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Yves Leterme doit-il assister à la béatification de Jean-Paul II ?

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armorie.gifA chaque jour sa moisson d’anticléricalisme  : ce mercredi 27 avril la Libre Belgique s’interroge sur la légitimité et l’opportunité du déplacement du Premier Ministre, Yves Leterme à Rome pour y assister, aux côtés du Roi, à la béatification du pape Jean-Paul II, ce dimanche 1er mai. C’est ici : Yves Leterme doit-il aller au Vatican ?

Répondant à « M. A-G », un journaliste non autrement identifié, le Président du Centre d’action laïque, Pierre Galand, nous apporte ses Lumières sur la question : nous apprenons de la bouche de ce maître à penser librement que la démarche du premier ministre violerait la règle de séparation de l’Eglise et de l’Etat et le principe de la neutralité de celui-ci à l’égard des religions. Plus drôle : du haut de son magistère, le président du C.A.L. estime cette béatification accélérée suspecte et en disharmonie avec le sentiment des chrétiens, pour conclure : « suite à ce voyage, il faut remettre sur le tapis la séparation stricte de l’Eglise et de l’Etat ». Une règle de non ingérence qu’il pourrait commencer à s’appliquer à lui-même…

Pluralisme oblige, Marc Verdussen, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Louvain est censé lui donner la réplique. Jusqu’à un certain point.

J’ai retenu de mes cours de droit à l’Université de Liège que l’Etat belge n’est pas laïc en ce sens qu’il serait porteur de valeurs publiques transcendant les religions privées, ni obligatoirement agnostique devant le phénomène religieux : la laïcité elle-même est assimilée, par la loi, aux cultes reconnus, en tant que philosophie du « libre examen ».  Parler de séparation de l’Eglise et de l’Etat serait aussi inapproprié, si l’on entend par là qu’ils n’ont rien à voir ensemble. Les dispositions constitutionnelles et légales organisent plutôt une certaine indépendance dans le respect mutuel. Et même un peu plus : à ce titre, on peut citer, la rémunération par l’Etat des ministres des cultes reconnus et divers privilèges ou contraintes connexes, la répression pénale propre aux désordres et outrages touchant à l’exercice ou aux objets du culte, à la personne de ses ministres ou à leur habit officiel ; l’organisation de préséances protocolaires ou diplomatiques; les honneurs civils et militaires rendus lors de certaines cérémonies religieuses officielles, comme le « Te Deum », mais aussi les poursuites pénales spécifiques contre les ministres du culte qui attaqueraient « directement » un acte de l’autorité publique ou célébreraient le mariage religieux des époux avant leur mariage civil.

On comprend ainsi pourquoi la neutralité des pouvoirs publics n’est pas mentionnée, comme telle, dans la constitution même si certains la déduisent de l’interdiction des discriminations et du principe d’égalité qui y sont inscrits. Face à la pluralité des religions, cette neutralité est, pour le moins, toute relative puisque l’Etat (et à sa suite les autres pouvoirs publics) soutient le libre développement des activités religieuses et apporte son aide et sa protection aux sept cultes (laïcité comprise) qu’il reconnaît, parmi lesquels – primus inter pares – le catholicisme romain. Il faudrait donc, à tout le moins, parler d’une neutralité « positive ». 

C’est un peu ce que confirme, à sa manière, le professeur Verdussen : « le fait qu’une autorité publique assiste à une cérémonie religieuse d’un culte reconnu n’est pas, en soi, de nature à remettre en cause le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Toutefois, une exigence majeure s’impose : tous les cultes reconnus doivent être traités de la même manière, sans discrimination. Ainsi, la visite du Roi et du Premier ministre à Rome ne pourrait être considérée comme répréhensible que si l’on peut démontrer que le pouvoir exécutif favorise une religion au détriment d’une ou d’autres ».

Et, ajouterais-je, que cela plaise ou non, le catholicisme reste, malgré les dérives de sa gestion postconciliaire, la religion de la majorité, au moins relative, du peuple belge. En l’occurrence, c’est précisément un traitement égalitariste des cultes qui serait discriminatoire.

Ensuite, comme l’écrit fort bien le professeur louvaniste « le roi Albert est invité par le Vatican, non pas à titre privé, mais en qualité de chef de l’Etat. C’est donc une visite officielle qui a un caractère politique. Or, selon notre Constitution, le Roi ne peut rien faire politiquement, à l’intérieur ou hors les frontières, sans l’aval – le contreseing dit la Constitution – du gouvernement fédéral. Ce ne doit pas être nécessairement un écrit. Lors d’une visite, par exemple, la présence d’un ministre au côté du souverain est une forme de contreseing qui assure la responsabilité politique » 

La décision de couvrir politiquement l’acte du Roi, par la présence d’un de ses ministres, est le fait collégial du gouvernement (socialistes, libéraux et humanistes et autres confondus), non celle du seul Yves Leterme. Marc Verdussen s’interroge sur le point de savoir si une telle décision était juridiquement possible pour un gouvernement démissionnaire en affaires courantes car elle ne peut se justifier par un état d’urgence nationale (faire voter le budget de l’Etat) ou internationale (coopérer activement à une guerre dans le cadre de l’Otan). Mais on peut lui rétorquer que les affaires courantes ce sont aussi les affaires banales : spirituellement la canonisation de Jean-Paul II est un acte important, mais politiquement, c’est une affaire banale, n’en déplaise à tous les messieurs Homais du landerneau. Quant à croire que l’absence du Roi, pour quelques heures romaines, serait inopportun vu l’état de la crise politique belge, on nous permettra d’esquisser un léger sourire.

Commentaires

  • Je souris avec vous... et je serais heureuse d'être M. Leterme qui pourra participer à cette cérémonie dans des conditions épatantes!

  • Voyant dans ces vies de fidélité à l’Évangile, un témoignage éclatant de la sainteté de l’Église, le pape a déjà affirmé que des béatifications et canonisations sont parmi les actes les plus importants de son pontificat. Jean-Paul II a pour cela demandé l’accélération des procès canoniques, en particulier de laïcs, et a accordé une importance particulière aux martyrs du XXe siècle et à la dimension œcuménique du martyre et de la sainteté.

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