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Pourquoi Dieu permet-il le mal ?

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Pourquoi Dieu permet-il le mal ?

Beaucoup de nos contemporains prennent prétexte de l’existence du mal pour rejeter foi, prière et religion. Or Dieu ne veut que le bien de sa créature. Il appartient à l’homme d’user de sa liberté pour faire le bien.
 

Dieu réprimandant Adam et Ève (détail), Le Dominiquin, entre 1623 et 1625, musée de Grenoble. © Jérôme Villafruela / CC by-sa

Un principe fondamental doit être d’abord rappelé : Dieu étant « Dieu », il est dans sa nature d’être souverainement bon, intelligent et provident. En tant que tel, le mal ne peut être fait ni voulu par lui, directement ou indirectement : Dieu n’est pas la cause du mal. Certains en sont alors venus à dire, devant l’évidente et obsédante présence du mal physique et moral, que Dieu se trouverait en quelque sorte impuissant. Le philosophe allemand Hans Jonas (1903-1993) voulut ainsi revisiter « Le concept de Dieu après Auschwitz » (ouvrage de 1984). Or une telle considération revient à nier la toute-puissance de Dieu, qui fait partie de sa nature : un « dieu » impuissant n’est plus un dieu. Face à ce scandale du mal, d’autres en arrivent à écarter totalement la possibilité de l’existence de Dieu, en même temps qu’ils rejettent toute tentative de reconnaître un sens au monde et à la vie des hommes.

Le scandale du mal : impuissance ou absence de Dieu ? C’est dans ces termes que se pose aujourd’hui aux croyants la terrible question de la permission divine du mal.

Le mal est un « rien »

Pour apporter quelques éléments de réponse – sans prétendre résoudre totalement ce qui demeurera insoluble ici-bas – il nous faut revenir à la définition même du mal… C’est-à-dire à son absence de définition car le mal, en bonne philosophie, n’est « rien ». Le mal en effet n’est pas une réalité positive, un « être » à proprement parler : il est un manque, la privation d’un bien dû. Saint Thomas d’Aquin prend l’exemple de la cécité : un animal ou un homme privé de la vue est affligé par un mal ; en revanche un être inerte – plante, pierre – ne « souffre » pas de ne pas voir. Pour le dire autrement, le mal est un « trou noir métaphysique » : il est un « rien » qui prend la place d’un bien, une ombre qui vampirise la lumière et nous prive de son rayonnement. Il peut encore être comparé à un parasite, dont la présence suppose l’existence du bien tout en le diminuant sans jamais le détruire entièrement. Cette approche métaphysique peut facilement se vérifier dans notre propre expérience morale : aucun être libre ne peut volontairement poursuivre un mal pour lui-même. Lorsque nous commettons une faute, nous errons, nous nous leurrons sur la nature d’un bien ou le recherchons d’une manière désordonnée, mais nous ne désirons jamais le mal en tant que tel. Au creux même des pires perversions se cache une quête blessée du bien.

D’où vient le mal ?

Ces présupposés permettent de poser la première pierre de notre raisonnement : si le mal n’est pas un « être » positif mais une négation ou privation de l’être, il ne peut être une création de Dieu, qui est l’Être et la source de tout être. Au contraire, puisque le mal vient diminuer ce qui est, il est une amputation du bien voulu et réalisé par Dieu.

S’il ne peut être directement ou indirectement voulu et réalisé par Dieu, d’où vient le mal ? La réponse de la Révélation judéo-chrétienne se trouve dans la profonde simplicité des premiers chapitres de la Genèse. Le mal originel – évidemment – est une conséquence du dévoiement d’un bien excellent : la liberté. Comme auparavant celle de l’ange, la création de l’homme, telle que l’a magnifiquement représentée Michel-Ange au plafond de la Sixtine, est en effet la rencontre de deux libertés : celle – souveraine – de Dieu, qui crée par pure bonté, et celle de la créature, sublime et délicate image de son Créateur déposée en son âme, condition de son retour d’amour vers lui.

Le cadre posé par Dieu au premier instant est donc absolument bon – même « très bon », dit le texte sacré de Gn 1, 31 –, sans mélange de mal. Mais le bien excellent de la liberté des esprits créés inclut une fragilité qui n’a pas été voulue par le Créateur comme un piège mais comme l’occasion d’une preuve d’amour.

Dieu est-il empêché ?

Dieu se retrouve-t-il alors contrecarré par le détournement de la liberté humaine, entièrement vidée de son sens par le péché et retournée contre lui ? Non, car rien n’échappe à son plan, pas même les conséquences d’un mal qu’il n’a pas causé, car « Dieu ne permettrait pas que le mal survienne dans sa création s’il n’était pas assez bon et assez puissant pour faire jaillir de ce mal un bien » (saint Augustin – que cite saint Thomas d’Aquin pour répondre à l’objection du mal). Cette conviction profonde anime la foi chrétienne depuis les origines, attachée dans la confiance au mystère de la Rédemption par Jésus-Christ, en vertu duquel l’Église ose parler d’une « heureuse faute » originelle puisqu’elle nous valut un tel Rédempteur.

Une « permission » à bien comprendre

Terminons par une précision de vocabulaire : si Dieu ne cause pas le mal, on entend souvent dire qu’il le « permet ». Cette expression n’est admissible – on l’a dit – que dans la mesure où l’on ne l’entend aucunement en un sens positif. Elle exprime simplement le fait que Dieu, ayant souverainement et librement posé le cadre – « très bon » – de sa création, qu’il a voulu façonner pour nous et nous confier, n’interrompt que très rarement et occasionnellement (autant dire : miraculeusement) le cours naturel des choses, qu’il a lui-même ordonné, même quand le mal s’y invite et y prolifère à la suite de notre incurie. Agir autrement reviendrait pour Dieu à revenir sur les promesses des origines, à nier la liberté dont il a voulu nous doter, et ainsi finalement à nous retirer notre dignité profonde.

Le Dieu Trinité et Amour révélé en Jésus-Christ n’est en revanche pas insensible face au mystère du mal et à ses terribles répercussions dans les existences humaines : la Passion du Verbe incarné est sa mystérieuse et sublime réponse au drame du péché.

Sans aller jusqu’à placer le Créateur dans l’une ou l’autre alternative, nous contemplons à travers l’insoluble problème du mal le mystère de confiance d’un Dieu qui choisit de faire reposer l’ordre de toute la Création visible sur notre fragile liberté : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui, le fils d’un homme pour que tu en prennes souci ? » (Ps 8, 4). 

Retrouvez cette chronique sur sur claves.org, le site de formation chrétienne de la Fraternité Saint-Pierre.

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