De Marc McGinness sur le Catholic Herald :
26 novembre 2025
Une histoire de la monarchie défendant la vie
Par un simple acte de dissidence – son refus de consentir, le jour de la fête du Christ Roi, à un projet de loi légalisant l’avortement – Albert, prince de Monaco, a-t-il sauvé sa principauté de l’étiquette de « lieu ensoleillé pour gens louches » ?
Malgré le vote du Conseil national en mai (19 voix contre 2) autorisant les interruptions de grossesse jusqu'à 12 semaines, ou 16 semaines en cas de viol, et abaissant l'âge du consentement parental de 18 à 15 ans, le Prince a demandé à son gouvernement de ne pas appliquer cette mesure. Il a ajouté : « Je crois que le système actuel reflète nos valeurs, compte tenu du rôle de la religion catholique dans notre pays, tout en garantissant un accompagnement sûr et humain. »
Sa décision faisait écho aux opinions de sa mère, Grace, qui avait déclaré en 1971 être fermement opposée à l'avortement, « quel qu'il soit, légal ou illégal ». Concernant le traumatisme psychologique lié à un avortement, elle avait affirmé : « Je le ressens profondément. Les médecins ont tendance à croire que tout est fini en une demi-heure. C'est bien plus complexe. Les conséquences psychologiques persistent pendant de nombreuses années. »
Ce dernier acte de la dynastie Grimaldi, qui débuta en 1297 lorsque François Grimaldi, déguisé en moine franciscain, s'empara de la forteresse du Rocher de Monaco avec le soutien de son cousin Rainier Ier et de ses hommes, contribue à expliquer leur longévité et renforce le titre de « Souverain catholique ». L'octroi par le Vatican, en 2013, du privilège du blanc à Charlène, épouse d'Albert – privilège refusé à sa mère – l'a-t-il rapproché de l'Église ?
Ces questions de conscience ont mis à l'épreuve les dirigeants de plusieurs maisons catholiques européennes au pouvoir au cours des trois dernières décennies, des questions majeures pour ce que les médias s'obstinent à appeler des « micro-États ».
En 1990, le roi Baudouin des Belges, connu de longue date avec son épouse Fabiola pour leur engagement en faveur des droits des personnes handicapées, notamment des enfants handicapés, fut sollicité pour approuver la légalisation de l'avortement dans son royaume. Sa signature était indispensable, mais Baudouin s'y opposa, y voyant une violation du droit fondamental à la vie.
Lorsqu'il a dit à Fabiola que son refus pourrait entraîner sa démission, elle a répondu : « Je sais faire une bonne journée de travail. J'ai encore mon certificat de secourisme de la Croix-Rouge. »
Le 31 mars, Baudouin a adressé une lettre personnelle au Premier ministre Maertens, exprimant de « vives inquiétudes quant à la clause autorisant l’avortement au-delà de douze semaines si l’enfant à naître est atteint d’une anomalie particulièrement grave reconnue comme incurable au moment du diagnostic… En bref, je crains que cette loi ne contribue à une diminution palpable du respect dû à la vie des plus vulnérables. À ceux que ma décision pourrait choquer, je demande : est-il juste que je sois le seul citoyen belge contraint d’agir contre sa conscience dans un domaine aussi crucial ? La liberté de conscience est-elle sacrée pour tous, sauf pour le roi ? »
Le Premier ministre Maertens proposa un ingénieux compromis à la belge. L'article 82 de la Constitution belge stipulait qu'en cas d'incapacité du monarque à gouverner, les pouvoirs royaux étaient dévolus au Conseil des ministres. Le roi abdiqua donc et, durant la période de vacance du trône, le Conseil des ministres ratifia et promulgua la loi sur l'avortement. Le 5 avril, 36 heures après l'abdication, le Premier ministre déclara que le roi était désormais apte à gouverner et celui-ci reprit ses fonctions.
Baudouin écrivit plus tard dans son journal : « Si je n'avais pas fait cela, j'aurais été malade toute ma vie pour avoir trahi le Seigneur. »
Trente-quatre ans plus tard, l'acte du roi a été évoqué par le pape François lors de sa visite au tombeau de Baudouin. Après la messe célébrée le 29 septembre dernier, le pape a annoncé qu'il entamerait le procès en béatification du roi, car « on m'a apporté la preuve de sa sainteté ».
Le pape a déclaré plus tard : « Les femmes ont droit à la vie, à leur vie et à celle de leurs enfants. N’oublions pas de le dire : un avortement est un homicide… il tue un être humain. Les médecins qui le pratiquent sont des tueurs à gages… Et sur ce point, il n’y a pas de débat. »
En décembre 2008, le neveu de Baudouin, le grand-duc Henri de Luxembourg, fut confronté à une crise similaire. Plus tôt dans l'année, le Parlement luxembourgeois avait approuvé une loi sur l'euthanasie autorisant les médecins à mettre fin à la vie des personnes en phase terminale sous certaines conditions strictes. Le vote avait été adopté par 30 voix contre 26, mais lorsque le Premier ministre Jean-Claude Juncker présenta le texte pour approbation, le grand-duc refusa de le faire « pour des raisons de conscience ».
En réponse, le gouvernement a modifié l'article 34 de la Constitution, privant ainsi le Grand-Duc de son droit de veto. Le Parlement a ensuite adopté la loi, qui ne nécessitait plus son approbation, mais seulement sa promulgation. Cette mesure l'a placé, et place aujourd'hui son fils Guillaume, dans la même position que le monarque britannique.
Depuis, des questions ont été soulevées quant à la position de la défunte reine Élisabeth II concernant la sanction royale de la loi de 1967 sur l'avortement. Dans un article convaincant paru dans The European Conservative (mars 2024), le Dr James Bogle a soutenu que « la monarque britannique ne saurait être blâmée de ne pas avoir exercé un pouvoir discrétionnaire qui, de par la Constitution, ne lui est pas conféré. La responsabilité de la loi de 1967 sur l'avortement incombe au gouvernement élu, et non à la Reine… Se contenter d'obéir à un « avis » ministériel visant à certifier qu'un projet de loi a été adopté par les deux chambres du Parlement n'a rien d'immoral. Cela ne vaut pas approbation du contenu dudit projet de loi. »
Le Dr Bogle a cité la comparaison faite par le président François Mitterrand entre le rôle du chef de l'État français et celui d'un notaire. Lors de la campagne présidentielle de 1965, le général Charles de Gaulle fut choqué par les propositions de Mitterrand en faveur de la légalisation de la contraception. Onze projets de loi furent proposés entre 1958 et 1967 ; aucun ne fut inscrit à l'ordre du jour. Finalement, le général convoqua Lucien Neuwirth, artisan du projet de loi, à l'Élysée. Neuwirth insista : « Vous avez donné aux femmes le droit de vote. Donnez-leur maintenant le droit de maîtriser leur fertilité. » Après un long silence, le général répondit : « C'est vrai, transmettre la vie est important. Cela doit être une décision consciente. Continuez ! » Il n'aurait jamais toléré la légalisation de l'avortement. Lorsque cette loi fut soumise au président en 1974, Valéry Giscard d'Estaing fit office de notaire et se contenta de la promulguer.
En 2010, Sa Majesté le roi Juan Carlos d'Espagne fut contraint de signer une nouvelle loi assouplissant les restrictions sur l'avortement. Les évêques annoncèrent qu'ils ne prendraient aucune mesure à son encontre : « Que Sa Majesté le roi doive entériner cette loi par sa signature est une situation exceptionnelle. Aucun autre citoyen ne se trouverait confronté à une telle situation », et par conséquent, les « principes généraux » ne pouvaient être appliqués.
La conscience des souverains fut de nouveau mise à l'épreuve en 2012 pour le prince héritier Alois von und zu Liechtenstein, régent de son père, le prince Hans-Adam II. Confronté à une initiative populaire visant à légaliser l'avortement, il annonça qu'il opposerait son veto à tout projet de loi en ce sens, quel que soit le résultat du vote. L'initiative fut rejetée par 51,5 % des voix contre 48,5 %.
Cela provoqua une autre initiative visant à limiter le droit de veto du prince. Aux termes de la Constitution, la monarchie pouvait être abolie à tout moment par référendum, mais tant qu'elle existait, le prince conservait un droit de veto sur toutes les questions législatives.
Le prince Alois a déclaré que, plutôt que d'accepter l'obligation de promulguer des lois contraires à sa conscience et aux droits fondamentaux de la personne, lui et sa famille renonceraient au trône et quitteraient le pays. Le 1er juillet 2012, 76 % des Liechtensteinois ont rejeté cette proposition.
Fait intéressant, deux ans plus tard, le cousin d'Alois, le roi Philippe II des Belges, a promulgué une loi accordant aux mineurs belges le droit à l'euthanasie. Il n'a pas eu recours au mécanisme constitutionnel utilisé par son oncle Baudouin en 1990.
Le dernier défi auquel est confronté un prince européen préoccupe le chef d'un autre micro-État, Andorre. Deux co-princes cumulent les fonctions de chef d'État : le président de la République française et l'évêque d'Urgell. Le prince-évêque, Josep-Lluís Serrano Pentinat, nommé en juillet 2024, a été invité à promulguer une loi dépénalisant l'avortement tout en maintenant son interdiction. Une loi complémentaire est prévue pour autoriser la prise en charge par l'État des frais de déplacement à l'étranger des femmes souhaitant avorter.
La Constitution n'autorise qu'une seule signature de l'un ou l'autre des coprinces, les questions controversées étant généralement laissées à la discrétion du président de la République. Jacques Chirac a légalisé les unions civiles entre personnes de même sexe en 2005 et Emmanuel Macron a approuvé la procréation médicalement assistée en 2019.
Mais dans ce cas précis, le Saint-Siège est intervenu. En septembre 2023, le cardinal Pietro Parolin s'est rendu en principauté, et le pape François a ensuite rappelé au clergé français la nécessité de savoir dire « non, je ne peux pas » lorsque la vérité est en jeu. La question reste cependant en suspens.
L'intervention du prince de Monaco est l'un des exemples les plus frappants de la façon dont les plus hautes sphères de la société défendent les plus faibles, avec un succès apparent. La démocratie est une belle chose, certes, mais il faut reconnaître le pouvoir divin des rois.