Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

MPT : osons le débat; l'éclairage de Lucetta Scaraffia

IMPRIMER

Cet éditorial, paru hier dans l'Osservatore Romano sous la signature de Lucetta Scaraffia, donne un éclairage intéressant sur le débat que nous avons ouvert dans un post précédent (les soulignés sont de belgicatho) : 

Les catholiques dans le débat démocratique

(Osservatore Romano, 29 mai)

Le cas français

En France, après avoir pris acte que la loi sur les mariages entre homosexuels a été approuvée malgré les manifestations répétées de protestation, le monde catholique s’est divisé. Jusqu’à ces dernières semaines, il semblait avoir soutenu avec une certaine unité l’opposition à la loi, mais à présent « Le Monde » publie plusieurs articles qui mettent en évidence le mécontentement des fidèles qui voudraient abandonner cette bataille.

En substance, une partie des catholiques est opposée à ce qui est défini comme une sorte de politisation de la religion. Selon eux, en effet, elle devrait rester en dehors de l’arène  politique, où elle court le risque – comme il advient dans ce cas – d’être apparentée à une des parties en lutte.

Il s’agit assurément de catholiques préoccupés par les consonances entre l’opposition de l’Eglise et les positions de l’extrême droite, une proximité tout à fait gênante.

La situation française fait émerger des problèmes qui sont désormais une expérience quotidienne dans les pays où les catholiques ont à faire avec la vie politique démocratique : face aux questions bioéthiques ou aux nouveaux droits, autant de thèmes qui enflamment les partis politiques, l’Eglise, bien qu’elle suive sa réflexion et ses cohérences internes, devient à son corps défendant un acteur politique. Et cela advient non seulement lorsqu’elle appuie une des parties, au lieu de rester « au-dessus de la mêlée », dans une neutralité qui selon certains garantirait son caractère apolitique, mais aussi lorsqu’elle est attaquée : pour beaucoup, en effet, prendre position contre l’Eglise représente un élément positif indiscutable.

Si cette politisation involontaire constitue indubitablement un danger, il y a toutefois une autre conséquence, qui n’a pas été examinée jusqu’à présent : le silence de la part de l’Eglise sur des thèmes chargés de signification anthropologique aurait lui aussi une signification politique, parce qu’il voudrait dire que, au prix de ne pas se lier à un parti politique, les catholiques choisissent de se taire sur des questions qui touchent leur conception du monde. Au fond, ce serait là encore un choix politique partisan.

Les catholiques critiques contre la mobilisation de l’Eglise sur ces thèmes opposent l’idée d’une institution militante, qui indique ce qui est bien et ce qui est mal, à une institution accueillante et pleine d’amour, qui ne juge pas mais aime tout le monde. Et en effet, trouver un équilibre entre charité et justice a toujours été dans l’histoire une tâche difficile pour l’Eglise, généralement résolue en faisant coexister des positions sévères avec une pratique pastorale d’accueil et de miséricorde.

Mais il ne s’agit pas ici de comportements personnels discutables ou de violences facilement exécrables, à savoir d’épisodes isolés condamnables : dans ces cas-là – comme dans la légalisation du mariage entre homosexuels – il y a un problème plus grave, une transformation anthropologique de la société, qui conduit à un profond changement. Par rapport auquel les doutes ne viennent pas seulement du côté catholique et de milieux conservateurs, mais aussi d’intellectuels laïcs progressistes, dont les réserves, en général très bien argumentées, ont enrichi le débat en France ces derniers mois et ont ouvert à l’Eglise un précieux domaine de réflexion.

Comme l’a rappelé sur «La Croix» du 27 mai la directrice Dominique Quinio, «c’est autour d’une conception globale de la société que se manifestent de nombreux Français». Bien sûr, chaque cas est unique, et il faut lui consacrer une réflexion propre, mais le cas français offre sans aucune doute bien des occasions de réflexion pour tous, et ne peut pas être liquidé de manière superficielle en invoquant un appel à l’accueil qui semble toujours régler toute chose et plaire à tout le monde.

  Lucetta Scaraffia

Les commentaires sont fermés.