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Déclaration solennelle de l’Académie catholique de France sur la situation actuelle des Orientaux chrétiens

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Source : http://academiecatholiquedefrance.info/

La situation tragique continûment imposée depuis plusieurs décennies aux chrétiens qui sont nés et vivent au Moyen Orient  a désormais atteint  un degré d’inhumanité intolérable. Elle exige, avant le point de non-retour, un réveil  immédiat  des consciences  et  une mise en mouvement accélérée des corps de décision politiques et associatifs.

La douleur quotidienne des déplacements imposés aux familles, les menaces aggravées qui pèsent sur  la vie des personnes,  les angoisses  permanentes des  lendemains  incertains quant au logement, à l’emploi et à l’éducation, ont fait de communautés entières, pour l’unique raison de leur appartenance religieuse, des groupes relégués dans la marginalisation civique et internationale*.

Il faut y insister : dans la plupart des pays musulmans où la laïcité est comprise comme un concept étranger, les chrétiens relèvent  de facto d’un statut à part, en certains lieux officiellement abrogé mais officieusement observé : la  dhimmitude (c’est-à-dire  l’ensemble des relations entre la communauté islamique et les indigènes juifs et chrétiens). Ce statut fait d’eux des citoyens  de seconde zone (à l’exception du Liban), alors qu’ils ont historiquement joué et jouent encore un rôle important en faveur de la culture et de la démocratie.

A travers eux et les discriminations dont ils sont l’objet, c’est  aussi bien  la présence  du christianisme sur les terres de sa naissance, voici deux millénaires, qui est en jeu. La mort physique ou l’émigration y constituent pour l’heure les deux réponses fréquemment sollicitées au mot d’ordre tenace, expressément revendiqué ou soigneusement dissimulé : « Disparaissez ! ». 

Cette situation, entend-on depuis longtemps, ne saurait durer. Mais, prisonniers de stratégies géopolitiques qui les dépassent, les Orientaux chrétiens éprouvent le cynisme des discours édulcorés et des rhétoriques de circonstance, produits par des puissances étatiques et nombre de leur relais diplomatiques, accentuant leur sentiment d’impuissance.

Pourtant, certains musulmans résidant dans  ces mêmes pays n’hésitent pas à  affirmer, tel Mohamed Kabbani, mufti  (sunnite)  de la République libanaise  lors de la visite récente du pape Benoît XVI au Liban : « Nous appuyons votre appel à préserver leur présence dans le monde arabe lancé aux chrétiens du Proche-Orient […] et pour l’égalité de tous les citoyens, en droits et en devoirs, sans discrimination aucune, religieuse, confessionnelle ou raciale, que ce soit ». Il se trouve qu’en outre, dans cette même région, certains musulmans, qu’on appelle modérés en raison de la priorité qu’ils accordent à la vie spirituelle sur la conquête sociopolitique, sont eux-mêmes menacés, voire assassinés.

Les chrétiens doivent pouvoir affirmer leur foi, invoquer leur identité religieuse, exercer leur culte  sans  que leurs communautés soient assimilées  aux communautarismes. La vie commune suppose un traitement identique de tous les citoyens et le respect d’un pacte social défini selon les principes de liberté et d’égalité. Tout particulièrement, la liberté religieuse  implique  la liberté de culte, mais aussi la liberté de conversion religieuse.

En  ne se limitant pas au seul fait  de  leur identité culturelle et sociologique, les chrétiens approfondissent le sens de leur  propre vocation et  vivent dans les dimensions d’universalité, de justice et de paix qu’elle comporte. Ils peuvent d’autant mieux contribuer à la promotion du bien commun et de la dignité humaine. Ils nous offrent ainsi, à nous Occidentaux, un modèle de proximité et de fraternité entre les différentes familles religieuses.  En surmontant  leurs propres divisions et en engageant un processus renouvelé de dialogue interreligieux sincère, ils mettent en relief ce qui les unit entre eux et avec tous les hommes.

Dans de telles conditions,  dont la complexité paralyse trop souvent l’action, l’Académie catholique de France en appelle au gouvernement français pour qu'il entreprenne sans tarder, si possible en coopération avec les Etats membres et les institutions de l'Union Européenne, sinon de sa pleine autorité, les démarches qui s’imposent pour que soient respectés les droits des Orientaux chrétiens à vivre en citoyens de plein exercice et notamment à pratiquer leur religion librement, sans contrainte ni limitation, conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Nous considérons qu'il y va de l'honneur de notre pays, la France, et de toutes les familles d’esprit qu’il réunit.

Paris, le 13 décembre 2012

Académie catholique de France**

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* En Irak, on comptait avant 2003 1 200 000 chrétiens ; ils sont aujourd’hui à peine 400 000, les plus pauvres d’entre les pauvres.

   En Egypte, les chrétiens représentent officiellement  environ 10% de la population du pays, soit 8 à 10 millions de coptes, mais sans doute moins ; ils sont désormais très inquiets de leur sort.

   La République islamique d’Iran enregistre 135 000 chrétiens dont 20 000 catholiques, soit moins de 0,3% de la population. Ils tentent de se faire accepter.

   Près de 150 000 chrétiens, soit 2% de la population totale, vivent en Israël.  Ces citoyens, des arabes, reçoivent la nationalité israélienne ; ils sont à Jérusalem incités à quitter la ville.

   En  Jordanie, les chrétiens représentent  moins de 6% de la population, soit 350 000  dont 120 000 catholiques. Depuis 2003,  ce pays a accueilli un nombre important de réfugiés irakiens dont beaucoup de chrétiens.

   Au Liban, les chrétiens constituent 38% de la population, soit 1,5 million, très majoritairement maronites. Même si leur rôle est important,  la crise économique, les tensions politiques et les attentats poussent chaque année plusieurs milliers d’entre eux à quitter le pays.

   Dans les territoires palestiniens, le discours islamiste majoritaire associe les 60 000 chrétiens, soit 2% de la population, à l’ « Occident », aux « croisés » et désormais aux « envahisseurs américains ». Victimes d’un harcèlement économique, ils rejoignent la diaspora palestinienne notamment aux États-Unis.

   En Syrie, les chrétiens constituent 4,5% de la population, soit moins d’un million. Si leur liberté de culte est garantie par la nature laïque du régime syrien, elle est encadrée par des limites quant à leur accès à des postes de responsabilités administratives et politiques. Les événements actuels de guerre civile nourrissent une très forte inquiétude sur leur avenir proche.

** Cette déclaration a été rédigée avec le concours de l’Agence Internationale Diplomatie et Opinion Publique, et l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem (Lieutenance de France).

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