussi bipolaire : être dans le monde et être du monde contre être dans le monde, mais ne pas être du monde.
Du premier côté, nous trouvons ceux qui veulent une Église mimétique , parfaitement cachée dans l'épaisse végétation du courant dominant, alignée sur les distorsions de la pensée et des modes contemporaines, amoureux de la posture horizontale pour regarder l'homme avec les yeux de l'homme et non de Dieu, une posture horizontale également sujette à la sensibilité diffuse si encline à la justification personnelle au nom d'une liberté tout aussi personnelle. Une Église qui enferme la foi dans la sphère privée et dans la sphère publique condamne la conversion et récompense la justice sociale : l’environnement, les migrants, la pauvreté, etc. C’est une Église vouée à l’extinction sociale parce qu’elle est volontairement absente de la conscience collective, une Église sciemment fantasmagorique parce qu’elle a abandonné sa mission et s’est enrôlée parmi les écologistes, les bénévoles des ONG, les employés des agences pour l’emploi, les militants LGBT, les fidèles protestants, répétant, hors du temps, des slogans éculés qui n’intéressent plus personne parce qu’ils paraissent défraîchis en comparaison de l’accélération imprimée par le processus de sécularisation. L’Église prêche la protection de notre maison commune et les défenseurs des droits des animaux revendiquent depuis longtemps des droits subjectifs pour les macaques et les mandrills ; bénit les couples homosexuels et les médias sociaux vous demandent à lequel des 56 genres vous appartenez ; élève l’accueil des migrants au rang de dogme alors que dans de nombreuses régions d’Europe, les Occidentaux sont minoritaires ; enseigne la fraternité universelle alors que la franc-maçonnerie l’enseigne déjà depuis 300 ans ; c'est un ennemi de la liturgie parce qu'il est un ennemi de la forme comme expression adéquate du sacré sans se rendre compte que l'art informel de la fin des années 1940 favorisait déjà la destruction de la forme ; il veut la convertir en démocratie en s'excusant du retard auprès des Jacobins ; fait de la place aux femmes et les premières féministes sont déjà mortes depuis des années.
Il s’agit d’une Église dont on veut extraire des disciples le nouveau Vicaire du Christ, qui a soulevé des objections de conscience sur la transcendance, sur la métaphysique, sur l’esprit et finalement sur le Christ lui-même. Une Église qui existe depuis des décennies et qui avec le pape François est passée de l'opposition au gouvernement, irénique parce qu'elle prône le désarmement culturel, l'abandon de la défense de toute identité : culturelle, anthropologique, philosophique et surtout religieuse. Une Église méconnaissable parce qu’elle est l’imago mundi.
Sur le deuxième front, cependant, nous trouvons une Église militante dans le monde et qui porte un uniforme très différent de celui de ses ennemis. Elle corrige ses erreurs car elle est consciente d’être possédée par la Vérité et que la vie commence ici et continue sans fin dans une vie après la mort qui peut être mortelle pour beaucoup. Il préfère le martyre à l'acquiescement car il vaut mieux perdre sa vie, sa profession, son prestige, son pouvoir que sa foi. Elle fait tout reposer sur Dieu et sur ses besoins, car elle est consciente que ces derniers sont « la porte étroite » par laquelle ne passeront certainement pas « tout le monde, tout le monde, tout le monde », mais seulement ceux qui ont suivi une cure d'amaigrissement sévère basée sur la prière, les sacrements et la charité, perdant des kilos et des kilos de péché. Une Église qui sait qu’elle ne sera pas culturellement hors de propos parce que chacun est à la recherche du sens ultime de sa vie et d’une opportunité de rédemption et le Christ est la réponse à tout cela ; et s'il est encore marginalisé, il se sentira encore plus proche de son fondateur qui a été crucifié. Une Église qui veut convertir le monde à Dieu, y compris les migrants musulmans et Emma Bonino, et qui ne veut pas se convertir au pacifisme, à l’environnementalisme et au paupérisme ; même prête à devenir l’Église du silence parce que parfois le dialogue et le diable ont des assonances et des points communs troublants ; universelle parce qu’elle est catholique et non universelle parce qu’elle embrasse l’univers des idées existantes ; complet, mais pas exhaustif ; aimante mais qui ne veut être l'amante de personne parce qu'elle est une épouse fidèle du Christ ; signe de contradiction car des opposés tels que l’amour et l’homosexualité, le Christ et le pluralisme religieux, sont irréconciliables ; dogmatique parce que la pensée de Dieu est vraie et immuable ; prêts à la confrontation et non à la rencontre parce que « le monde vous hait » (Jn 15, 19) ; irréductible aux canons séculiers mais communicable au cœur de tous. En fin de compte, une Église catholique.
Comment pouvons-nous reconnaître immédiatement si le Pape élu appartiendra à l’Église du Christ ou à l’Église du monde ? Le premier nous accueillera par « Loué soit Jésus-Christ » et nous répondrons : « Loué soit-il toujours ». Le deuxième nous accueillera par un « Bonsoir » et nous répondrons, désolés : « Bonne nuit ».
Commentaires
4 choix plutôt que 2. : « Le pape du Christ, celui du monde » mais aussi celui de la grâce ou celui de la loi. ?
Et tant qu’on y est, comme vicaire du Christ, c’est à lui de donner la bénédiction au peuple de Dieu. Il n’a pas à recevoir une bénédiction inversée, comme gage d’un suffrage universel ordinaire ou d’une fausse humilité. Et puis sa bénédiction devra être explicite, et pas silencieuse, sans crainte de heurter la sensibilité de l’un ou de l’autre. Et puis son rôle sera de nous confirmer dans la foi chrétienne, sans prétendre faussement que toutes les religions sont un chemin vers Dieu ou que des divinités païennes ont leur place sur l’autel de Saint Pierre, au nom d’une société inclusive.
Etre du monde est d'autant moins justifié que le monde change continuellement de position, brûlant ce qu'il a adoré, adorant ce qu'il a brûlé. On vénère Staline puis on le voue aux gémonies ; on rejette l'énergie nucléaire puis on la réclame ; on veut accueillir la terre entière puis on incite les immigrés à aller voir ailleurs ; on revendique l'hédonisme puis on bascule dans le puritanisme ; on ne jure que par l'équilibre budgétaire puis on s'acharne à vider les caisses jusqu'à la ruine totale ; on oscille entre obsession de la décentralisation et recherche du salut dans le globalisme ; on se laisse gagner par le délire wokiste puis on réhabilite le sens commun ; et la gestion d'une épidémie n'est qu'une succession d'inepties contradictoires.
Est-ce sur un tel modèle que doit s'aligner l'Eglise en charge du sort éternel des âmes ? Une réflexion basée sur une sagesse continue n'est-elle pas bien plus productrice de bienfaits que la course après les modes ? S'orienter d'après des références permanentes, n'est-ce pas l'alternative appropriée à la navigation au gré du vent dominant, cette ambition de feuille morte ?
La grande question : comment savoir si nous aurons à faire au pape de la véritable Eglise du Christ ou au faux prophète de la fausse église de Satan, au pape "exterminateur" prophétisé par saint François d'Assise ?