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Les catholiques et l'engagement en politique

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942650839.jpgUn compte rendu de la session "S'engager en politique" qui s'est tenue à la Sainte-Baume du 25 au 28 août figure sur le blog "le soupirail et les vitraux". Etant donné l'importance du sujet, même s'il était envisagé dans une perspective française, nous prenons la liberté de le reproduire ici :

"Accueillis du 25 au 28 août dans le cadre magnifique de la Sainte-Baume par les dominicains et leur belle liturgie, une cinquantaine de participants d'horizons divers (dont un avocat irlandais) se sont réunis pour réfléchir à l'engagement des catholiques en politique. Lancé par Mgr Rey et l'Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon, cette première université nous a permis, à l'ombre de Sainte Marie Madeleine, apôtre des apôtres, d'approfondir le sens et l'enjeu d'une action politique spécifiquement catholique, dans le respect de la distinction du temporel et du spirituel. Les interventions nombreuses de personnalités engagées à divers titres (juriste, religieux, conseiller en communication, président d'association, écrivain, maire, député, etc.) nous ont ouvert des perspectives sur le sens et les enjeux de la mission historique des laïcs chrétiens dans nos sociétés sécularisées : « animer chrétiennement l'ordre temporel », en promouvant l'enseignement social de l'Eglise. Dans une variété certaine de parcours, d'âge et de sensibilité, les participants ont pu mesurer l'ampleur du défi à relever pour promouvoir un ordre plus juste au service du bien commun.

Le diagnostic est grave : malgré quelques initiatives encourageantes, les catholiques n'existent pas encore en politique, dans la mesure où ils manquent gravement de visibilité et d'efficacité. Le problème n'est pas nouveau, Montalembert  disait déjà en 1846 : « Soyez seulement un fait, au lieu d'être une ombre, un bruit ou une ruine ». Trop longtemps les laïcs catholiques en France ont renoncé à assumer leur charge, à être le sel de la terre et la lumière du monde, déléguant frileusement leurs responsabilités temporelles à de bien médiocres alliés (au nom d'un illusoire moindre mal), parfois même à leurs adversaires les plus directs (que la pente est douce du compromis à la compromission...). Or,  c'est bien connu : quand les dégoûtés s'en vont, ne reste que les dégoûtants ! C'est ainsi que, faute d'opposants solides, faute de structures catholiques opératoires, crédibles, organisées en réseaux efficaces, l'anti-culture de mort a pu progresser insidieusement dans les consciences et dans les lois, imposant en douce sa violence transgressive. Comme l'a montré avec force Pierre-Marie de Berny, fondateur d'Unitas et auteur de l'excellent « Petit manuel d'apostolat médiatique », les minorités agissantes sont plus efficaces que les majorités silencieuses dans notre démocratie d'influence. Or, les catholiques français sont encore aujourd'hui une minorité silencieuse, persuadée de n'avoir pas le droit, parce que catholique, de prendre la parole publiquement dans notre république laïque.

Voici les principales conclusions qu'à titre personnel je tire de cette première université politique et qui confirment certaines des intuitions fondamentales de notre projet lyonnais d'Alternative Catholique (le vrai site est en construction) :

> Nécessité et fécondité d'une action politique spécifiquement catholique : même si nous devons bien être conscients qu'« on ne changera pas ce pauvre monde en reposoir de la Fête-Dieu » (Bernanos), l'engagement politique est plus que jamais un lieu privilégié de l'apostolat des laïcs, une terre de mission où, à travers l'évangélisation de la politique et la politisation des catholiques, nous pouvons réellement servir l'ultime Bien commun qu'est Dieu.

> Urgence de la professionnalisation des mouvements qui promeuvent la pensée sociale de l’Église, notamment dans le domaine de la communication : si tout engagement catholique doit être vécu dans la prière et se faire dans la conscience de nos propres limites, si on ne changera rien sans le secours de la sainte Providence, on ne peut se contenter d'attendre et d'espérer qu'elle supplée à nos défaillances !
A cet égard, le happening de l'ADV contre l'euthanasie de janvier 2011 est sans doute un bel exemple d'action politique réussie. Il s'agit d'abord de viser non pas la masse mais l'efficacité : faire apparaître aux responsables un problème politique, c'est-à-dire une contradiction à résoudre de toute urgence. Pour cela, il faut proposer une analyse précise (plutôt que geindre ou crier), apporter des solutions efficaces et réalistes, et enfin, trouver des points d'appui dans l'opinion à travers un réseau dense et varié, capable de fédérer des alliés utiles. Rien ne peut excuser notre amateurisme dans des désastres communicationnels comme les contre-kiss in ou l'affaire du Piss-Christ, ou encore notre naïveté dans les polémiques autour de l'intrusion du Gender à l'école, face à laquelle nous répondons trop tard et à côté. Hélas, tellement plus facile à écrire qu'à faire...

> Réalisme face à la réalité médiatique : si la politique est un lieu de combat, parfois violent, il ne faut pas fantasmer la malveillance des médias et des responsables politiques qui pour la plupart sont plus indifférents qu'hostiles. Nous sommes les premiers, sinon les seuls, responsables de notre impuissance politique. Dans la mesure où les médias cherchent de plus en plus le clash, la radicalité paie : c'est pourquoi on gagne à assumer sa foi catholique de manière décomplexée - et intelligente.

> Investissement de l'ensemble de la communauté politique pour la refonder sur des bases plus saines : "Les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la ‘politique’, à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun" (JP II, Christifideles laici, 1988). L'engagement politique ne se résume en effet pas aux échéances électorales : outre la pratique quotidienne de la vie chrétienne, l'engagement associatif et intellectuel, la création artistique, de nombreuses sphères d'influence et de décision restent insuffisamment investies par les catholiques : mandats locaux, évidemment, mais aussi postes de conseillers ou d'assistants parlementaires, etc.

> La formation doit être orientée vers l'action concrète et l'action doit s'enraciner dans une formation solide. Sans cette association vivante, on risque de se perdre dans deux impasses : d'une part, la formation pour la formation, comme le poisson dans son bocal - l'éternel étudiant enfermé dans sa bibliothèque, le cercle reproduisant chaque année ses mêmes réunions de réflexion ; d'autre part, l'action sans formation, comme un coup d'épée dans l'eau – le groupe d'excités qui fonce avant de penser, sans savoir où il va - dans le mur.

> L'engagement en politique est un service, un service rendu à la cité, une oeuvre de charité à l'égard de notre pays et de ses habitants. Ainsi l'ambition personnelle de celui qui s'engage, sans laquelle il ne fera certes rien de bon, doit-elle être clairement subordonnée à sa volonté de mettre ses compétences au service du bien commun, sous peine de n'être qu'une énième cymbale qui résonne dans la cacophonie du pouvoir.

Laissons le bon vieux Montalembert nous exhorter encore :

Volontiers les catholiques blâment le pouvoir et critiquent le Gouvernement. Mais pour avoir le droit de blâmer et de critiquer, il faut être soi-même à l'abri de tout reproche. [...] Trois ou quatre d'entre vous ont combattu pour tous ; vous les avez regardés faire, comme si ce n'était pas de vous qu'il s'agissait ; et vous avez recommencé à blâmer, à censurer, à critiquer, en ayant soin de vous dérober, je ne dis pas seulement à tout danger, mais à toute peine, à toute gêne, à tout sacrifice. (« Du devoir des catholiques dans les élections », 1846).

Gaultier Bès de Berc; http://lesoupirailetlesvitraux.hautetfort.com/archive/2011/09/02/politique-a-la-sainte-baume.html

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