Publié sur le "Vatican Insider" (5/05/2012) et traduit par notre amie Bruna :
Voyage dans les racines chrétiennes de l’Europe.
Interview de Cesare Zucconi de la communauté San Egidio, membre du comité d’orientation de « Ensemble pour l’Europe », manifestation organisée à Bruxelles le 12 mai et qui rassemblera des représentants de nombreuses villes de tous les continents. (Fabio Mandato – Rome).
- Que représente « Ensemble pour l’Europe » et qui y participera ?
« Ensemble pour l’Europe » est une convergence spontanée de nouvelles communautés et mouvements chrétiens appartenant à différentes confessions, qui gardent leur autonomie mais agissent ensemble pour promouvoir et soutenir le processus d’unité européenne. Ils agissent avant tout en étant eux-mêmes témoins de cette unité à travers une fraternité amicale et un engagement évangélique commun dans la société européenne et dans le monde. « Ensemble pour l’Europe » est l’expression de la société civile européenne, de chrétiens de différents pays et de confessions différentes qui perçoivent l’unité européenne comme étant une nécessité, une priorité de notre temps, et veulent la soutenir avec passion. La journée historique de la Pentecôte 1998, voulue par Jean-Paul II, qui a vu de nombreux courants catholiques se recueillir Place Saint-Pierre, à été un stimulant à plus de communion et de collaboration entre des mouvements catholiques différents par leur histoire, leur charisme. Benoît XVI a répété l’expérience à la Pentecôte 2006. Ce courant de sympathie, cet esprit de collaboration, à l’initiative en particulier de Chiara Lubich et Andrea Riccardi, s’est élargi au monde protestant allemand, puis aux anglicans et aux orthodoxes de différents pays d’Europe. Maintenant nous nous préparons pour le 12 mai à Bruxelles, capitale des Institutions Européennes. La crise économique qui traverse notre continent provoque beaucoup de souffrances et de peur, cela nous interpelle et nous implique en tant qu’Européens chrétiens. Un message fort , un engagement fort et rénovateur sont nécessaires. Nous devons nous unir pour pouvoir sortir ensemble de cette crise qui est aussi politique, une crise du futur et des ambitions.
- Pourquoi est-il nécessaire de s’unir pour le continent ?
Etre unis, se mettre ensemble, est une nécessité de notre temps, d’un temps pas facile. Aujourd’hui, en Europe, il y a comme une peur du futur parce que nous craignons que ce soit un temps de crise majeure. Nous avons peur du futur parce que nous, Européens, sommes âgés, mais aussi parce que nous n’avons plus de désirs. Karol Wojtyla dans un poème des années grises de la Pologne écrivait : « L’homme souffre surtout par manque de désir. » Il me semble que la souffrance européenne est aussi une conséquence d'un manque de désir parce que nous sommes bloqués par la peur. Que sera demain ? Nous devons retrouver l’espérance et un désir pour le futur. « Ensemble pour l’Europe » est une réalité mais aussi un désir : des femmes et des hommes européens unis. Le souhait est une Europe unie, c'est-à-dire un mode européen d’être allemand, français, italien, espagnol, autrichien, polonais, roumain, britannique…. Si les institutions sont rigides, si les processus tardent, si les politiciens hésitent, si un groupe rejette la responsabilité des retards sur les autres, nous chrétiens européens devons avoir le courage de promouvoir un sentiment européen commun capable d’habiter les cœurs et les esprits.
- Parfois les institutions européennes semblent avoir perdu le sens des racines chrétiennes du continent. Pourquoi ?
Je crois que cela résulte d’une crise générale de la mémoire. Il n’y a pas seulement la peur du futur mais aussi une crise du passé. Nous ne savons pas à quoi cela est dû. Il manque le sens de l’histoire du passé. Souvent, si on ne se projette pas vers le futur c'est parce qu’on n’a pas la mémoire du passé. C’est de là que jaillit un besoin d’ensemble unificateur qui devienne pour aujourd’hui et pour le futur un courant vital entre nos concitoyens européens, chrétiens et non chrétiens, croyants ou non croyants, le sens d’une mission dans le monde.
- Quelles sont les urgences de l’Europe actuelle ?
Il y a la crise économique avec tout son poids de souffrance, la croissance du chômage, l’appauvrissement de beaucoup de personnes, principalement des plus faibles. A ces points nous consacrerons une partie de la journée de « Ensemble pour l’Europe » avec des témoignages.
Il y a 7 « oui » dans les quels nous nous sommes engagés entant que mouvement chrétien. Un de ceux-ci est « oui » à une économie unifiée. Mais il y a le « oui » à la solidarité et à la responsabilité envers toute la société. Il y a le « oui » à la famille qui est le fondement d’une société solidaire, ouverte vers le futur. Ensemble nous pouvons sortir de la crise, en étant solidaires et non en pensant chacun pour soi. Les personnes âgées sont une grande ressource de notre continent trop souvent négligée. Il y a ensuite le problème des jeunes d’Europe qui est une vrai urgence, une génération précaire qui semble n’avoir pas de perspectives à laquelle nous voulons donner la parole au cours de la journée à Bruxelles. Il faut une politique et des interventions adéquates pour rendre confiance aux jeunes.
- Pensez-vous que la crise ait eu un impact éducatif et qu'elle soit aussi l’occasion d’une reconstruction de l’Europe ?
Cette année Benoît XVI parlant au corps diplomatique disait : « La crise économique peut et doit être un stimulant à réfléchir sur l’existence humaine et sur l’importance de sa dimension éthique, avant même que de réfléchir sur les mécanismes qui gouvernent la vie économique ». Dans l’immédiat la crise produit souffrance et endurcissement, fermeture et peur. Nous n'avons pas choisi et nous ne voulons pas de cette crise mais la crise peut être une occasion de « purification » et de redécouverte de l’essentiel. Elle peut décider beaucoup de personnes à mener une vie plus sobre, moins opulente, moins dépensière, plus solidaire.
- Comment concrétiser un dialogue entre témoignages chrétiens et messages provenant des autres confessions religieuses ?
L’Europe est une mais multiple : nous avons des langues diverses, des traditions, des cultures, des religions différentes, des odeurs et des saveurs diverses. Nous pensons concrètement à la réalité de l’immigration dans nos pays, dans nos villes. En Calabre, à Rosamo, point douloureux de l’immigration en Italie, comment vivre ensemble ? Comment intégrer les immigrés qui veulent vivre dans notre pays, et qui sont indispensables pour notre présent et notre futur ? Rosamo est un exemple de mobilisation civile, d’une société de jeunes qui s’engagent à construire des ponts. L’Europe dans sa diversité, si unifiée, si solidaire, réalise la civilisation du vivre ensemble, civilisation qui manque au monde.
- Pourquoi l’Europe n’arrive-t-elle pas à dire un « non » définitif aux armes nucléaires ?
C’est le « oui » à la création qui défend la nature et l’environnement, don de Dieu à défendre avec un engagement respectueux pour les générations futures. C’est le point essentiel pour notre futur, celui de la famille humaine pour la paix que nous Européens ne pouvons garder pour nous seuls.